Plaidoirie Dreyfus

« Monsieur le Juge, Je suis Maître Lazare, et j’ai l’honneur de défendre le capitaine Dreyfus. Suite aux publications dans les journaux L’Eclair et Le Matin, révélant qu’un des documents accusant Dreyfus était un faux ; j’ai pu entreprendre de démontrer son innocence et c’est pour cela que je suis ici, devant vous, aujourd’hui. Tout d’abord, Alfred Dreyfus, capitaine alsacien juif, fut arrêté le 15 octobre 1894 à la suite de la découverte d’un bordereau portant la liste des documents qu’un officier d’Etat-major se proposait de vendre à l’Allemagne. A partir de cet instant, deux officiers furent soupçonnés, le commandant comte Esterhazy et le capitaine Alfred Dreyfus. Ce dernier fut condamné, le 22 décembre 1894 après être passé devant le conseil de guerre et avoir été déclaré coupable. Je n’ai pas pu consulter les preuves, tenues secrètes. En 1895 Dreyfus fut dégradé et on le déporta à l’île du diable. Comprenez donc pourquoi il jeta par terre et piétina en public toutes ses affaires de capitaine, il allait sûrement passer le reste de ses jours là-bas alors qu’il était innocent ! Puis l’affaire resta en sommeil pendant près de trois ans. Jusqu’à ce qu’en 1898, l’armée découvre le vrai coupable, Esterhazy. Cependant elle l’acquitta et laissa Dreyfus au bagne et vous savez tous pourquoi ; le capitaine Dreyfus fut emprisonné, non pas parce qu’il avait voulu dévoiler des secrets sur la France aux Allemands, mais parce qu’il était juif ! Toutes les preuves concouraient à la culpabilité d’Esterhazy et pourtant celui-ci fut considéré comme étant innocent ! Il y a donc eu une énorme injustice car être jugé pour sa religion ne figure pas dans les lois de la République. Elle donna naissance à une campagne de haine contre Dreyfus, menée par les antidreyfusards, ces derniers donnant tort à notre République. Même des journaux se révoltèrent contre lui (comme Le Petit Journal) ! Le 13 janvier 1898, pour dénoncer cette injustice, Zola publia un article nommé « J’accuse » dans le journal L’Aurore. Il revient longuement sur les officiers supérieurs qui ont manipulé les conseils de guerre faisant ainsi condamner Alfred Dreyfus et innocentant le véritable coupable de trahison, Esterhazy. Il termine en accusant nommément l’ensemble des protagonistes militaires. Pour avoir écrit cet article, on le condamna à un an de prison et 3000 francs d’amende. Où est la liberté d’expression ? La devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » est en péril ! Comment prétendre que les citoyens sont égaux en droit lorsque la justice vous traite différemment selon que vous soyez juif ou chrétien ? Comment parler de fraternité quand dreyfusards, œuvrant pour le triomphe de la justice et de la vérité, et antidreyfusards s’affrontent avec véhémence parfois même au sein des familles ? Maintenant que ce discours est terminé, que vous soyez convaincus ou non, je suis intimement persuadé que la vérité finira par triompher. »

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