Commentaire d'arrêts groupés sur le bail commercial
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêts groupés sur le bail commercial. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Coralie Daumas • 14 Décembre 2021 • Commentaire d'arrêt • 2 991 Mots (12 Pages) • 592 Vues
Le bail commercial était d’abord vu par le législateur au travers de l’aspect économique du loyer dans la loi du 17 mars 1909. La loi du 30 juin 1926 instaure la première disposition des baux commerciaux et envisage l’octroi d’une indemnité d’éviction au bénéfice du preneur en cas de non-renouvellement du bail commercial sans motif légitime. Le décret du 30 septembre 1953 a définitivement régi le régime des baux commerciaux et aujourd’hui ses règles sont intégrées dans le Code de commerce aux articles L145-1 et suivants. Le statut de bail commercial est donc un droit spécial notamment dans les règles concernant la durée avec quelques exceptions de résurgence du droit commun. C’est ce que nous allons étudier dans ce commentaire d’arrêts.
Dans un premier arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 1er octobre 2014, une SCI donne à bail à une société deux terrains pour une durée de vingt-trois mois à partir du 1er juillet 1994 avec l’autorisation d’y installer des containers pour y exercer une activité d’atelier et de bureau. Le 15 mars 2010, suite à sa liquidation judiciaire, la SCI, représentée par son liquidateur, assigne la société en expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation. La défenderesse assigne la demanderesse devant le tribunal de commerce pour qu’il constate qu’elle bénéficiait en fait d’un bail commercial lui permettant une occupation de neuf ans suivi d’une tacite reconduction à durée indéterminée. La Cour d’appel donne raison à la société et la SCI se pourvoit en cassation en estimant que ça ne peut-être un bail commercial et que la prescription biennale est ici appliquée.
En l’espèce, dans le deuxième arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation datant du 17 septembre 2020, une bailleresse donne à bail son local commercial à une locataire par deux fois au travers de ce qu’elle appelle des baux saisonniers pour des durées de un an et onze mois respectivement. Avant la fin du dernier bail, les parties se mettent d’accord pour en conclure un nouveau que la propriétaire définit comme une convention de location précaire pour vingt-trois mois. Par deux lettres recommandées avec avis de réception, la bailleresse a rappelé à la preneuse que le troisième et dernier bail allait arriver à expiration et qu’elle devait impérativement libérer les locaux. Après l’expiration mais avant le délai pour donner congé, la locataire se maintient dans les lieux et assigne la propriétaire afin de voir appliquer le statut des baux commerciaux à tous les baux conclusions jusqu’alors, lui permettant ainsi de continuer son activité pendant encore quelques années. La Cour d’appel donne raison à la demanderesse et la défenderesse se pourvoit en cassation.
Il est intéressant de se demander quelles sont les conditions pour qualifier un bail de commercial et quelles sont les règles de durée qui s’appliquent en conséquence.
Dans un premier temps, nous verrons que les baux commerciaux sont régis par des règles dérogeant au droit commun (I). Dans une deuxième partie, nous examinerons les exclusions du statut des baux commerciaux de certains baux du fait de leur courte durée (II).
I) Régime spécial du statut des baux commerciaux
Dans le droit commun du louage de chose, les baux sont régis par les articles 1714 à 1762 du Code civil mais cela ne concerne que les baux d’habitation et les baux ruraux en excluant les baux à ferme et à métayage ainsi que les baux commerciaux et artisanaux. Il est alors important de se poser deux questions : comment distinguer un bail commercial d’un autre bail (A) et quelles sont les règles de durée qui s’appliquent à un tel bail (B).
