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Étude des caractères de La Bruyère

Commentaire d'oeuvre : Étude des caractères de La Bruyère. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  28 Janvier 2023  •  Commentaire d'oeuvre  •  4 813 Mots (20 Pages)  •  573 Vues

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COTTENCEAU

Salomé

1B

Français

     

           1. On retrouve dans ces cinq livres des Caractères de nombreuses références au théâtre aussi bien à la comédie, qu’à la tragédie. En effet, l’on peut relever à la fois de grands auteurs, des citations d’œuvres, mais encore des noms de comédiens. Par exemple, la remarque 30 du chapitre V, intitulé « De la Société et de la Conversation », comporte une citation d’une vingtaine de lignes de Montaigne (l.316 – l.333) : « Je veux avoir mes coudées franches, et être courtois et affable à mon point, sans remords ni conséquences. [...] Je ne puis me forcer et contraindre pour quelconque à être fier. » La Bruyère rapporte ces paroles, afin d’appuyer ses propres réflexions, ici celle de ne vouloir flatter l’estime qu’un homme a de lui-même. On peut également relever un certain nombre de noms d’auteurs ou poètes grecs et latins de l’Antiquité, comme Lucain, Sénèque, Claudien, Platon, Virgile, Théocrite… La Bruyère les utilise parfois pour les opposer au parti des « Modernes », notamment dans la remarque 75, livre 5, avec le personnage de Cydias. Cydias est un « bel esprit », un écrivain qui se distingue par l’élégance de sa plume. Ici, l’auteur dit : «Cydias s’égale à Lucien et à Sénèque, se met au-dessus de Platon, de Virgile et de Théocrite; […]. Uni de goût et d’intérêt avec les contempteurs d’Homère ; […]». Cydias se place ainsi dans le mouvement des « Modernes », car il est partisant de poètes comme Homère et se considère supérieur aux auteurs antiques, donc des « Anciens ». Mais La Bruyère les emploie aussi afin de se catégoriser lui-même dans le parti des « Anciens », en faisant référence à des personnages de comédies. On retrouve en effet plusieurs noms propres tirés des comédies de Terence, un poète comique latin, comme Sannion (VII10) ou Sosie (VI15). Il cite également des auteurs de son époque comme Jean Racine (IX42), considéré comme un modèle à la Cour, mais aussi Molière : « et toutes les filles pour épouseur » (VII14). Ce terme fût inventé par Molière dans sa pièce Dom Juan. De plus, fait-il référence à des comédiens comme Floridor et Mondory (IX50), deux acteurs célèbres de l’époque.  La Bruyère compare enfin le monde à un théâtre dans la remarque 99 du chapitre VIII, avec notamment des décors, des acteurs, une scène, et des rôles. En citant des écrivains latins et grecs et en usant de références au théatre, il marque ainsi son appartenance aux écrivains appelés les « Anciens », attachés à la littérature de l’Antiquité. La Bruyère emploie donc des termes de mise en scène, des noms de comédiens et d’auteurs, pour créer un lien entre son œuvre et le théâtre classique.

         2. La Bruyère utilise de nombreux procédés théâtraux comme un metteur en scène. En effet, on relève dans certaines remarques des éléments de mise en scène, comme des indications de ton ou de jeu : « il grossit sa voix à mesure qu’il s’approche ; le voilà entré : il rit, il crie, il éclate ; on bouche ses oreilles » (V12). Ici, on a un personnage qui s’exprime fort, qui prend de la place lors des discussions, qui dérange. Cela contribue à forger une identité au personnage. Mais l’on retrouve également des détails physiques : « qu’il paraisse enfin avec une mine grave et une démarche démesurée ». Cela enrichit à nouveau l’identité du personnage, que l’on pourrait imaginer fatigué ou d’un rang inférieur. On a aussi des dialogues rapides, notamment : « ai-je tort dit-il à Elise ? ai-je grand sujet de leur vouloir du bien ? Et il l’en fait juge. » Ces échanges nous rappellent le théâtre et implique également le lecteur dans les réflexions qui s’imposent à lui. La Bruyère décrit parfois le décor dans lesquels évoluent les personnages, par exemple : « J’approche d’une petite ville […]. Elle est située mi-côte ; une rivière baigne ses murs, et coule ensuite dans une belle prairie ; elle a une forêt épaisse qui la couvre des vents froids et de l’aquilon. » (V49) ou encore : « ils habitent une contrée déserte et solitaire. » (V47) Il décrit ici des décors ruraux, de campagnes, pour marquer le calme et la paisibilité qui y règnent, par opposition à la ville, qu’il décrit comme corrompue, mouvementée. L’auteur utilise également des procédés théâtraux, d’effets comiques notamment. On retrouve du comique de répétition, par exemple lors de la remarque 7, chapitre 5, où il répète trois fois le nom du personnage, Acis, pour accentuer l’incompréhension, déjà marquée par de très nombreuses questions. Cela a pour but de provoquer le rire chez le lecteur. On retrouve ensuite du comique de gestes : « Cydias, après avoir toussé, relevé sa manchette, étendu la main, et ouvert les doigts » (V75). Il est décrit précisément chaque geste effectué par Cydias, comme une préparation ou un rituel. La Bruyère se moque du comportement du protagoniste et rit de lui. La scène semble solennelle, bien que cela ne tienne que de l’ironie. Ce passage pourrait aussi rejoindre la notion de comique de caractère. Ce type de comique consiste en l’exagération d’un défaut chez un personnage, jusqu’à ce qu’il en devienne ridicule. L’auteur l’emploie par exemple pour décrédibiliser les individus qui s’expriment mal, exagérant leurs manières : « leurs ridicules expressions », « ils accompagnent un langage si extravagant d’un geste affecté et d’une prononciation qui est contrefaite. » (V6) Ces gens sont à nouveaux moqués et leur « masque » de société, leur paraître, est exposé aux yeux de tous. L’on retrouve finalement, comme dernier type de comique, le comique de mots. La Bruyère joue sur les diverses significations d’un même mot, afin de donner plusieurs sens à ses répliques : « Ce qu’une marâtre aime le moins de tout ce qui est au monde […], plus elle est marâtre. » (V46), « Voulez-vous être rare ? » (VI12). D’abord, le terme « marâtre » possède deux sens, celui d’une nouvelle mère par rapport à des enfants issus d’un mariage antérieur, et par extension, celui d’une mère cruelle et injuste. L’auteur joue donc sur les deux sens du terme pour lui donner un statut et un caractère. Il joue ensuite sur le double sens du mot « rare », pouvant être soit exceptionnel, ou que l‘on voit rarement. Cela reflète immédiatement l’ironie de la phrase. La Bruyère emploie donc de nombreux procédés comme des indications de mise en scène, des dialogues rapides, des descriptions de décors ou encore l’emploi de registres comiques, nous renvoyant aux mécanismes du théâtre.

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