Cahiers de Douai, Arthur Rimbaud

B. Le poète désacralise le langage poétique par la langue ordinaire, et fait grincer le haut langage poétique en employant volontiers des mots triviaux, qu'on aurait longtemps jugés indignes d'apparaître dans des vers: « Leurs culs en rond » (« Les Effarés »), « foin des bocks et de la limonade » (« Roman »), « crachats rouges » (« Le Mal »), « Du jambon » (« Au Cabaret-Vert »), sans même parler du « petit wagon » de « Rêvé pour l'hiver » (puisque le mot « wagon » fut utilisé en poésie par Alfred de Musset dès 1840). Ce procédé sera poussé plus loin après Rimbaud; pensons à Prévert s'écriant : « quelle connerie la guerre » dans « Barbara » (Paroles, 1946).

C. Il sape les stéréotypes poétiques : l'idylle champêtre proposée par « Lui » à Nina est minée par la vulgarité de la vie rurale (« Une vache fientera » dans « Les Réparties de Nina

»); la déesse Vénus n'est plus qu'une prostituée morte dans sa baignoire et le poète note le détail atroce de l'« ulcère à l'anus » (« Vénus Anadyomène ») ; la lyre du poète se réduit aux « élastiques / De [s]es souliers blessés » (« Ma Bohême »).

III. Car le poète doit « Trouver une langue » (lettre à Demeny, 15 mai 1871) unique, libre de toute tutelle

A. Il s'éloigne des modèles pour trouver sa voix, n'hésitant pas à glisser de l'imitation admirative à l'évidente parodie. Ainsi en est-il de l'influence hugolienne : si « Le Forgeron » copie des procédés de l'épopée hugolienne, si « Les Effarés » peut encore faire hésiter entre pastiche et ironie, « La Victoire de Sarrebrück » montre clairement la volonté de détourner les traits de l'écriture de Hugo pour qu'ils servent

B. Il refuse le lyrisme d'épanchement personnel.

Avec « Le Buffet », par exemple, Rimbaud dépersonnalise fortement la poésie, et si une mélancolie élégiaque traverse ce sonnet, le « je » en est absent, et la poésie tend à une forme d'objectivité que les Parnassiens, certes, ont prôné avant Rimbaud (et qu'il souhaite peut-être suivre pour se faire publier), mais qui condamne en tout cas le lyrisme sentimental d'un certain romantisme, qu'il jugeait « horriblement fadasse » (lettre à Izambard du 13 mai 1871).

C. Le poète dit la complexité et la multiplicité du « je ».

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