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Commentaire sur le texte de DIDEROT, le neveu de Rameau (1762)

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Par   •  9 Juin 2015  •  1 899 Mots (8 Pages)  •  1 179 Vues

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Commentaire sur le texte de DIDEROT, le neveu de Rameau (1762)

Avec Diderot, tous les moyens semblent bons pour argumenter : le type explicatif, avec

l’Encyclopédie, l’oeuvre de sa vie qui reste emblématique de l’esprit des Lumières, mais aussi le genre

narratif avec le Supplément au voyage de Bougainville ou encore le dialogue avec le Neveu de

Rameau, dont nous avons ici un extrait situé en milieu d’oeuvre et qui a pour objet de délibérer sur le

bonheur et la meilleure façon d’y accéder.

Ce texte ressemble à une délibération sur le bonheur : mais ce texte est-il bien

argumentatif ?

Nous verrons d’abord que ce texte a toutes les apparences d’une argumentation, puis que la

théâtralisation prend le pas sur le fond, et enfin, qu’il y a même des éléments aptes à casser l’idée

d’une authentique argumentation.

Certes, ce texte offre bien des preuves de sa teneur argumentative. Son propos

semble clairement identifiable : dégager, au sein d’un dialogue polémique, la meilleure façon

d’accéder au bonheur, ou plutôt, la possibilité d’un bonheur véritable. Pour cela, un certain schéma

ainsi que certains procédés sont mis en place par le narrateur.

L’échange se veut délibératif, et quoi de plus évident pour cela que de distribuer la parole

contradictoire, en la répartissant entre deux personnages opposant leurs points de vue ? La forme

théâtrale permet un échange de répliques (cinq dans cet extrait) et indique même clairement qui a le

dessus dans le débat : MOI a droit à une tirade, a l’initiative de la parole et clôture la discussion.

Celui qui domine la parole domine donc la rhétorique, a droit lui, à une tirade d’une vingtaine de

lignes, qui se veut démonstrative, bâtie sur le mode : thèse (le vrai bonheur est ailleurs que dans le

plaisir immédiat) /arguments (faire le bien procure le bonheur de façon durable)/ exemple du cadet

qui va secourir sa famille). On reconnait ici, dans la confrontation entre deux protagonistes inégaux

dans le niveau de réflexion mais suffisamment liés pour engager la conversation (cf. Le possessif et

l’hypocoristique dans « mon cher Rameau), le schéma d’un dialogue socratique, comme Platon en

produisait. Ici, MOI, le philosophe capable d’argumenter sa réflexion aurait le rôle de Socrate, ce faux

naïf qui par ses exemples va aider la réflexion.

Outre la structure argumentative, nous avons ici un propos qui s’inscrit facilement dans un

débat argumentatif : la morale. Le champ lexical des valeurs ainsi que de la morale est présent :

«instructives », « devoirs », « méprise ». Le sujet est un topos très exploité par les philosophes, il

s’agit du « bonheur » et des « plaisirs », qui obsédait déjà stoïciens et épicuriens, puis Montaigne,

puis les Classiques (Pascal dans ses Pensées) puis les Lumières (Kant en particulier). Le thème abordé

est donc propice au développement argumentatif.

Cela explique que le texte fonctionne comme une démonstration assumée, et recoure à des

connecteurs logiques tels que « mais » et «donc », en fin de texte. Cela explique également le soin

que met l’auteur à solliciter le destinataire (nous, les lecteurs), car le texte argumentatif, plus que

tout autre, veut s’assurer en permanence de son efficacité sur un interlocuteur. Pour solliciter le

lecteur, le dialogue le relance à l’aide d’une ponctuation expressive et ce particulièrement au

moment où le lecteur, potentiellement las, risque de relâcher son attention : les points

d’exclamation et d’interrogation se concentrent donc dans le dernier tiers du texte.

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Cependant, ce texte ressemble moins à une démonstration qu’à un extrait de théâtre

et cette ambiguïté rend son intention moins claire. C’est à se demander si le théâtre n’a pas pris le

pas sur la démonstration argumentative.

Ce texte est tout d’abord particulièrement vivant, bien plus que ne le serait une

argumentation traditionnelle sous forme d’articles par exemple (et on sait que Diderot en est

capable, puisqu’il est le coordinateur et l’un des rédacteurs attitrés de l’Encyclopédie) ; le texte se

veut vivant, pas seulement de par sa forme dialoguée, mais aussi grâce aux procédés d’actualisation

du discours. Le présent est le temps de référence de l’extrait, certes d’énonciation (pour une réplique

de théâtre on pouvait s’y attendre, cf. « et moi, je sens en vous faisant ce récit ») mais aussi de vérité

générale (« j’aime à voir une jolie femme ») et de narration (« il se hâte d’arranger ses affaires »).

Autre façon de rendre le texte plus vivant que ne le serait une argumentation simple et

traditionnelle, rendre la scène visible, la mettre sous les yeux des destinataires, pris à témoins par les

nombreux déictiques : « celui qui », « c’est qu’ils », « celle que j’aime », « ce que je possède », « cet

homme

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