A la musique, Les cahiers de Douai, Rimbaud

A la musique, Les cahiers de Douai, Rimbaud

Rimbaud souffrait de vivre à Charleville, une petite ville des Ardennes qu’il rebaptisait avec mépris « Charlestown ». Il éprouvait une aversion particulière pour la bourgeoisie de province dont il contestait le pouvoir et dénonçait l’oisiveté. Le poète les dépeint ici réunis lors d’un concert en plein air donné par un régiment, le 2 juin 1870. Le portrait satirique qu’il en dresse n’épargne ni les musiciens ni les spectateurs. Nous allons étudier comment, dans ce poème, Arthur Rimbaud dépeint la société bourgeoise et affirme son identité. Dans un premier temps, nous analyserons la satire de la bourgeoisie, puis la place du poète en marge de la société.

I) Une satire de la bourgeoisie (vers 1 à 24)

Dès l’en-tête, Rimbaud place un cadre spatial, "Place de la Gare, à Charleville”, là où il a grandi, permettant d’installer immédiatement un contexte.

Au premier vers, il décrit une nature contrôlée par l’homme, loin de son idéal. Ce n’est pas de l’herbe mais une place “taillée” en “mesquines pelouses” montrant une personnification de ce lieu qui n’a rien de naturel. Ici, “tout est correct”, que ce soit l’espace artificiel ou les personnes y prenant place, ce sont des gens bien comme il faut, tout est maîtrisé, normé. Avec l’hyperbole “tous les bourgeois”, Rimbaud continue son tableau dépréciatif, englobant toute la classe sociale. Il se moque d’eux en les décrivant comme “poussifs”, ils semblent suffoquer sous la chaleur qui les “étrangle”.

“Portent (v4) est un présent d’habitude, itératif, laissant entendre que l’unique activité des bourgeois est d’assister “les jeudis soirs” aux concerts de la place de Charleville. Au même vers, “leurs bêtises jalouses" est une hypallage. La jalousie devant être attribuée aux bourgeois et non pas à leurs bêtises.

La description continue ensuite avec “l’orchestre militaire” (v5) qui “balance ses schakos” (v6), Rimbaud utilise un langage familier ici pour montrer la vulgarité de ces militaires. Telle une pièce de théâtre, “la Valse des fifres” peut être interprétée de deux manières : la danse des flûtes ou la représentation de ces bourgeois présents uniquement pour se faire voir. La dimension théâtrale est poursuivie avec les expressions “aux premiers rangs” et “parade”.

Rimbaud fait ensuite une caricature de toutes les personnes présentes selon leurs métiers, tous prestigieux, ce sont les notables de la ville. Après les “notaires”, ce sont les “rentiers” qui “soulignent tous les couacs”, pouvant faire référence aux fausses notes de l’orchestre ou aux maladresses des autres personnes présentes. Ils n’existent qu’en rabaissant autrui. Vers 10, la présence de la synecdoque “les gros bureaux” montre que les personnes présentes n’existent que par leur profession. Ils sont “bouffis”, à partir de là commence tout un champ lexical de la

grosseur, montrant les personnages présents comme ridicules. Ceux-ci “trainent leurs grosses dames”, le surpoids des personnages présents est moqué, les femmes sont même comparées à des élephants, un “conarc” (v11) étant un guide d’éléphant à l’époque. Elles sont également vulgaires, leurs tenues sont comparées à des “réclames” (v12).

La nature est de nouveau dénaturée, la seule présence verte est “les bancs” (v13), donc artificielle, en opposition avec l’idéal rimbaldien. Une nouvelle catégorie de notable apparaît, un "club d'épiciers retraités", eux aussi moqués pour leur prétention. La diérèse à “sérieusement” (v17) allonge le mot en lui donnant un côté ridicule. Ils "discutent les traités" très fiers de leur statut, alors qu’ils sont à un simple concert. Au vers suivant, “En somme” se moque de leur avarice, la polysémie de l’expression montre que leur unique intérêt est pécuniaire.

La

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