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Le malade imaginaire : un spectacle sur les pouvoirs du spectacle

Fiche de lecture : Le malade imaginaire : un spectacle sur les pouvoirs du spectacle. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  17 Février 2024  •  Fiche de lecture  •  2 022 Mots (9 Pages)  •  114 Vues

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Le Malade imaginaire : un spectacle sur les pouvoirs du spectacle

Le Malade imaginaire est un spectacle multiple. Du point de vue scénique, c’est un spectacle multiforme, baroque à bien des égards. Du point de vue moral, il nous donne à voir le spectacle de la folie des hommes, qui souvent jouent un rôle dans le monde. Enfin, d’un point de vue plus philosophique, il nous invite à utiliser la vitalité du théâtre comme remède à la folie du monde.

I. Le Malade imaginaire, un spectacle multiforme et baroque à bien des égards :

Le Malade imaginaire est un spectacle total, dont l’esthétique est baroque à bien des égards.

Un divertissement « spectaculaire » :

Du point de vue dramaturgique, c’est une comédie assez composite : à la fois farce, comédie de mœurs et de caractère (cf. les trois intrigues de la pièce, synthèse 1).

Mais c’est aussi et surtout une comédie ballet qui vise à divertir le roi par ses « entrées de ballet » (le jeune Louis XIV aime la danse), son « églogue » du premier intermède, les décors et les costumes fastueux... Molière y introduit aussi les arts du spectacle (dans le 2e intermède).

Cette comédie ballet annonce donc la comédie musicale du XXe siècle.

Le théâtre dans le théâtre et la mise en abyme :

Le théâtre dans le théâtre est un procédé théâtral qui intervient dans une pièce lorsque les comédiens se mettent à jouer une pièce de théâtre à l'intérieur de la pièce ; c’est donc un emboîtement des spectacles. Molière use de ce procédé dans quatre scènes majeures du Malade imaginaire (II, 5 ; III, 10 ; III, 12 ; III, 14-15) et dans l’intermède final.

Ce procédé se retrouve dans de nombreuses pièces baroques des XVIe et XVIIe siècles : Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare, L’Illusion comique de Corneille…

Quant à la mise en abyme, c’est un procédé consistant à intégrer dans une œuvre une représentation totale ou partielle de cette même œuvre (en réduction)[1]. En littérature, cela consiste à placer à l'intérieur de l'œuvre principale (récit ou pièce de théâtre) une œuvre qui reprend de façon plus ou moins fidèle des actions ou des thèmes de l’œuvre principale (comme dans Hamlet de Shakespeare). Pour que le théâtre dans le théâtre soit aussi une mise en abyme, il faut que la deuxième pièce de théâtre (celle qui est insérée dans l’autre) représente le sujet ou les personnages de la première. C’est notamment le cas lorsque Cléante et Angélique se jouent de la naïveté d’Argan (II, 1) : Cléante, qui s’est fait passer pour un maître de musique, chante avec Angélique leur propre histoire d’amour, qu’Argan prend pour une pastorale. En effet, l’histoire du berger Tircis et de la bergère Philis est en tous points similaire à celle de Cléante et Angélique. La mise en abyme permet ici de rire de la naïveté d'un père et de montrer l'habileté de la jeunesse rebelle. Elle contribue donc au comique et à la morale de la pièce.

Autre mise en abyme de la pièce, la référence aux comédies de Molière dans la scène de débat entre Béralde et Argan (III, 3).

Peut-on voir dans la célèbre réplique de Toinette déguisée en médecin, répétée de nombreuses fois : « Le poumon » (III, 12), une mise en abyme de la maladie pulmonaire de Molière ? Il aurait souffert d’une sorte de tuberculose qui l’aurait mené à la mort juste après la quatrième représentation du Malade imaginaire, mais cette thèse est aujourd’hui contestée, car aucun contemporain n’a évoqué cette maladie du vivant de Molière.

Un spectacle de carnaval :

La comédie se termine non sur le mariage d’Angélique, mais sur une scène bouffonne qui fait penser au carnaval des fous (troisième intermède où Argan est intronisé médecin). L’esprit de carvanal est bien présent dans la pièce, malgré son côté très didactique. À deux reprises, Béralde (pourtant l’esprit raisonnable de la pièce) introduit sur scène un divertissement qui fait référence au carnaval (à la fin de l’acte II et de l’acte III).

On y assite aussi à une prise de pouvoir (verbale au moins) par Toinette, la servante, qui non seulement tient tête à Argan, mais apparait comme la maîtresse de cérémonie qui dirige toute la pièce, par sa manière d’organiser les entrées et sorties des personnages. Notons aussi la grande présence du comique corporel, autour des excréments et des « entrailles »…

Un spectacle baroque ?

Tous ces éléments font penser à un spectacle baroque. Ce courant culturel, qui sera peu à peu en France remplacé par le classicisme, met l’accent sur le mélange des genres (comique et tragique), les faux-semblants, le vertige des apparences, le merveilleux…

Le Malade imaginaire offre en effet un mélange de grotesque et de féerie. Qu’on pense au contraste entre trois déclarations d’amour : celle de Polichinelle dans le premier intermède, celles de Thomas Diafoirus et de Cléante dans le deuxième acte. Qu’on pense aussi au rôle de Toinette, la maîtresse de cérémonie cachée, qui annonce ses stratagèmes à la fin de l’acte I et au début de l’acte III : « … j’ai résolu de jouer un tour de ma tête […] C’est une imagination burlesque. Cela sera peut-être plus heureux que sage » (III, 2).

Notons cependant que l’esprit classique, rationnel et raisonnable, est très présent lui aussi à travers le personnage de Béralde, l’« honnête homme » et le « raisonneur » de la pièce. Son discours est très argumenté rationnellement et ne prête à aucune confusion. De plus, malgré l’aspect composite de la pièce, Molière y respecte quand même la règle des trois unités.

II. Le spectacle de la comédie humaine :

Dans la tradition baroque (qui vient de l’Antiquité), le théâtre est aussi l’expression du dérèglement du monde. Car chacun joue un rôle social, entraîné par ses vices, ses peurs, son imagination. Tout le monde « joue la comédie », et « la vie est un théâtre ».

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