Lire Les Essais de Montaigne, est-ce vivre une aventure ?
Dissertation : Lire Les Essais de Montaigne, est-ce vivre une aventure ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar séverine turbé • 13 Avril 2021 • Dissertation • 2 152 Mots (9 Pages) • 1 156 Vues
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Lire « des cannibales » et « des coches », c’est vivre une aventure.
Qu’en pensez vous ? Vous mènerez votre réflexion en vous appuyant sur des exemples précis extraits de l’œuvre et éventuellement des textes du parcours.
Le XVI ème siècle est historiquement la période des Grandes Découvertes et du Nouveau Monde qui vont amener les Européens - C.Colomb, Magellan, Cortès, Pizarro, Jacques Cartier, Jean de Léry- à découvrir de nouvelles contrées.
Montaigne, figure de l’humanisme, avide de connaissances nouvelles, s’intéresse à ces découvertes et en fait part dans Essais qu’il commence à écrire en 1580, notamment dans les chapitres « des cannibales » et « des coches ». Il publie donc les deux premiers livres et, huit ans plus tard, ajoute de nouveaux chapitres à cet ensemble tout en offrant aux lecteurs un troisième livre inédit. Dans cet ouvrage, il se préoccupe surtout des grandes découvertes qui ont marqué le XVIe siècle. Dans le chapitre 31 du livre I et dans le chapitre 6 du livre III, il s'attarde ainsi sur le cas des peuples que les Européens qualifient trop rapidement de « barbares » ou de « sauvages » et , s'appuyant sur la découverte du nouveau monde, il interroge la société qui l'entoure. En lisant ces deux chapitres, peut-on dire qu’ on vit une aventure ? « L’aventure », c’est vivre quelque chose d’imprévu, de surprenant, c’est aussi une entreprise qui comporte des difficultés, une part d’inconnu… Du coup on peut se demander si oui ou non on vit une aventure et comment Montaigne nous transporte dans un monde inconnu, de quelle manière il nous fait vivre cette aventure.
Nous verrons que lire Montaigne c’est se confronter à vivre une aventure au sens propre, puis, vivre une aventure au sens intellectuel et littéraire mais ensuite qu’il faut relativiser la « vertu » de ce parcours aventureux car il en existe des limites.
Montaigne nous fait vivre l’aventure de différentes manières. Tout d’abord, il y a l’aventure au sens propre, dans le sens de vivre « des aventures », qui est une suite de péripéties et de rebondissements.
Ce premier sens de l’aventure est le fait de découvrir l’inconnu, Montaigne nous fait découvrir les Indiens à la manière de l’ethnologue (les repas, habits, mœurs…)ici tu peux citer des références précises du chapitre des cannibales . Il nous fait partager la découverte du Nouveau Monde, de l’inconnu et la conquête de l’Amérique, qui sera un exploit pour la population et les chercheurs de l’époque. Cette conquête est un émerveillement mais deviendra une destruction tragique avec les nombreux peuples Amérindiens massacrés. Dans cette aventure au sens propre, les mœurs des sauvages nous sont dévoilés dans le chapitre « des cannibales », mœurs qui sont les habitudes de vie, les coutumes (d'un peuple, d'une société, d'un groupe) ou encore les habitudes (d'une société, d'un individu) relatives à la pratique du bien et du mal.
Il s’appuie sur des témoignages lors de sa rencontre avec les trois Indiens à Rouen. On voit ici l’importance chez Montaigne de se confronter à l’autre. Des comparaisons de ces mœurs avec ceux des pays Européens ont donc lieu lors de la visite des sauvages à Rouen. Cette aventure au sens littéral se vit aussi avec la découverte d’une culture différente (des mœurs différents, des rites différents, … ). Montaigne nous fait part d’anecdotes des récits qu’il a lus avec les auteurs de l’antiquité et sa large connaissance notamment avec les pratiques cannibales que les peuples, autres que les Européens, pratiquent. Cette culture est différente de la nôtre, celle des Européens, « civilisations policées ». Les Européens connaissent des pratiques et spécialités de la culture des cannibales grâce à leur témoignages, comme les cannibales venant à Rouen ou encore les témoignages faits dans les lectures de Montaigne. Cette découverte provoque un bouleversement de nos repères car ce qui est important pour nous, les Européens, ne le sera pas forcément pour les Cannibales, ce qui fait donc la diversité de notre monde, mais qui n’était pas forcément bien vu à l’époque.