A] Les conditions pour qualifier un contrat de location en bail commercial
Au sens de l’article L145-1 du Code de commerce, le statut de bail commercial présuppose la réunion de quatre conditions cumulatives. Tout d’abord l’existence d’un contrat de bail. Le contrat de louage est défini à l’article 1709 du Code civil, deux éléments constitutifs en découlent : la jouissance stable d’une chose et le paiement d’un loyer. La deuxième condition est que l’objet du bail doit être un local ou un immeuble. Nous nous intéressons au local principal où est exploité le fonds de commerce mais la jurisprudence admet toutefois une exception pour un local secondaire si deux conditions cumulatives sont remplies : l’exigence d’un propriétaire commun pour les deux locaux ou la connaissance par le second propriétaire de l’utilisation jointe du local principal et secondaire ainsi que le caractère indispensable du local secondaire pour l’exploitation. La troisième condition se caractérise au travers de l’exploitation par le locataire d’un fonds de commerce industriel ou artisanal. Enfin, sauf cas particulier, une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au registre des métiers est indispensable.
Dans l’arrêt du 1er octobre 2014, l’un des arguments de la SCI est que la société preneuse ne possède pas un bail commercial car c’est un terrain nu, ce qui l’exclut du statut des baux commerciaux comme le confirme l’article L145-1 du Code de commerce. Mais l’alinéa 2 de ce même article dispose que si des constructions ont été édifiées, soit avant soit après le bail, pour un usage commercial, industriel ou artisanal et qu’elles ont été élevées avec le consentement exprès du propriétaire, le bail commercial est qualifié. En l’espèce, la SCI estime que les containers sont des biens meubles puisqu’ils peuvent être enlevés facilement et ne présentent pas des qualités de solidité et de fixité suffisants comme l’exige la jurisprudence pour les qualifier de constructions. A cet argument, la Cour de cassation répond que le raccordement aux réseaux d’alimentation (eau et électricité) en font parties comme c’est le cas dans cette affaire. De plus, un fonds de commerce y est bien exploité et le consentement du propriétaire a bien été donné. Ainsi, la société preneuse disposait bien d’un bail commercial et pouvait se maintenir durant plus de neuf ans sur ces terrains du fait de l’absence de congé donné par la SCI bailleresse.
Après avoir vu les conditions pour qualifier un bail de commercial, il faut s’intéresser aux règles qui s’y appliquent et notamment les règles de durée du statut des baux commerciaux.
B] Les règles de durée du statut des baux commerciaux
La plus importante règle de temps qui s’applique aux baux commerciaux est qu’ils sont censés durer au minimum neuf ans comme l’a fixé la loi n°65-356 du 12 mai 1965 qui se retrouve codifiée à l’article L145-4 alinéa 1er du Code de commerce. Le second alinéa pose toutefois une exception pour le preneur puisqu’il possède « la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale » c’est-à-dire tous les trois ans. Une autre exception existe pour le bailleur, elle réside dans l’alinéa 3 de ce même article et dispose qu’il peut déroger à cette règle si le bien fait l’objet de rénovations, d’une surélévation ou d’une transformation en habitation. Il existe aussi un droit au renouvellement du bail commercial à l’article L145-8 du Code de commerce. Dans la pratique, le bailleur pourra soit proposer le renouvellement du bail ou accepter la demande de renouvellement formulée par le locataire soit il pourra la refuser en versant une indemnité d’éviction au preneur (article L145-9 du Code de commerce) soit refuser le renouvellement en invoquant un motif légitime, ce qui lui évite le paiement de l’indemnité d’éviction. Si le renouvellement est accepté, le bail est renouvelé de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue (article L145-12 du Code de commerce). Si le bailleur ne délivre pas de congé et si le locataire ne formule pas de demande de renouvellement et qu’il se maintient dans les lieux après l’expiration du délai de location, le bail se poursuit par tacite reconduction pour une durée indéterminée. Le bailleur peut alors délivrer un congé à tout moment avec un préavis d’au moins six mois. De même que le locataire peut formuler à tout moment une demande de renouvellement. De nombreux articles du Code de commerce sont considérés d’ordre public et les articles liés au droit du renouvellement le sont. Dans l’arrêt du 1er octobre 2014, la Cour d’appel et la Cour de cassation estimant qu’il s’agit bien d’un bail commercial, la tacite reconduction est fondée puisque la société preneuse se maintient dans les lieux après l’expiration du délai minimum de neuf ans et la SCI bailleresse ne lui a pas opposée de congé.
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