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Etude Linéaire sur Vénus Anadyomène

Commentaire de texte : Etude Linéaire sur Vénus Anadyomène. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  7 Juin 2024  •  Commentaire de texte  •  1 498 Mots (6 Pages)  •  91 Vues

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De même qu’il existe une porte d’entrée au 19éme siècle dans la modernité nommée Baudelaire, de même Rimbaud continuera cet élan en le menant à ce grand dérèglement si spectaculaire de l’aventure rimbaldienne. Il détraque les habitudes poétique, bafoue la raison et la beauté et sort la poésie de ses casiers trop étriqués pour nous livrés des règles nouvelles qui s’appuient sur la liberté et l’émancipation. C’est au milieu de cette effervescence créatrice qu’opèrent les Cahier de Douai publié en 1870. Le texte à l’étude est le poème « Vénus Anadyomène », véritable manifeste de cette poésie iconoclaste. Rimbaud revisite et déconstruit le mythe de vénus dans une volonté parodique pour mieux nous le faire voir.[pic 1]

On pourra donc se demander en quoi ce poème relève de émancipation créatrice en bouleversant les codes classiques ? Notre étude se portera donc sur deux mouvement, tout d’abord des vers 1 à 11, nous traiterons une progression descendante et l’ekphrasis du corps, puis notre 2éme mouvement se portera sur la chute du sonnet: la métamorphose définitive de Vénus des vers 12 à 14.[pic 2]

J'en viens donc au second tercer, et donc au deuxième mouvement. On retrouve un corps tatoué au vers 12, Clara Vénus qui nous dévoile sa condition de prostituée au XIXe siècle. Cette ironie, ce sarcasme, illustre Vénus qui laisserait entendre l'illustre Vénus gravée au-dessus de l'anus, qui est peut-être aussi une invitation de la part de la prostituée, nous retrouvons ici le poète iconoclaste. D'ailleurs, si on regarde cela à la loupe, comme nous invite Rimbaud, Clara Vénus est une espèce de quasi-anagramme de l’ulcère à l'anus qui clôt le poème. D'ailleurs, la rime significative Vénus-Anus nous autorise cette affirmation. C'est une chute qui est une pure provocation du poète. L'adjectif belle dans l'oxymore « belle hideusement » est une provocation supplémentaire et presque finale. Enfin, le mot anus accentue la dimension parodique de ce contre blason très moqueur. Peut-être que dans l'oxymore « belle hideusement », on peut voir l'idée d'une nouvelle esthétique d'alchimie poétique, de la boue en or. Je reviens sur la rime significative de Vénus et Anus, qui montre que beauté et laideur sont donc réconciliées dans cette fin du XIXe siècle comme le sacré et le profane.[pic 3]

En conclusion, Rimbaud s'est amusé à parodier un mythe artistique majeur, Vénus anadyomène. Le décalage, l’irrespect, l’inélégance et la vulgarité sont autant des moyens d'émancipation d'une culture canonique. Nous répondons donc ici à l'émancipation rimbaldienne qui brise les codes classiques. Le lyrisme et l'idéalisation poétique sont détruits au profit d'une création amusée mais toutefois extrêmement poétique. La dichotomie entre beauté et laideur, esthétisation du lait, évoque bien sûr la poétique de Baudelaire dans Les Fleurs du Mal que le jeune Rimbaud voyait quand un être suprême, ici Rimbaud s'amuse à détrôner évidemment ses illustres prédécesseurs. D'ailleurs, on pourrait très bien mettre en parallèle ce texte à une mendiante rousse de Baudelaire ou à Une charogne qui lui aussi poétise l'horreur.[pic 4]

Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D’une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Avec des déficits assez mal ravaudés;
[pic 5]

Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent; le dos court qui rentre et qui ressort;
Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor;
La graisse sous la peau paraît en feuilles plates;

L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement; on remarque surtout
Des singularités qu’il faut voir à la loupe…

Les reins portent deux mots gravés: Clara Venus;
– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

