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La Ve République

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Par   •  15 Juin 2012  •  Cours  •  3 360 Mots (14 Pages)  •  1 307 Vues

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Pour l'économiste et historien Nicolas Baverez, ce qui se joue ce dimanche est rien de moins que le maintien, au prix d'immenses efforts, de la France dans le peloton de tête des pays développés... ou son inexorable déclin.

La Ve République est un régime conçu pour l'action en temps de crise. Le président de la République, qui incarne la nation et répond du pouvoir de l'État, en constitue la colonne vertébrale. Son élection structure le système politique tout en mettant les citoyens en situation d'examiner les grands enjeux de l'heure et de décider de leur destin. Or, l'élection présidentielle de 2012 se présente comme une dangereuse dérobade. Jamais depuis les années 1930 la France n'a été aussi affaiblie, notamment vis-à-vis de l'Allemagne, et aussi en porte-à-faux par rapport à l'économie mondiale et à l'environnement international. Jamais depuis les années 1930 la classe politique n'a fait preuve d'une telle légèreté et le débat public ne s'est enfermé dans un tel déni du réel. Les Français ne s'y trompent pas. Leur forte mobilisation du premier tour, avec un taux de participation de 80%, témoigne d'une conscience aiguë de la gravité de la situation et du caractère décisif du moment. Leur vote à 33% contre les partis dits de gouvernement exprime leur désarroi et leur déception face à l'insuffisance des projets en présence.

En 2002, c'est l'abstention qui avait été le vecteur de leur colère et leur frustration. En 2012, ce fut le vote en faveur du Front du rejet, au confluent d'un règlement de comptes entre les électeurs et le président sortant, d'une crise de nature déflationniste qui lamine les classes moyennes, d'un appel enfin à réassumer les valeurs de la République qui ont été abandonnées aux populistes qui les instrumentalisent. Intellectuellement et politiquement, ces derniers ont réussi leur OPA sur la campagne, placée sous le signe de la démagogie, de la nostalgie et du ressentiment. Et ce, en complète rupture avec les récentes élections en Europe qui, du Royaume-Uni à l'Espagne, ont débouché, au terme d'un débat authentique autour des très sérieuses difficultés de ces nations et de l'Europe, sur des alternances associant le renouvellement des équipes dirigeantes, des stratégies claires de gestion de la crise, des idées originales pour mobiliser l'énergie des citoyens, à l'image du programme britannique de Big Society.

L'élection présidentielle de 2012 ne va pas seulement choisir le prochain président de la République, qui aura la très lourde responsabilité de diriger le pays et l'État au cours de cinq années terribles. Elle donnera une indication décisive sur la capacité de notre démocratie à délibérer et à relever les immenses défis qui se présentent devant elle, sur la capacité de la France à accomplir les changements majeurs requis pour enrayer trois décennies de déclin, sur la capacité des Européens de trouver les compromis nécessaires pour sauver l'euro et les acquis de soixante ans d'intégration du continent. Voilà pourquoi le vote de 2012 est décisif. Voilà pourquoi, sous les avatars d'une campagne en trompe-l'oeil, il doit être éclairé et guidé par la compréhension de ses enjeux réels à l'aune des révolutions du XXIe siècle.

Accélération de l'Histoire, régression de l'Europe...

Jamais depuis 1958 une élection présidentielle ne s'est déroulée sur fond de plus grands bouleversements historiques. La Ve République est née de l'impuissance du régime parlementaire à trouver une issue à la guerre d'Algérie, dans un contexte de forte croissance et de stabilisation de la guerre froide après la disparition de Staline. L'élection de François Mitterrand, en 1981, dut beaucoup aux chocs pétroliers et à la crise déclenchée par l'implosion de la régulation keynésienne sous les assauts conjugués du chômage et de l'inflation, tandis que sa réélection précéda d'un an la chute du mur de Berlin.

Le scrutin de 2012 se situe pour sa part au confluent de quatre révolutions qui remettent en cause la situation de la France et de l'Europe. La première révolution est liée à la mondialisation, qui fait basculer le centre de gravité du capitalisme vers les pays émergents - ces derniers assurent désormais 52% de la production industrielle, réalisent 48% des exportations et détiennent 80% des réserves de change mondiales. D'où un double choc pour les pays développés, confrontés à la désindustrialisation et à un chômage structurel qui déstabilise leurs classes moyennes, tandis que l'Occident voit contester le monopole qu'il détenait sur l'histoire du monde depuis le XVIe siècle. La deuxième découle du cumul de la crise mondiale du capitalisme dérégulé et de la crise européenne des risques souverains qui ne sont nullement achevées. Elles entraînent le recul relatif des États-Unis et leur recentrage stratégique autour de leur territoire et de l'Asie, tandis que l'Europe se trouve aspirée dans une dynamique déflationniste comparable à celle du Japon, mêlant vieillissement démographique, surendettement, perte de compétitivité et surévaluation de la monnaie. Le troisième bouleversement est à chercher dans l'onde de choc du soulèvement des peuples lancée par les révolutions du monde arabo-musulman et qui a gagné jusqu'à la Russie et à la Chine. Animées par la révolte contre les autocraties, la corruption et les inégalités, elles n'ont pas pour autant comme objectif, contrairement à l'automne des peuples de 1989, le passage à la démocratie occidentale et à l'économie de marché. Enfin, une nouvelle révolution technologique se poursuit, portée par l'information, la génétique mais aussi la transition énergétique sous la pression de la raréfaction des ressources, du réchauffement climatique et de la catastrophe de Fukushima.

L'Europe est la grande perdante de cette nouvelle donne. La zone euro, épicentre de la crise des dettes souveraines, est devenue le plus important risque pour l'économie mondiale, que l'implosion de la monnaie unique plongerait dans une grande dépression. Elle est le seul des grands pôles de la mondialisation dont la production reste inférieure à son niveau de 2007 et à rechuter dans la récession, accompagnée d'un chômage qui touche 10,8% de la population active tandis que les déficits et la dette publics atteignent 4,1%, et 87% du PIB. Elle compte trois États en situation de défaut, qui menacent d'être rejoints par l'Espagne, prise en tenailles par la récession

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