Lecture Linéaire Les Effarés, Victor Hugo

Les Effarés

Arthur Rimbaud

Noirs dans la neige et dans la brume,

Au grand soupirail qui s’allume,

Leurs culs en rond

A genoux, cinq petits, -misère!-

Regardent le boulanger faire

Le lourd pain blond…

Ils voient le fort bras blanc qui tourne

La pâte grise, et qui l’enfourne

Dans un trou clair.

Ils écoutent le bon pain cuire.

Le boulanger au gras sourire

Chante un vieil air.

Ils sont blottis, pas un ne bouge

Au souffle du soupirail rouge

Chaud comme un sein.

Et quand, pendant que minuit sonne,

Façonné, pétillant et jaune,

On sort le pain,

Quand, sous les poutres enfumées

Chantent les croûtes parfumées

Et les grillons,

Quand ce trou chaud souffle la vie;

Ils ont leur âme si ravie

Sous leurs haillons,

Ils se ressentent si bien vivre,

Les pauvres petits pleins de givre,

-Qu’ils sont là, tous,

Collant leurs petits museaux roses

Au grillage, chantant des choses,

Entre les trous,

Mais bien bas, comme une prière…

Repliés vers cette lumière

Du ciel rouvert,

-Si fort, qu’ils crèvent leur culotte

-Et que leur lange blanc tremblotte

Au vent d’hiver…

Arthur Rimbaud, Recueil de Douai, 1870

Introduction:

“Ah! Que les temps viennent où les coeurs s’éprennent.” Par ces mots, Arthur Rimbaud exprime son espoir d’un monde plus juste, en opposition à la société de son époque qu’il perçoit comme profondément inégalitaire. Rimbaud est un poète illustre du XIXe siècle, se démarquant par la modernité de ses poèmes où il se révolte contre son monde, en y dénonçant notamment les injustices. Les Effarés est un exemple d’une telle dénonciation. Ce poème, tiré du recueil Les Cahiers de Douai, écrit lorsque le poète avait 16 ans en 1870, illustre un groupe d’enfants fascinés par la scène d’un boulanger faisant du pain. Dedans, il entend montrer au lecteur la condition déplorable des enfants de son époque. On en vient donc à se demander de quelle manière Rimbaud dénonce-t-il la condition des enfants au XIXe siècle à travers son poème Les Effarés? Nous verrons dans un premier temps en quoi le poète commence avec l’exposition d’une scène pathétique où il y a contraste entre l’environnement des enfants et celui du boulanger(v. 1-12), pour comprendre dans un deuxième temps la fascination des enfants face au travail du boulanger, qui leur procure un bref instant de confort, en finissant par étudier la fin tragique du poème: leur retour sec à la réalité et un dénouement pessimiste.

Mouvement 1: L’exposition d’une scène pathétique, un contraste entre l’extérieur hostile, où se trouvent les enfants, et la boulangerie, un havre de chaleur et de confort.

Argument 1: L’exposition de la condition des enfants, une scène pathétique

Citation: “Les Effarés”

Procédé: Périphrase des enfants

Interprétation: Le titre du poème aborde déjà la condition des enfants: ils sont qualifiés d’effarés, ce qui dénote d’un trouble/bouleversement profond associé à une peur: les enfants sont apeurés à la vue de leur propre situation, mais aussi fascinés par le pain du boulanger, qu’ils ne peuvent pas atteindre. Ainsi le caractère pathétique du poème est mis en avant et Rimbaud instaure dès le titre une pitié pour les enfants.

Citation: “Noirs”

Procédé: Adjectif épithète de “petits” appartenant au champ lexical de la saleté et de la misère

Interprétation: Les enfants sont dépeints comme noirs, on comprend donc qu’ils sont sales et vivent dans une situation de pauvreté extrême, ce qui ajoute au pathétique de la scène. Ils contrastent aussi avec l’intérieur de la boulangerie, un endroit du quotidien, un espace lumineux et propre, et donc avec le quotidien et le confort de la société du XIXe siècle.

Citation: “Noirs dans la neige et dans la brume”

Procédé: Antithèse entre noir et neige/brume (blanc)

Interprétation: Rimbaud établit ici un contraste entre les enfants et leur environnement, l’extérieur. Ainsi il est sous-entendu que les enfants n’appartiennent pas dehors, dans la neige et le froid. Il dénonce donc leur présence même dans un lieu inhospitable et en montre l’aspect contre-nature.

Citation: “-misère!-”

Procédé:

...