Commentaire de texte Caligula, Albert Camus
Commentaire de texte : Commentaire de texte Caligula, Albert Camus. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar or-pol_17005 • 20 Mars 2023 • Commentaire de texte • 3 216 Mots (13 Pages) • 309 Vues
Intro : Albert Camus est né en 1913 en Algérie dans une famille modeste. Il entreprendra des études de philosophie et deviendra par la suite un auteur polygénique. Il est aussi un journaliste engagé dans la Résistance et milite en faveur des idéaux et combats moraux menés durant la période de l’après-guerre. Il écrira, en tant que rédacteur en chef, de nombreuses tribunes pour le journal « Combats », comme « Le siècle de la peur », parue en 1948. C’est en 1957 que la qualité de ses écrits sera récompensée par le prestigieux prix Nobel de littérature. L’ensemble de ses œuvres aussi prolifiques que variées, abordent les thématiques humanistes et du mouvement de l’absurde dont il est une des figures emblématiques. Au travers de ses ouvrages, il développe un humanisme se caractérisant par une prise de conscience de l’absurdité de la condition humaine mais aussi d’une révolte qui constituerait la réponse à l’absurde car elle donnerait un sens à l’existence. C’est ainsi que « Caligula » s’inscrit dans ce mouvement, faisant converger les thèmes fondateurs de l’œuvre camusienne en évoquant la critique du totalitarisme, la solitude humaine et le pouvoir vain. Cette pièce éponyme trouve donc parfaitement sa place dans le « Cycle de l’absurde », aux côtés de « L’Etranger » et « Le mythe de Sisyphe ». Son contexte historique est donc essentiel pour saisir ces thèmes et la visée de l’auteur. En effet, la première écriture s’inscrit dans la période de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation démontrant à l’auteur qu’on ne peut défendre un nihilisme absolu. Il donnera ainsi à sa pièce une dimension politique. Toutefois au fil des réécritures, c’est bien la dimension existentialiste qui l’emporte où la pensée philosophique de l’auteur s’impose également. Elle est aussi ce qu’on appelle une œuvre de maturité puisqu’il aura fallu plus de 23 années au dramaturge, pour finaliser sa composition. Il rédige le premier manuscrit en 1938, inspiré par sa lecture de l’ouvrage de l’historien Suétone « la vie des 12 Césars ». Cependant, elle ne paraîtra qu’en 1944, aux éditions Gallimard et sera présenté pour la première fois sur la scène du théâtre parisien, Héberot, en 1945. De plus, cette pièce moderne construite autour d’un personnage principal classique, la rend difficile à définir. Cependant le comportement grotesque de Caligula mêlé à sa cruauté…. en fait une farce tragique. Cette pièce écrite en quatre actes, comprenant entre le premier et les actes suivants, un intervalle de temps de trois années, met en scène l’empereur romain Caligula dans toute son hybris et sa démesure. Le passage étudié, soit la scène 14 de l’acte IV, constitue le dénouement de cette pièce où il est question de l’assassinat de l’empereur par une conjuration.
Dans ce passage nous nous demanderons en quoi ce dénouement est un faux monologue qui s’articule entre folie et philosophie.
Dans un premier temps nous étudierons la prise de conscience de Caligula faite par le faux monologue délibératif auquel il s’adonne face à son miroir. Puis nous aborderons la violence de ce dénouement. En dernier lieu, nous analyserons comment cette pièce peut amener le lecteur et le spectateur à une réflexion philosophique.
Tout d’abord le début de cet extrait est marqué par l’omniprésence du miroir qui est sans aucun doute l’objet le plus important de la scène, lui donnant toute sa perspective. En effet, il permet le dédoublement du personnage éponyme et le confronte à son reflet, matérialisant sa conscience. Ce face à face avec lui-même est représenté par ses jeux de scène décrits dans les didascalies : « va vers le miroir » (l.1), « revient vers le miroir » (l.9). C’est par cette confrontation qu’il reconnaît l’échec de sa quête. Il est alors désorienté et semble perdu par ce constat. Le verbe d’action « tourne » (l.1) et le suffixe péjoratif « hagard » (l.1) le montre. C’est alors que son sentiment de culpabilité devient récurrent et se traduit par cette antithèse « coupable » / « innocent » laissant place peu à peu au sentiment de la résignation lorsqu’il comprend que ce qui est impossible le restera. « Je n’aurai pas la lune » (l.4). « Devoir aller jusqu’à la consommation » (l.5) cet euphémisme signifie que sa vie se consume progressivement. L’auteur nous montre ici que malgré la liberté absolue et le pouvoir sans limite que s’est octroyé l’empereur, cela ne lui permet pas d’échapper ni à la condition ni à la finitude humaine. Une autre antithèse « compliqué »/ « simple » (l.11)) démontre également qu’il reconnaît l’inaccessibilité de sa quête insensée de posséder la Lune, représentation de son exigence absolue. « Tout serait changé » (l.) car « il suffirait que l’impossible soit » (l.14)) la formulation de cette attente est un paradoxe en elle-même : par définition l’impossible ne peut pas être mais il a fait comme si cela pouvait être accessible. Au travers de la métaphore filée « où étanchée cette soif » il reconnaît que son souhait, sa soif d’absolue parfait ne peut être satisfaite ni par l’amour humain : « si l’amour suffisait » (l.11), n’étant que relatif, ni par l’amour ou la croyance en un dieu. Ainsi la réponse négative à cette question purement rhétorique « Quel cœur, quel dieu auraient pour moi la profondeur d’un lac » (l.12) signifie que son insatisfaction est inéluctable. La gradation descendante « cherché aux limites du monde, aux confins de moi-même » (l.15) représente l’anéantissement de ses désirs. Puis, son échec se traduit aussi par l’utilisation du champ lexical du mépris qu’il utilise pour faire une introspection sous la forme d’un blâme lorsqu’il se rend compte qu’il est devenu tout ce qu’il a toujours détesté : « Quel dégoût, après avoir méprisé les autres, de se sentir la même lâcheté dans l’âme. ».(l.7) D’autre part, la prise de conscience de l’échec fait apparaître une nouvelle facette de la personnalité de Caligula. En le faisant s’adresser à son miroir le dramaturge nous expose sa grande solitude dès le début de la scène. Son sentiment de solitude se traduit par sa « détresse »(l.4) mais aussi par la constatation, sous la forme d’une tournure négative, qu’« Hélicon n’est pas venu. »(l.4) il se sent désespérément abandonné et l’appelle au secours, par cet apostrophe « Hélicon ! Hélicon ! ». (l.18). La peur est aussi une émotion exprimée par le personnage : « J’ai peur » (l.5/7), l’utilisation du registre pathétique par l’auteur, provoque un sentiment de pitié au détriment du monstre qu’il est réellement. Les participes présents « s’agenouillant », « pleurant » (l.13) nous montrent l’humanité du personnage car dans l’expression de sa souffrance il nous donne à voir ses faiblesses. Il nous apparaît alors comme un homme démuni, effondré. Il ne parvient plus à contrôler ses émotions qui le submergent « plein de haine » [quel instrument] (l.17) il est rongé surtout par sa colère et sa haine de lui-même. Le registre pathétique utilisé dans la description des gestes, à l’intérieur des didascalies retranscrit également les émotions de l’empereur grâce à la mise en scène : « tends les mains vers le miroir en pleurant » (l.14). On peut remarquer dans cette comparaison « cette nuit lourde comme la douleur humaine » (l.19) que sa douleur est profonde et l’accable de son poids.
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