Pour commencer on notera que le poème débute par une comparaison, comme d'un cercueil qui compare la baignoire. On a donc ici une image très dévalorisante de Vénus, qui suggère déjà sa morbidité avec le terme cercueil, qui est une image macabre. Et on peut y voir déjà un clin d'œil, une provocation de Rimbaud, qui se moque de la poésie du XVIe siècle. Il y a quelque chose qui est de l'ordre de la surprise et qui va à l'encontre des attentes. On notera que deux couleurs sont mentionnées, le vert qui est associé à la moisissure et le blanc qui renvoie normalement à la peau laiteuse de ce personnage divin, mais qui renvoie ici plutôt à une baignoire de qualité médiocre. Donc en plus d'être laide, cette femme serait vraisemblablement pauvre. On notera encore dans le vers 1 l'apparition de la tête, qui est comme un contre-rejet. Si on veut croire à l'image macabre, cette tête est coupée par le poème. On se rend compte aussi que le blason commence par le haut du corps. Au verset 2, Rimbaud va à l'encontre de la représentation picturale habituelle de cette Vénus blonde. Encore une dévalorisation de Vénus fortement pommadée. Donc l'adverbe « fortement » ici a une importance, car il montre l'épaisse couche de pommade que porte Vénus de ses cheveux gras. Ce qui nous emmène au vers 3, le verbe « émerger » est extrêmement dépréciatif puisqu'il chosifie Vénus. C'est une Vénus misérable qui a perdu son bel écrin. Puis nous avons les adjectifs « lente » et « bête » placés en incise, qui associent la déesse à ce mouvement peu gracieux de la lenteur, mais aussi à la polysémie de l'adjectif « bête » qui souligne à la fois son animalité et une certaine forme de bêtise. On notera également ici les sonorités très lourdes, très sourdes en F et en V dans tout le recueil, qui déprécient encore une fois Vénus. Au vers 4 « les déficits » renvoient dans le flou aux défauts physiques de Vénus qui semblent nombreux de par leur désignation au pluriel, mais aussi avec l'indéfini « des ». Donc Vénus est mal réparée. Il n'y a pas de détails sur son visage, ce qui très certainement la déshumanise.  Le contre-blason se poursuit du haut vers le bas dans le second quatrain. On a donc une progression très forte dans le portrait avec le connecteur logique « puis », qui est anaphorique dans cette strophe et qui crée un rythme particulier, un peu lourd, à l'image de cette vieille femme décrite. Cette logique dans la poésie est justement très peu poétique. On notera d'emblée dans cette strophe des allitérations très dures qui participent à la dépréciation du personnage. Elle est à la fois une bête, mais aussi une machine, avec ce mouvement d'essor qui rentre et qui sort, un peu comme un piston. Mais évidemment, on peut y voir aussi une allusion sexuelle à son métier. Au verset 5, « les larges omoplates » qui renvoient,  à une image masculine qui ne correspond pas à l'idéal de beauté féminin.  Au verset 7, il continue à accentuer ses défauts, avec la reprise, comme dit précédemment, du puits. Il s'agit d'un dévoilement progressif, mais d'un dévoilement qui est dégoûtant. De nouvelles rondeurs apparaissent et semblent se détacher du corps. La rondeur des reins, qui pourrait sembler positive, est déjà annulée par le verbe d'état « sembler » et « prendre l'essor ». C'est l'image d'un corps disloqué. Il y a un regard très satirique de Rimbaud sur ce corps désarticulé, qui va trouver une espèce d'acmé de l'étrangeté. Au vers 8, on pourrait considérer « ces feuilles plates » comme une métaphore d'un mille-feuille, qui doit à la fois éveiller notre imagination et accentuer notre dégoût. On poursuit dans le premier tercer la descente corporelle pour décrire la déesse. Elle est totalement animalisée au vers 9, avec l'échine et la croupe. Traditionnellement, la chute des reins et les fesses sont des zones extrêmement érotiques, embellies par l'art. Mais les termes animaliers rompent ici avec toute forme d'idéalisation esthétique. La couleur rouge du vers 9 met fin au rappel chromatique des tableaux de la Renaissance et expose une chair vive, associée à un goût horrible. Il y a quelque chose ici qui est de l'ordre de la chair, de la viande. Évidemment, le mot rouge peut rappeler l'idée d'un corps violenté et usé. Il y a un univers sensoriel ici qui est très fort, « tout sans un goût », qui évoque davantage le monde de la boucherie qu'à celui de l'art pictural. Le jeu lyrique est absent du poème ici. On retrouve le pronom personnel « ont ». On se rend compte ici que les détails sont mis en avant par l'adverbe « surtout » au vers 10 et l'expression « à la loupe » au vers 11, qui reflètent à la fois l'attitude inélégante qui consiste à scruter la laideur dans les moindres détails. Nous, lecteurs, nous sommes quelque part les voyeurs de cette scène. Mais il y a ici peut-être, si on considère la lettre du voyant de Rimbaud, un appel à regarder plus loin, à regarder au-delà des apparences. Et on peut considérer ces deux vers comme étant métapoétique, puisqu'ils nous invitent véritablement à regarder. Et peut-être que l’aposiopèse est une invitation qui va dans ce sens-là. [pic 6]

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