Commentaire d’Arrêt TC 17 juin 2013, M. Bergoend
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’Arrêt TC 17 juin 2013, M. Bergoend. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Léa fabre • 5 Avril 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 293 Mots (10 Pages) • 7 536 Vues
Romane Barthe
Commentaire d’Arrêt TC 17 juin 2013, M. Bergoend
« Folle du logis… perturbatrice au delà de l’acceptable » comme le qualifiait René Chapus, la voie de fait évoque une situation de fait inacceptable où l’administration s’est mise à l’écart du droit au risque de porter des atteintes graves aux droits et liberté. Elle était à l’origine d’une jurisprudence subtile, et c’est grâce à un arrêt important en 2013 que le Tribunal des conflits a clarifié la situation en restreignant le champ d’application de la notion de voie de fait.
En l’espèce, M. Bergoend est propriétaire depuis le 15 juin 1990 d’un terrain sur lequel Electricité de France, devenue ERDF Annecy Léman avait implanté un poteau électrique. Il existait, à l’époque, une procédure obligatoire que devait suivre EDF, crée par décret. Or l’ancienne société publique n’avait pas suivi cette procédure prévue par le décret du 11 juin 1970. En 2009, le requérant a assigné la société devant le Tribunal de grande instance de Bonneville aux fins de faire enlever le poteau.
Ensuite, en 2011, le Tribunal de grande instance a décliné sa compétence, ainsi que la Cour d’appel, saisie postérieurement. A cet effet, M. Bergoend a formé un pourvoi devant la Cour de cassation où il prétend à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par les motifs que le juge judiciaire est compétent pour ordonner le déplacement d’un poteau sur une propriété privée, et que la Société ERDF a commis une voie de fait. Tandis que la société ERDF prétend que la juridiction administrative est compétente, et qu’il n’existe aucune voie de fait. La cour de cassation a alors renvoyé au Tribunal des conflits le soin de répondre à la question de compétence soulevée.
Le Tribunal des conflits avait alors pour but de déterminer, lorsque il y a présence d’un doute au sujet de la voie de fait, l’affaire relève-t-elle de la compétence du Juge judiciaire ou administratif? Il était alors question de savoir si les agissements de la société, soit l'installation de biens publics sur un terrain privé sans l'autorisation de son propriétaire représentaient une voie de fait.
Par un arrêt du 17 juin 2013, le tribunal des conflits a redéfinit le domaine d’intervention de la voie de fait, en rappelant le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. En effet pour le Tribunal des conflits, il y a voie de fait dans deux hypothèses alternatives, d’une part lorsque l’administration a procédé à l’exécution forcée irrégulière d’une décision portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété. Et d’autre part lorsque l’autorité administrative a pris une décision ayant les même effets, atteinte à la liberté individuelles ou extinction du droit de propriété, manifestement insusceptible d’être rattaché à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. Il termine en concluant que l’implantation du poteau constituant un ouvrage public, ne correspond à aucunes des deux hypothèses, puisque il ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose la société chargée du service public, n'aboutit pas, en outre, à l'extinction d'un droit de propriété. Dès lors, elle ne saurait être qualifiée de voie de fait. Ainsi le contentieux dont subit M. Bergoend relève de la juridiction administrative.
Le tribunal des conflits a alors été saisit afin de résoudre le problème de contentieux entre les juridictions administratives et judiciaires. Au delà de cela, ce tribunal a réglé de façon étonnante le contentieux en proposant en premier lieu une nouvelle définition de la voie de fait (I). Cette redéfinition paraissait nécessaire puisqu’elle a ensuite permis de régler de façon plus évidente le conflit de compétence entre les deux juridictions (II), et de résoudre le litige.
- Le règlement étonnant du contentieux par une redéfinition de la voie de fait
- La saisie évidente du Tribunal des conflits
- Le but principal du Tribunal des conflits est de s’assurer du respect du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires institué par le décret du 16 frutidor an III, et de veiller à ce que le juge judiciaire n’intervienne pas dans les affaires de l’administration comme le prévoit l’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790. Ces deux lois sont alors fréquemment évoqués lorsqu’il y a un conflit d’attribution des compétences entre la juridiction judiciaire et la juridiction administrative comme c’est le cas dans l’arrêt du Tribunal des conflits du 17 juin 2013.
- Citation « la Cour de cassation a renvoyé au Tribunal des conflits, par application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la question de compétence »
- Le juge de cassation qui est saisit et qui dans sa réflexion se dit que la question de sa compétence n’est pas simple et que ce serait peut être bien de demander l’avis du TC tout de suite pour être sur c’est bien mon ordre de juridiction qui est compétent. Le législateur a ici instauré la possibilité de saisir le TC de manière préventive pour toute difficulté sérieuse de compétence.
- Exemple: Décision Société le Profil de 1978, affaire de transporteur de fond privé qui avait eu recours à la police pour protéger les transports de font. La question s’est posé de savoir sous quel ordre on va aller. Le CE a saisit le TC, et le TC a dit que on va prendre la compétence juridictionnelle afférente à l’opération principale.
- Que ce soit pout prévenir les conflits, ou pour traiter les conflits, dans toutes ses hypothèses on voit l’intérêt du TC qui règle les conflits d’attribution. Cet organe est indispensable en cas de dualité juridictionnelle. C’est pourquoi la saisine du TC était indispensable.
- Mais le TC a d’abord dans son arrêt du 17 juin 2013, avant tout donner une nouvelle définition de la voie de fait avant de trancher le conflit de compétence.
