Commentaire arrêt TC 16 juin 2014
Commentaire d'arrêt : Commentaire arrêt TC 16 juin 2014. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mlegend • 25 Mars 2020 • Commentaire d'arrêt • 3 534 Mots (15 Pages) • 799 Vues
Commentaire d’arrêt: Tribunal des conflits, 16 juin 2014
En France, l’organisation juridictionnelle est assez originale. Effectivement, on parle de dualité de juridictions car ces dernières se divisent en deux catégories. D’une part, les juridictions judiciaires tranchent les litiges entre personnes privées, d’autre part les juridictions administratives qui tranchent quant à elles les litiges opposant les administrations aux administrés ou différentes personnes publiques entre elles. Cette conception juridictionnelle s’explique par la séparation des pouvoirs et fut traduite à l’article 13 de la loi des 16 et 24 aout 1790 qui dispose que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». De plus, le décret du 16 fructidor an III affirme que « défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ». Ces deux textes ne définissent pas la compétence de la juridiction administrative mais énoncent simplement les domaines dans lesquels la juridiction judiciaire ne pourrait pas intervenir. Cependant, des conflits de compétence entre les deux ordres de juridictions subsistent. Ces conflits sont réglés par le tribunal des conflits. La décision rendue le 16 juin 2014 par le tribunal des conflits en est une parfaite illustration.
En l’espèce, la communauté d’agglomération de la Rochelle (la communauté) a exercé son droit de préemption sur un immeuble appartenant aux consorts B. En désaccord avec ces derniers sur le prix de la cession, la communauté a saisi le juge de l’expropriation afin qu’il fixe le prix de ce bien. Une fois la décision du juge rendue par un arrêt du 16 mars 2007, la communauté a renoncé à exercer son droit de préemption, et donc l’acquisition du bien, estimant que le prix fixé était trop élevé. Cependant, cette décision de renonciation rendue le 3 juillet 2007 a eu lieu postérieurement au délai légal, soit plus de deux mois après que la décision juridictionnelle soit devenue définitive. De ce fait, les consorts B ont assigné, par acte du 12 mai 2009, la communauté devant le tribunal de grande instance (TGI) de la Rochelle au motif que la vente était parfaite c’est pourquoi la communauté doit payer le prix fixé par le juge. Le 21 juin 2011, le TGI de la Rochelle rend un jugement où il se reconnait compétent et constate le transfert de propriété du bien du demandeur au défendeur. Au vu de ce jugement, la communauté interjette appel. Par ailleurs, le 14 octobre 2013, le préfet de la Charente Maritime présente un déclinatoire afin que la juridiction judiciaire soit déclarée incompétente aux motifs que le litige « conduit à examiner la légalité de la décision administrative par laquelle la communauté a renoncé à aliéner le bien appartenant aux époux B ». La cour d’appel de Poitiers rend le 31 janvier 2014 un arrêt rejetant ce déclinatoire c’est pourquoi le préfet élève le conflit par un arrêté du 13 février 2014. De ce fait, le 28 février 2014, le garde des sceaux transmet au tribunal des conflits le dossier.
La juridiction judiciaire est-elle compétente pour apprécier la légalité d’une décision d’une personne publique renonçant à son droit de préemption?
Le tribunal des conflits commence par rappeler l’importance qu’une demande soit jugée dans un délai raisonnable au vu d’une bonne administration de la justice et d’un bon fonctionnement des juridictions. Il rappelle également le principe des questions préjudicielles conformément à la séparation des autorités administratives et judiciaires, qui s’en suit avec l’exception qu’à le juge judiciaire de pouvoir de statuer sur la légalité d’un acte administratif. De plus, les juges se basent sur l’article L 213-7 du code de l’urbanisme pour affirmer que le délai de deux mois après la fixation judiciaire du prix était dépassé pour renoncer à l’acquisition de l’immeuble en l’espèce. Dans ce sens, il affirme également qu’une personne publique souhaitant renoncer à son droit de préemption ne peut le faire après ce délai légal, faute d’illégalité. Cependant, il est précisé qu’il revient à la juridiction judiciaire de « déterminer si une décision de cour d’appel fixant le prix de cession de l’immeuble objet de préemption est une décision juridictionnelle devenue définitive ». Dans notre arrêt, le tribunal donne quand même raison au préfet sur un point: il faut apprécier la légalité de la décision de renoncer au droit de préemption. Cependant, les juges affirment que le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la légalité de cette décision au regard d’une jurisprudence déjà établie. Par conséquent, l’arrêté de conflit pris par le préfet est annulé.
Dans l’arrêt commenté, nous voyons que se posent les questions de l’admissibilité et des modalités de l’arrêté de conflit du préfet. Mais ce qui va particulièrement retenir notre attention c’est le pouvoir du juge judiciaire de statuer sur la légalité d’un acte administratif. Pour cela, nous nous interrogerons sur l’éclairage et l’apport que cet arrêt permet sur l’appréciation de la légalité des actes administratifs par l’ordre judiciaire « compétemment saisi du litige au principal ».
Pour commencer, nous remarquerons que notre arrêt fait un rappel des conditions de la procédure applicable ainsi que de la determination par le juge judiciaire quant à la décision de la cour d’appel fixant le prix de la cession du bien comme devenue définitive (I). Ensuite, nous verrons l’affirmation d’un partage des compétences entre les deux ordres de juridiction en matière de droit de préemption (II).
I. Un rappel des conditions de la procédure applicable ainsi que de l’appréciation du caractère définitif de la décision de la cour d’appel fixant le prix de cession du bien
A. Une correcte application de la procédure
Dans notre arrêt, le tribunal administratif intervient dans le cadre d’une procédure de conflit positif. Ce dernier correspond à la « situation où la juridiction judiciaire a été primitivement saisie par un requérant. Il s’agit d’une procédure à l’initiative de laquelle se trouve le préfet, qui a pour but d’obtenir le transfert du litige en cause aux juridictions administratives » selon M. Lombard, G. Dumont et J. Sirinelli dans leur ouvrage « droit administratif ». En l’espèce, c’est le Tribunal de Grande Instance de la Rochelle qui a été saisi et qui, par la suite s’est déclaré compétent par un jugement du 21 juin 2011 et a, par la même décision constater le transfert de propriété de l’immeuble des époux B à la communauté.
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