Commentaire sur Les Caractères de La Bruyère
Commentaire de texte : Commentaire sur Les Caractères de La Bruyère. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar p0line • 7 Février 2024 • Commentaire de texte • 1 396 Mots (6 Pages) • 100 Vues
Les Caractères, commentaire composé.
La Bruyère est un maître – au sens des écoles de peinture – qui réussit l’entrée en scène de ses personnages, toujours en action plutôt que décrits. Sa verve provocatrice trouvera sa descendance littéraire avec Montesquieu dans ses Lettres Persanes, Marivaux et Beaumarchais dans leurs meilleures tirades et Voltaire dans ses contes. On ne peut cependant réduire La Bruyère à la seule dimension d’auteur « plaisant ». A coté des maximes et des portraits, Les Caractères (1688) contiennent des réflexions sur le pouvoir et sur la société qui, sans jamais être les propos d’un révolutionnaire ni même d’un réformateur, portent le germe des Lumières du XVIIIe siècle. « Que me servirait en un mot, comme à tout peuple, que le prince fût heureux et comblé de gloire par lui-même et par les siens, que ma patrie fût puissante et formidable, si triste et inquiet, j’y vivait dans l’oppression ou dans l’indigence ? » (« Du souverain ou de la république »). La Bruyère est ainsi l’un de tout premiers à manifester une sensibilité aux souffrances du peuple : « il y a des misères sur terre qui saisissent le cœur ; il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver, ils appréhendent de vivre. » (« Des biens de fortune »). Sa vision reste celle d’un moraliste : « Le peuple n’ a guère d’esprit, et les grands n’ont points d’âme : celui-là a bon fond et n’a point de dehors ; ceux-ci n’ont que des dehors et qu’une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas : je veux être peuple » (« Des Grands »).
Ainsi La Bruyère ouvre la voie, avec Les Caractères, aux grandes œuvres des « philosophes » du siècle suivant. Comment La Bruyère fait-il, à travers Gnathon dans De l’Homme, l’apologue de l’égocentrisme ?
Nous verrons dans un premier temps en quoi Gnathon est l’allégorie même de l’égocentrisme puis, dans un second temps, comment ce dernier est tourné en ridicule.
Tout long de son œuvre, La Bruyère nous dépeint le portrait moral d’un individu marqué par l’égoïsme et le narcissisme. Ce trait s’exprime tout d’abord par l’omniprésence de cet individu. En effet, Gnathon ouvre le texte et est ainsi omniprésent dès la première phrase. Dès le début son égocentrisme est mis en avant et nous en dit long sur ce qui va suivre. Dans ce but précis, tout au long de cette description, le pronom personnel sujet « il » s’accumule en début de phrase et sature l’espace du texte : tout ne tourne qu’autour de lui, il veut être partout.
De plus, Gnathon est obsédé par l’action de possession. Ce souhait de possession totale se traduit par l’accumulation de pronoms possessifs à travers tout le texte tel que « son usage »l.15, « ses valets »l.16 », « ses restes »l.7, ou encore « ses mains »l.5 pour n’en citer que quelques-uns. Par l’usage de ces pronoms possessifs à répétition, Gnathon fait main mise sur tout, sans différence entre objets et vies . Il en est de même pour les verbes pronominaux « ne se contraint »l.17 et « ne se sert à table »l.5 : chaque action entreprise est tournée vers lui et vers lui-seul. En somme, il priorise l’avoir au détriment de l’être.
En addition à cela, Gnathon a un manque d’intérêt total pour le souci d’autrui. Il est dans la négation de son prochain qu’il ne considère pas ou peu et auquel il se substitut. Dans « tous les hommes ensembles »l.1, on voit bien qu’il ne se considère pas comme un part de cette humanité et on peut même y déceler une volonté de former lui-même cette humanité dans toute son entièreté. Cette impression se confirme par la comparaison « tous les hommes ensemble sont à son égard comme s’ils n’étaient point. » l.1. Par ailleurs, l’accumulation d’adverbes de négation « ne se contraint »l.17, « ne plaint »l.17, ainsi que de négation restrictive « ne connait de maux que les siens , que sa réplétion et sa bile »l.18, insiste sur cette réduction de l’environnement à ce qui l’entoure. Il va même plus loin que cela car il « ne pleure point la mort des autres, n’appréhende que la sienne, qu’il rachèterais volontiers de extinction du genre humain »l.19. Ici, Gnathon est au saumum de l’égoïsme et aux antipodes total de la charité chrétienne dont chaque bon chrétien doit faire preuve. Il est prêt à sacrifier des milliers de vie innocente pour sauver la sienne. Par cela, La Bruyère vise donc à choquer le lecteur et l’interpelle pour l’amener à le faire réfléchir sur le comportement de cet individu. Il utilise une tonalité polémique.
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