Dans quelles mesures peut-on considérer que le Malade imaginaire est un grand spectacle de comédie ?
Dissertation : Dans quelles mesures peut-on considérer que le Malade imaginaire est un grand spectacle de comédie ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sib_95 • 4 Avril 2023 • Dissertation • 2 624 Mots (11 Pages) • 266 Vues
Dissertation Malade imaginaire
Dans quelles mesures peut-on considérer que le Malade imaginaire est un grand spectacle de comédie ?
Le Malade imaginaire est la dernière pièce de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, créée le 10 février 1673 au théâtre du Palais-Royal : Molière, qui joue le rôle d'Argan, meurt juste après la quatrième représentation, le 17 février. On retrouve dans cette pièce tout ce qui caractérise son théâtre, depuis les emprunts formels à d'autres arts du spectacle comme la commedia dell'arte ou le ballet, jusqu'aux attaques en règle contre les mariages arrangés et les médecins. Comédie brillante par les fastes qu'elle déploie comme par la synthèse théâtrale qu'elle réalise, Le Malade imaginaire réaffirme plus que jamais les deux préceptes qui guidaient Molière : la volonté de plaire et la liberté de critiquer. On peut se demander dans quelles mesures Le Malade imaginaire est un spectacle de comédie ? Pour y répondre, nous allons voir que cette œuvre est un spectacle total et qu’elle utilise le comique pour critiquer certains faits de la société de l’époque.
Comédie-ballet mêlant théâtre, musique et danse, Le Malade imaginaire offre un spectacle total à son public. La pièce alterne donc entre une intrigue de théâtre et des pièces chantées ou dansées. Mais les moments chantés et dansés sont rigoureusement liés à l’histoire : un prologue ouvre la pièce et évoque la gloire de Louis XIV. Il annonce le thème de la pièce en chantant les amours de bergers et bergères. Le premier intermède reprend le motif de l’amour malheureux avec Polichinelle qui chante son amour pour Toinette dans une scène de Commedia dell’Arte. Le deuxième intermède, avec les Égyptiens déguisés en Mores, fait de nouveau place à de la danse et des chansons. Le troisième intermède est une cérémonie burlesque d’un homme qu’on fait médecin, toujours en chant et en danse, sous forme de récitatif en latin macaronique: “Sçavantissimi doctores” (ligne 2127, troisième intermède). Ces scènes de ballet empruntent toutes à des univers littéraires connus du public : le prologue met en scène le monde de la pastorale, le premier intermède s'inscrit dans le sillage de la commedia dell'arte et de la farce, le deuxième puise dans la mode de l'orientalisme qui s'installe peu à peu en France et le dernier exploite la tradition du carnaval. Molière use des divers moyens artistiques et styles littéraires à sa portée afin de faire de cette comédie un modèle de divertissement. Musique et chant sont aussi intégrés à l’intrigue comme avec l’opéra de Cléante et Angélique (acte II, scène 5). Tous les arts sont donc réunis dans cette même pièce, expliquant le terme de spectacle total bien présent dans Le Malade imaginaire.
Par ailleurs, cette comédie s’appuie beaucoup sur le spectacle spéculaire, jouant sur les mises en abyme et le procédé de théâtre dans le théâtre. Tout au long de la pièce, les personnages organisent des spectacles dans le spectacle, multipliant là aussi le plaisir comique. Dans cette pièce, le spectacle est aussi celui qu’organisent les personnages eux-mêmes. Toinette est, de ce point de vue, le metteur en scène de nombreuses scènes de théâtre dans le théâtre. La plus frappante est la mise en scène de la fausse mort d’Argan qui permet de démasquer la vénalité de Béline (acte III scène 12) et de révéler la loyauté d’Angélique (acte III scène 13). Toinette confirme ici, doublement, ses talents de simulatrice : « votre mari est mort » (l.1981) // « votre père est mort » (l.2024). On voit un parallélisme de ses expressions et Toinette est une servante à la fois maîtresse et actrice. Dans une mise en abyme joliment orchestrée, le frère d'Argan, Béralde, joue le rôle d’organisateur de spectacles car c’est souvent lui qui introduit les intermèdes, comme lorsqu’il annonce les danseurs mores pour calmer la colère d’Argan. Il fait aussi valoir les bienfaits du divertissement : « Je vous amène ici un divertissement, que j'ai rencontré, qui dissipera votre chagrin, et vous rendra l'âme mieux disposée aux choses que nous avons à dire. […] et cela vaudra bien une ordonnance de Monsieur Purgon » (II, 9). Le divertissement égale l'« ordonnance » : c'est affirmer que, loin d'être anodin, il peut guérir de bien des maux. Plus généralement, le procédé de théâtre dans le théâtre est abondamment utilisé dans la pièce, par exemple lorsque Louison fait semblant d’être morte : “Attendez : je suis morte”(II, 8), quand Cléante et Angélique se déclarent leur amour à travers un opéra improvisé : “Oui, Tircis, je vous aime”(II, 5), quand Toinette se déguise en médecin (III, 10) ou lorsque Molière se met lui-même en abyme dans l’échange polémique entre Argan et Béralde : « C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies » (III, 3). On peut voir le même procédé dans L'Impromptu de Versailles où Molière, acteur, se met en scène et dirige la répétition d'une de ses pièces qui doit être jouée dans quelques heures devant le roi. Ces procédés de mise en abyme accentuent l’effet comique car ils donnent une légèreté à la pièce et dédramatisent l’intrigue. Spectacle et comédie se répondent donc dans Le Malade Imaginaire. La comédie-ballet crée un système cohérent qui correspond parfaitement à l’esprit de cour de l’époque et à l’idéal classique de plaire et instruire. Dans le 1er prologue, on voit aussi le procédé de spectacle dans le spectacle : une troupe de bergers apprend le retour du roi et le dieu Pan leur demande de songer à faire plaisir au Roi. C’est bien la comédie du Malade imaginaire qui servira de divertissement au roi et de délassement après ses campagnes militaires. Les bergers, à la fin du prologue, doivent se préparer pour assister au spectacle en tant que spectateurs ou même acteurs. Les personnages du premier spectacle vont rentrer dans le 2e spectacle où de nouveaux personnages vont divertir ceux du premier spectacle. Par ce procédé de mise en abyme, Molière met en évidence son choix de concevoir un spectacle divertissant et d’y intégrer tout le monde. Son but est de rendre son spectacle vivant pour le plus grand plaisir du spectateur, et dès le prologue il met en scène son rapport avec son public, sa volonté de lui plaire et de le divertir.
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