Manon Lescaut, Abbé Prévost
Analyse sectorielle : Manon Lescaut, Abbé Prévost. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sese-4 • 29 Avril 2024 • Analyse sectorielle • 1 493 Mots (6 Pages) • 117 Vues
Introduction :
L’abbé Prevost, né en 1697, est un écrivain prolixe, mais la postériorité n’a retenu de lui
qu’un seul roman : Histoire du Chevalier Des Grieux et Manon Lescaut ; qui constitue le
septième tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité. Ce roman rencontrera
un succès immédiat lors de sa publication en 1731, mais fut frappée par la censure pour
immoralité en dépit de la dimension morale affichée par l’auteur dans sa préface. Le
Chevalier Des Grieux vit sa passion amoureuse avec Manon pour la seconde fois, après
qu’elle ai avoué son infidélité. Dans l’extrait analysé, Manon est partie de l’appartement
dans un carrosse avec son frère sans prévenir le chevalier. Elle laisse Des Grieux en proie à
l’inquiétude et aux soupçons les plus fous.
En quoi le rebondissement romanesque interpelle t’il la nature de la relation amoureuse
entre les deux protagonistes mais aussi la valeur morale du roman ?
Nous étudierons 2 mouvements dans ce texte, dans un premier temps nous verrons les
accents immoraux de lettre de Manon ; puis dans un second temps, nous étudierons que
malgré ce récit rétrospectif, l’expression du traumatisme vécu par Des Grieux est toujours
présent.
Ainsi, la lettre de Manon est un mélange entre déclaration d’amour et choix immoraux.
Elle débute à la ligne 1 et se termine à la ligne 8. La lettre s'ouvre par un serment solennel
"Je te jure" dont le verbe “jurer” a un sens très important au 18è siècle, qui est de donner sa
foie. Elle se suit de l’apostrophe affectueuse « mon cher Chevalier ». Le déterminant
possessif “mon” indique l’appartenance du chevalier pour Manon ; s’ajoute à cela l’adjectif
“cher” qui confirme l’attachement de Manon pour Des Grieux. Son amour est donc
immédiatement affirmé. Manon y fait même de Des Grieux son amant exclusif : le recours à
la métaphore “tu es l'idole de mon cœur” et à la négation restrictive «il n'y a que toi au
monde que je puisse aimer » indique l'intensité de ses sentiments. Cependant, la
conjonction de coordination adversative « mais » qui ouvre sur une question rhétorique "ne
vois-tu pas", ligne 2, vient ternir cette déclaration d'amour. Elle montre que derrière la
déclaration amoureuse se cache une âme calculatrice et rationnelle. Manon change
d'ailleurs subitement de registre en s'adressant au chevalier en des termes évoquant la pitié
: «ma pauvre chère âme ». L’âme étant la part immatérielle de DG, elle expose un autre
domaine de l’amour. Elle rappelle que sa condition ne la satisfait pas, ligne 3, « dans l'état
où nous sommes réduits ». Enfin, elle dénigre la fidélité à laquelle elle s'était engagée en la
qualifiant de « sotte vertu ». Or la vertu est une valeur morale au sens positif ; à l’inverse
“sotte” à une connotation négative ; ainsi elle reconnaît que la fidélité est une vertu mais la
discrédite avec l’adjectif “sotte”.
Sont alors mis sur le même plan un engagement pris, la fidélité, et une situation financière
désastreuse, illustrée par l'expression au présent de vérité générale “lorsqu'on manque de
pain”. Le champ lexical du sentiment se mêle à celui, plus prosaïque, de la faim. De cette
façon, Manon oppose le matériel et l’immatériel, mais fait passer le matériel avant, soit
l’argent avant l’amour. Selon Manon, s'il n’y a pas de matériel, il n’y a pas d’amour ; ce
qu’elle confirme par “fatale” ligne 4. Elle en oublie même de penser à DG “me causerait”.
Elle est donc la seule à devoir souffrir de la faim. La lettre se poursuit avec une forme de
cynisme, Manon justifiant son départ par un manque de ressources : «je rendrais quelque
jour le dernier soupir, en croyant en pousser un d'amour ». Le jeu de mot sur le terme
“soupir” révèle une Manon calculatrice qui maîtrise son discours. Elle réitère son amour
dans une hyperbole « Je t'adore, compte là-dessus », mais ces exagérations font douter de
sa sincérité. Le verbe “compte” renvoie au domaine financier et donc au matériel. C’est le
“mais” adversatif qui va introduire le thème du matériel. D'autant plus que s'ensuit un ordre
à l'impératif “laisse-moi” ligne 6. Manon enjoint au Chevalier de lui confier « le ménagement
de [leur] fortune ». L'adjectif possessif “notre fortune” suggère l'union de leur destin. Mais
le contraste entre les termes affectueux hyperboliques et les actions immorales de Manon
dévoile une stratégie libertine : les mots sont utilisés comme des armes, pour travestir la
vérité et manipuler l'amant.
À aucun moment, Manon n'explicite la solution qu'elle a trouvée. Mais la tournure imagée
et exclamative « malheur à qui va tomber dans mes filets !» qui sous-entend
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