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Commentaire d’arrêt : chambre commerciale du 26 mai 2009

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Par   •  27 Septembre 2016  •  Dissertation  •  2 835 Mots (12 Pages)  •  8 005 Vues

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Commentaire d’arrêt : chambre commerciale du 26 mai 2009

La distinction entre une société en formation et une société crée de fait est un sujet classique mais néanmoins crucial compte tenu de ses enjeux. L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 26 mai 2009, non-publié au bulletin, illustre ce propos, compte tenu des conséquences qu’a la distinction sur l’imputation d’une dette.

En l’espèce, nous sommes dans une situation où le gérant d’une société en formation contracte le 1er octobre 1992 un prêt au nom de cette société, auprès d’un établissement de crédit. Ce prêt est destiné à financer l’acquisition de parts d’une autre société. Ce gérant en tant qu’associé fondateur et l’autre associé fondateur de la société en formation se portent cautions de celle-ci. Le prêt est débloqué par virement direct sur un compte bancaire au nom de la société faisant l’objet de l’opération d’acquisition. Les formalités d’immatriculation de la société en formation ne sont pas effectuées.

L’établissement de crédit assigne l’autre associé en remboursement du prêt.

La cour d’Appel de Rennes, dans un arrêt en date du 25 janvier 2008 condamne l’associé en question à payer l’établissement de crédit.

L’associé se pourvoit en cassation par deux moyens réunis en un seul, constitué en 6 branches.

        L’associé estime d’abord que les juges de la cour d’Appel ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1871, 1872-1 alinéa 2 et 1873 du Code civil. En effet, les juges ont considéré qu’une société crée de fait avait été substituée à la société en formation, sans rechercher au préalable la présence des éléments caractéristiques du contrat de société à savoir la présence d’apports, la participation aux bénéfices et aux pertes et l’affectio societatis.

        L’associé estime ensuite que les juges ont privé à nouveau leur décision de base légal au regard des dits-articles en considérant que la seule souscription d’un prêt caractérisait sans équivoque l’accomplissement d’actes propres à l’objet social de la société, alors que le prêt qui n’a d’ailleurs pas été suivi d’exécution n’était destiné qu’à préparer l’accomplissement d’actes relevant de l’objet social de la société.

L’associé estime également que les juges ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1872-1 alinéa 2 du Code civil. En effet, les juges se basent sur une lettre dans laquelle l’associé affirme qu’il a bien agi en tant que tel et sur le fait qu’il ait participé à l’acte de prêt en s’engageant formellement envers l’établissement de crédit, pour établir la présence d’actes positifs accomplis en tant qu’associé. L’associé estime que sans autre circonstance, ces seuls éléments sont insuffisants pour caractériser la présence de tels actes.

Dès lors l’associé estime que les juges n’ont pas démontré en quoi il s’était comporté comme associé « au vu et au su des tiers », ce qui prive leur décision de base légale au regard de l’article 1872-1 alinéa 2 du Code civil.

Il note aussi que les juges violent de nouveau le même article en considérant que la souscription d’un engagement de caution révélait un comportement d’associé, alors qu’à elle seule, cette constatation est insuffisante.

Il estime enfin que les juges privent leur décision de base légale au regard de l’article 1872-1 alinéa 2 du Code civil en omettant de relever strictement que l’engagement de caution qui lui était imputé avait été accompli « au vu et au su des tiers ».

Les juges de la cour de Cassation rejettent le pourvoi par un arrêt en date du 26 mai 2009.

        Ils notent que la Cour d’appel a bien retenu d’une part que la société en cours de formation avait pour objet social l’acquisition de parts de la société tierce et l’emprunt contracté par l’un des associé a bien servi à cette acquisition. D’autre part, que l’autre associé s’est présenté en qualité d’associé de la société dans un courrier adressé à un tiers, et qu’il a participé à l’acte de prêt en s’engageant comme caution avec le premier associé. Dès lors,  la Cour de cassation considère comme inutiles les recherches invoquées par le demandeur au pourvoi.

Dès lors, la Cour de cassation suit la position de la Cour d’Appel qui déduit de ses constatations qu’en l’absence d’immatriculation au RCS de la société en formation, l’activité des associés ayant dépassé l’accomplissement de simples actes nécessaires à la constitution de la société, une société crée de fait s’est substituée à celle-ci.

Qu’est ce qui justifie la substitution d’une société créée de fait à une société en formation ?

Il semble que les juges basent leur raisonnement sur l’existence d’une société créée de fait et non pas simplement en formation. Or cette qualification est importante eu égard à ses enjeux, car les associés s’engageant et participant à un acte conclu au nom d’une société qui se révèle être crée de fait sont tenus personnellement de ses conséquences. Les juges, qui caractérisent le passage d’une société en formation à une société de fait (I), relèvent l’implication de l’associé poursuivi à l’acte, gage de l’engagement sa responsabilité (II).

  1. Le passage d’une société en formation à une société créée de fait

Les juges établissent le fonctionnement prématuré d’une société en s’appuyant sur l’absence d’immatriculation de celle-ci (A) et l’accomplissement de véritables actes d’exploitation (B) pour établir l’existence d’une société créée de fait.

  1. L’absence d’immatriculation : un indice insuffisant

Dans leur décision, les juges déduisent « qu’en l’absence d’immatriculation au registre du commerce une société crée de fait s’était substituée à la société en formation ». Il semble donc évident que la Cour de cassation tienne compte de cet état de fait.

Cette appréciation est utile au raisonnement, car en effet, il n’y aurait pas eu de contentieux tel si la société avait régulièrement été enregistrée. L’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés est le préalable nécessaire à l’existence de la personnalité juridique d’une société, et lorsqu’elle est faite, les actes accomplis par les gérants au nom de celle-ci, à condition qu’ils respectent l’objet et l’intérêt social de la société, sont imputables à celle-ci car ils entrent dans le cadre d’une société dont l’étape de la constitution est dépassée, et qui existe désormais en tant que tel. Le constat de l’absence d’immatriculation permet de mettre en exergue l’étendue du problème de distinction, car que l’on soit en présence d’une société en formation, ou en présence d’une société créée de fait, il n’y a dans les deux cas, pas d’immatriculation et donc pas de personnalité morale. Dès lors, ce critère établi par les juges est utile certes, mais pas suffisant. La jurisprudence l’a déjà rappelé dans un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 13 mai 1997, où la décision des juges souligne le fait que « les critères de l’apparence d’une société créée de fait s’apprécient globalement et non seulement en raison de la durée de la situation en cause ». Il faudrait néanmoins noter le fait qu’une partie de la doctrine considère ce critère comme déterminant en tant que tel en se justifiant par le fait qu’il existerait un « délai raisonnable » pour obtenir l’immatriculation et qu’au-delà de celui-ci, la société n’ayant pas acquis la personnalité morale serait devenue une société créée de fait. Mais la majorité de la doctrine relève le fait qu’il n’existe aucun délai légal pour immatriculer une société, ce qui établit l’insuffisance de ce critère seul.

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