- Une nouvelle définition restrictive et appréciable de la voie de fait
- Le TC dans une importante décision de principe clarifie toute situation. a voie de fait est, comme l'a rappelé le Tribunal des conflits dans un arrêt du 23 octobre 2000, Boussadar une situation dans laquelle l'administration a porté une « atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale » et qui est « manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ». Le TC dans cet arrêt réduit le champs d’application de la voie de fait à deux hypothèses.
- Citation: « Considérant qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration »
- La première est celle où il y a atteinte à une liberté individuelle et non plus à une liberté fondamentale comme auparavant. Au départ une atteinte grave à une liberté fondamentale, et une catégorie large. A la place d’une atteinte fondamentale on met à la place atteinte à la liberté individuelle c’est donc plus restrictif. La seconde est celle où il y a « extinction du droit de propriété et non plus comme auparavant « atteinte » à ce droit. Le champs d’application de la voie de fait et l’intervention du juge sont donc réduits. Comme par le passé les deux modalités de la voie de faut subsistent: exécution forcée irrégulière d’une décision et décision manifestement insusceptible de se rattacher au pouvoirs de l’administration.
- Exemple: TC 9 décembre 2013 « Epoux Panizzon c. Commune de Saint Palais sur mer »: Dans cet arrêt le TC reprend sa décision qu’il avait instauré en juin 2013, il précise à nouveau la nouvelle définition de la voie de fait, il réitère donc sa solution est l’instaure de manière définitive. De plus on peut voir d’autres décision ensuite qui consacre aussi cette nouvelle définition comme celle : Cass civ 1ère 13 mai 2014 Commune d’Uzerche c. Mlle X
- Dans cet arrêt du 17 juin 2013, le TC opère donc un revirement de Jurisprudence et consacre un arrêt de principe. On constate donc que la voie de fait qui a été une notion accueillante pendant des décennies est aujourd’hui une notion très resserré, il n’est pas facile en pratique de trouver des hypothèses dans lesquelles l’administration fait cela, et cela réduit la compétence du juge judiciaire.
- Le règlement cohérent de compétence entre la juridiction administrative et judiciaire
- Le constat logique d’une absence de voie de fait
- Une fois la nouvelle définition de la voie de fait consacré, le Tribunal des conflits l’a alors appliqué au cas en l’espèce afin de déterminer ensuite quelle juridiction est compétente.
- Citation: « Considérant qu'un poteau électrique, qui est directement affecté au service public de la distribution d'électricité dont la société ERDF est chargée, a le caractère d'un ouvrage public ; que des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement ou la suppression d'un tel ouvrage relèvent par nature de la compétence du juge administratif, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ; que l'implantation, même sans titre, d'un tel ouvrage public de distribution d'électricité, qui, ainsi qu'il a été dit, ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose la société chargée du service public, n'aboutit pas, en outre, à l'extinction d'un droit de propriété ; que, dès lors, elle ne saurait être qualifiée de voie de fait »
- Le Tribunal des Conflits rappelle que l'implantation du poteau électrique litigieux sur une propriété privée sans titre n'éteint pas le droit de propriété de Monsieur Bergoend. En conséquence, contrairement à ce que soutient le demandeur, le Tribunal des Conflits estime qu'aucune voie de fait n'est caractérisée. C’est un refus implicite du TC en l'espèce de reconnaître à cette situation le caractère de voie de fait qui marque la volonté du TC de restreindre généralement la compétence du juge judiciaire.
- Exemple: l’arrêt s’inscrit ainsi dans la même logique que celui rendu par le Tribunal des conflits, le 9 décembre 2013, M. et Mme Panizzon, dans lequel ce dernier a estimé que lorsqu’une décision administrative porte atteinte au droit de propriété, le juge administratif est compétent « pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision, hormis le cas où elle aurait pour effet l’extinction du droit de propriété ». Par ailleurs, la Cour de cassation a retenu, le 11 mars 2015, reprenant exactement les conclusions du juge des conflits, que « l’implantation, même sans titre, d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration ».
- L’apport de l’arrêt du 17 juin 2013, réside dans le fait que l’administration ne commet plus de voie de fait en implantant irrégulièrement un ouvrage public, du moment que cela ne conduit pas à une extinction du droit de propriété. En effet, eu égard au resserrement de la notion de voie de fait le TC a estimé qu’il n’y avait pas d’extinction du droit de propriété et donc pas de voie de fait, aboutissant à régler le litige de compétence.
- Le constat évident de la compétence du juge administratif aboutissant à un élargissement de sa compétence.
- En admettant que il n’y avait pas de voie de fait, le Tribunal des conflits a alors estimé le juge administratif compétent pour régler le litige.
- Citation: « qu'il suit de là que les conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement du poteau électrique irrégulièrement implanté sur le terrain de M. B...relèvent de la juridiction administrative ».
- Le juge administratif est pleinement saisi de nouveaux pouvoirs. Dans l’arrêt CE, 23 janvier 2013, Commune de Chirongui, il avait jugé « Considérant que, sous réserve que la condition d'urgence soit remplie, il appartient au juge administratif des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre l'administration de faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, lequel a le caractère d'une liberté fondamentale, quand bien même cette atteinte aurait le caractère d'une voie de fait ». Ainsi après cet arrêt le Tribunal des conflits pouvait soit maintenir la définition de la voie de fait ou soit la redéfinir pour éviter une chevauchement de compétence.
- En redéfinissant la voie de fait d'une façon aussi étroite, le Tribunal des conflits a entendu affirmer sa confiance au juge administratif et protéger, par conséquent, son domaine de compétence. Le choix de changer la notion de liberté peut paraître étonnant mais les libertés individuelles incluent seulement la notion de sûreté, celle d'aller et venir et celle du respect de la vie privée, et permettent donc une meilleure restriction.
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