A la musique, Rimbaud

Dissertation

Arthur Rimbaud, poète précoce du XIXe siècle, se distingue par une écriture marquée par la révolte et la quête de liberté. Les Cahiers de Douai , recueil composé alors qu'il n'a que 16 ans, est un ensemble de poèmes où l'on ressent déjà son besoin d'émancipation, que ce soit sur le plan personnel, artistique ou social. À travers ses vers, Rimbaud utilise la poésie pour s'affranchir des normes de la société bourgeoise, mais aussi pour rompre avec les conventions poétiques classiques et explorer ses propres émotions. Cela fait de la création poétique un véritable acte d'émancipation. Nous nous demandons en quoi, dans Les Cahiers de Douai , la poésie permet à Rimbaud de se libérer des contraintes sociales, des traditions littéraires et de ses tourments intérieurs. Nous verrons d'abord comment il rejette les normes sociales, puis comment il s'émancipe des conventions poétiques, et enfin comment il exprime son mal-être pour mieux s'en libérer.

Rimbaud, dans Les Cahiers de Douai , utilise la poésie comme un moyen de s'affranchir des normes de la société, notamment celles imposées par la bourgeoisie de son époque. Dès ses premiers poèmes, il manifeste son rejet des valeurs et des attentes sociales qui l'entourent. Dans "Sensation", par exemple, il exprime son désir de liberté à travers l'image de la marche solitaire dans la nature :

"Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l'herbe menue."

Ici, Rimbaud cherche à s'éloigner du monde bourgeois et de ses obligations. Il préfère une vie simple, en harmonie avec la nature, loin des contraintes sociales. Ce rejet de la société est aussi une façon pour Rimbaud de s'émanciper de l'autorité familiale, notamment celle de sa mère, à laquelle il est soumis. Ce désir d'évasion est en réalité une forme de révolte contre un système rigide, dans lequel il ne se reconnaît pas.

Rimbaud va encore plus loin en valorisant la vie de bohème et de vagabond dans plusieurs de ses poèmes, notamment "Ma Bohème". Là encore, il glorifie une vie en dehors des normes, où la pauvreté et la solitude deviennent des symboles de liberté :

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;

Mon paletot aussi devenait idéal ;

J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal."

Ce mode de vie marginal et volontairement détaché des conventions sociales permet à Rimbaud de s'affranchir des attentes de la société. La pauvreté, qui pourrait être perçue comme une faiblesse ou une contrainte, devient ici un choix, un moyen de vivre pleinement et librement. En sélectionnant cette forme de vie, Rimbaud transforme la marginalité en acte d'émancipation.

Rimbaud critique également la société bourgeoise directement dans son poème "À la musique". Dans ce texte, il se moque de l'attitude des bourgeois qui se réunissent lors de concerts publics, insensibles à l'art, simplement présents pour afficher leur statut social. Il décrit cette scène avec une ironie mordante :

"Sur l'herbe sombre et close où sentaient les lilas,

Les gros bourgeois cambrés dans leurs longues redingotes

Promenaient leurs filles aux tailles de calottes."

Ici, les bourgeois ne sont plus que des figures ridicules, détachées de la véritable appréciation artistique. Rimbaud critique leur superficialité, montrant ainsi son rejet de cette classe sociale et des valeurs qu'elle représente. À travers ce poème, il s'émancipe encore des normes et de l'hypocrisie de la bourgeoisie, dénonçant leur vide spirituel.

Ainsi, à travers sa poésie, Rimbaud exprime un désir profond de rupture avec la société. La création poétique lui permet de se libérer des règles sociales oppressives et de choisir une existence plus libre. Cette quête de liberté sociale, palpable dans ses poèmes, est donc une première forme d'émancipation que la poésie lui permet d'atteindre. Cependant, cette révolte ne s'arrête pas là : elle touche aussi à l'art lui-même, et Rimbaud cherche à s'affranchir des conventions littéraires.

En plus de se libérer des contraintes sociales, Rimbaud utilise la poésie pour rompre avec les traditions poétiques établies. À cette époque, la poésie est encore très marquée par des règles strictes, avec des formes et des thèmes souvent répétitifs. Mais dans Les Cahiers de Douai , Rimbaud montre clairement qu'il veut renouveler la poésie, lui donner un souffle nouveau. Par exemple, dans "Le Dormeur du Val", il adopte une forme de poésie plus libre et moins rigide, tout en introduisant une tension entre la beauté du paysage et la violence de la mort.

"C'est un trou de verdure où chante une rivière...

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue.. ".

Rimbaud crée ici une rupture avec les poèmes héroïques ou patriotiques qui glorifient la guerre. À travers une description d'un cadre idyllique, il introduit brutalement la réalité de la mort, tout en jouant sur l'ambiguïté de l'image. Ce mélange des genres et cette absence de glorification des événements sont des exemples de son émancipation des codes littéraires traditionnels.

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