Autonomie du droit administratif
Dissertation : Autonomie du droit administratif. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar uvwmd • 11 Octobre 2021 • Dissertation • 3 502 Mots (15 Pages) • 979 Vues
L’autonomie du droit administratif -
Jean-Marie Etienne Portalis énonçait, au tournant du XIXe siècle en sa qualité de rédacteur du Code civil des français qu'il faut “éviter que la marche de l’administration soit arrêtée par des actions de justice”. Ce faisant, l’éminent juriste laissait manifester par sa parole un des principes fondamentaux du droit administratif : son autonomie.
Le droit administratif à trait à la nécessité pour l’administration de respecter le principe de légalité. Deux implications à ce principe émergent : premièrement l’autorité administrative doit respecter les règlements et le corpus de légalité en vigueur sous peine de voir ses décisions annulées par un juge administratif compétent; d’autre part, l’administration doit donc agir pour se conformer à cette obligation. Dès lors, le juge administratif procède en vertu d’une compétence spéciale et non partagée afin de juger l’administration elle-même : l’administration est autonome et seule compétente en principe dans le domaine administratif.
Mais s’il faut parler d’autonomie, il faut encore la définir, la borner à ses incidences juridiques quant au droit administratif. L’autonomie au sens fort doit se définir comme une combinaison portée au préfixe de “autos”, signifiant en grec ancien “seul”, de lui-même, et au suffixe de “nomos”, selon ses propres “normes”, ses propres lois. Au sens strict l’autonomie du droit administratif renferme l’idée que ce dernier est régi par ses propres normes, et distincte de toutes autres formes de droit que celui de l’administration même. Le droit administratif serait, selon cette conception, strictement opposé à toute autre hétéronomie, toute forme de d’application d’un droit étranger au bloc de normes concernant l’administration elle-même.
Toutefois, le sens de l’autonomie du droit administratif parvient à un sens plus faible, par glissement sémantique, ou la manne importante du droit administratif serait régi par ses propres normes. Le droit administratif, au-delà de sa spécialisation et de son particularisme, peut connaître une immixtion de règles étrangères au droit administratif lui-même : le droit privé des contrats, ou encore des assurances, de la responsabilité et bien d’autres. En effet, l’autonomie s’analyse au sens du particularisme des normes employées, le droit administratif étant un droit d’origine prétorien, organisé autour de la doctrine administrative et de la jurisprudence du Conseil d’Etat.
Historiquement et depuis la Révolution française, le droit administratif est séparé strictement et en principe du droit privé et de la compétence du juge judiciaire. Les lois du 16-24 août 1790 indiquent ainsi dans son article 13, in fine, que “les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives”. Dès lors, les juges du corps judiciaire ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ou s'immiscer dans la compétence même du juge administratif. Le 8 février 1873, au sein du célèbre arrêt Blanco, le refus d’une responsabilité de l’Etat sur les mêmes fondements que ceux de la responsabilité civile (ancien article 1382 du Code civil) transparaît pour préférer un régime autonome issu du droit prétorien administratif : “ la responsabilité, qui peut incomber à l'Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier”. La responsabilité de l’administration, au contraire du régime de droit privé, n’est “ni générale, ni absolue ; elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l'Etat avec les droits privés”.
La bonne gestion de la mission administrative, eu égard au besoin d’assurer l'intérêt général, la mission d’administration du territoire et des enjeux liés aux prérogatives de puissance publique dont elle fait-part, nécessite un droit sui-generis séparé des enjeux du droit privé et du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 juillet 1980 pose à cet effet le principe de l’indépendance de la justice administrative par rapport au pouvoir exécutif, tandis que sa décision du 23 janvier 1987, conseil de la concurrence, protège la compétence du juge administratif en posant sa compétence de principe sur les contentieux administratifs, sauf pour le besoin d’une bonne administration de la justice.
Dès lors, une question de droit vient à naître sur les racines de ces développements : le droit administratif est-il purement autonome, ou bien cette autonomie tend-elle à s'effacer ou à connaître une mutabilité au regard de la nécessité de la bonne administration de la justice ?
Pour répondre à cette question nous allons dans un premier temps nous intéresser à l’autonomie de principe du droit administratif (I) puis dans un second temps en quoi la conception élargie du principe d’autonomie est nécessaire pour des raisons de bonne administration de la justice (II).
Une autonomie de principe du droit administratif
L’autonomie du droit administratif est d’abord née de la summa divisio entre le droit privé et le droit public (A), attribuant ainsi une compétence unique au juge administratif sur le contentieux administratif (B).
A. Une autonomie née de la summa divisio entre droit privé et droit public
La séparation de l’ordre administratif et judiciaire opéré par le législateur révolutionnaire ne souffre d’aucune équivoque. L’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 précité dans notre devoir laisse entendre une conception stricte de la compétence du juge judiciaire et du juge administratif. Leurs corps étant différents, leur compétence doit être strictement séparée.
Deux interprétations linguistiques peuvent en être tirée : les deux corps sont soit simplement distincts, avec l’impossibilité pour ces ordres de s'immiscer dans leur contentieux respectif ou même d’user du corpus de normes qui régit le droit privé ou public; soit les deux corps sont séparés, mais peuvent user par inspiration des normes incombant à l’autre ordre, sinon régler elle-même des conflits de manière exceptionnelle au profit d’une raison d’état à caractère
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