Il s’appuie aussi sur le récit de Jean de Léry qui a vécu deux ans avec les Indiens Tupis au Brésil.
Tous ces éléments font que le lecteur est dans la découverte de l’inconnu, dans le dépaysement car les mœurs sont différents : Montaigne l’amène vers l’inconnu.
Cependant l’aventure peut revêtir un autre sens ; vivre l’aventure n’est-ce pas sortir de nos idées reçues Montaigne nous fait vivre une aventure car il renverse notre vision des choses. Il rappelle tout d’abord ce que pouvaient penser les Européens des mœurs des Indiens. Mais aussi le fait qu’ils se pensaient supérieurs par la volonté de coloniser ces peuples, de leur imposer une autre religion, de les soumettre…
Or Montaigne montre que ce sont les Européens les « Barbares » par leur pratique de la torture, leur goût de l’artifice, du divertissement.
Pour Montaigne, la nature (qui est une valeur noble et pure) est supérieure à la culture qui pour lui est péjorative car c’est un mensonge, une dissimulation.
Montaigne nous fait donc vivre une aventure intellectuelle. Le but de Montaigne, est de placer le lecteur face à autrui, il le force à réfléchir, à se poser des questions, par exemple : « qui est le barbare ? ». C’est bien la forme d’aventure intellectuelle que Montaigne a intégré à son livre, il fait indirectement réfléchir son lecteur et cela peut importe l’époque à laquelle il le lit. Montaigne renverse notre vision des choses. Mais cette aventure intellectuelle est un voyage inconfortable, voir le titre « des coches » qui traduit un double malaise : le mal des transports pour Montaigne mais aussi le malaise face à la destruction du Nouveau Monde, cette civilisation si précieuse. On se sent en tant qu’Européen, en tant que civilisé, comme responsable de ce massacre, notre civilisation ayant tué ces « cannibales » qui sont aussi instruits et réfléchis que nous.
C’est aussi une aventure littéraire par le style de l’auteur: l’écriture de Montaigne ne s’arrête pas aux époques, aux siècles mais les traverse. Et toutes les réflexions des lecteurs seront utiles, peu importe l’époque car la société évolue, les mentalités aussi et donc ces réflexions aussi et cela apporte une autre vision de la chose. Les Essais est une aussi une entreprise littéraire innovante . Cette œuvre très originale échappe aux contraintes de formes et de genres littéraires. C’est un livre plutôt déconcertant avec une autobiographie associée au témoignage, à la philosophie : « je suis moi même la matière de mon livre », son autobiographie s’associe à une forme de voyage dans sa vie. Cette aventure littéraire engage à réfléchir, on peut parler ici de l’écriture qui est elle-même aventureuse car il écrit « à sauts et à gambades » (écriture spontanée naturelle qui est dans l’idée d’aventure) . Dans ces deux chapitres, il ne propose donc pas un exposé corseté : au contraire, il se livre volontiers à des digressions, comme il le note lui-même lorsque, après s'être égaré, il reprend le fil de son discours. Il utilise alors des formules comme « pour en revenir à mon sujet » ou « pour revenir à notre histoire » (« Des cannibales »). Tout comme le chapitre « Des coches » qui a tout pour surprendre le lecteur : Montaigne commence par différer le sujet annoncé par le titre avant de délaisser tout simplement les coches, qu'il ne retrouvera qu'à la toute fin du texte. Il finit par annoncer : « Notre monde vient d'en trouver un autre ». Mais ces détours sont bel et bien concertés et Montaigne a raison de rappeler que ce n'est pas « par mégarde » qu'il s'aventure sur ces chemins tortueux. On peut aussi associer le fait que cela soit la première autobiographie, aucune n’a était faite avant en langue française.
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