Le chartisme: une réponse politique à un mouvement social
Dissertation : Le chartisme: une réponse politique à un mouvement social. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar NathaVal • 28 Janvier 2021 • Dissertation • 4 385 Mots (18 Pages) • 454 Vues
Le chartisme : une réponse politique à un mouvement social
Le chartisme se pose comme l’un des mouvements fondateurs de l’action politique britannique au XIXème siècle même s’il est très peu connu en France. Il intervient, dans un contexte plus que troublé aux niveaux national et international, comme un renouvellement des pratiques de contestation. C’est notamment ce qu’évoque Emmanuel Fureix dans l’introduction de La liberté guidant les peuples. Apparaissent de nouveaux modes d’actions révolutionnaires tout au long du XIXème siècle, allant des barricades aux sociétés secrètes en passant par le pétitionnement, l’élément distinctif de la démarche chartiste. Le ras-le-bol collectif ressenti de manière générale par la partie la plus modeste de la population amène à la rédaction d’une charte pour réformer le statut de la classe ouvrière au sein du système électoral, d’où le nom du mouvement tiré de cette dernière, réclamant des droits politiques plus importants, surtout en matière de représentation. Les contestations s’enracinent à partir du vote sur le Great Reform Bill de 1832. Certes le chartisme n’apparait réellement que quelques années plus tard, mais il est nécessaire de l’inclure dans une période plus large pour comprendre ses origines et ses caractéristiques. Le chartisme profite ainsi du mécontentement des populations pour devenir un acteur majeur de la scène politique jusqu’en 1848, où il finit par s’essouffler. Ses idées continuent néanmoins de traverser le temps, c’est pourquoi il est étudié tout au long du XIXème et du XXème siècle car considéré comme un des moments fondateurs de la démocratie britannique, où le pouvoir législatif bicaméral commence très progressivement à s’ouvrir à la population tout entière. La construction d’une idéologie ouvrière, au sens marxiste ou non, est étudiée à travers le prisme de cette action qui rassemble pour une première fois tout une caste aux caractéristiques communes qui se battent pour leurs droits politiques mais surtout sociaux : la contestation part de personnes souvent pauvres qui croient en l’amélioration de leurs conditions de vie dès que leur représentation sera suffisante au sein des chambres législatives.
Dès lors, il s’agit de comprendre la manière dont les bouleversements introduits par la révolution industrielle accélèrent les revendications politiques d’un milieu populaire qui se heurte au pouvoir libéral.
Après avoir vu dans un premier temps que le chartisme est une demande politique populaire qui pousse pour un renouveau de la société, nous nous orienterons vers une deuxième partie qui montrera que le chartisme est aussi un mouvement populaire réprimé par le pouvoir en place.
Si le Royaume-Uni peut à juste titre être considéré comme le bastion du libéralisme et de la modernité par l’industrialisation, le pays connait de forts troubles. La révolution industrielle, même si elle a permis un enrichissement global de la population, a profondément modifié l’organisation de la structure sociétale britannique. Dans les années 1840, Engels comparait même ces changements aux bouleversements politiques issus de la révolution française de 1789. Les espaces urbains progressent très rapidement au détriment de la ruralité. L’émergence de grands centres urbains concentrant les usines a amené une migration certes importante mais différenciée selon les régions ; la carte d’élections, inchangée depuis plus d’un siècle et ne reflétant donc plus les concentrations de population nouvelles, n’avait donc plus de sens puisque le nombre de représentants était calculé selon le poids démographique. Au-delà de la fragmentation territoriale, les écarts entre les plus pauvres et les plus riches ne font que s’agrandir.
La création d’une classe ouvrière au début de la révolution industrielle, subordonnée aux capitalistes, commence à créer une division au sein de la société. Une nouvelle dimension était en train d’apparaitre, utilisant machines et énergies pour remplacer la force de travail. Le manque de régulation de la rétribution du travail pose problème lorsqu’il s’agit de préserver les conditions des travailleurs. On constate une exploitation de cette classe ouvrière qui ne peut réclamer plus sous peine de tout perdre : ils ne sont pas protégés par un quelconque manifeste du travail. La domination sociale s’inscrit également dans le paysage urbain où les quartiers riches et propres s’opposent à ceux bien moins jolis et souvent sales. Les ouvriers et employés, bien conscients de ce qui les liait, commencèrent à développer une conscience de classe, déterminés à défendre leurs droits. A la moindre braise, de nombreuses personnes étaient prêtes à se révolter. Le chartisme se développe ainsi en réaction aux crises économiques qui impactent directement la classe populaire. C’est pourquoi on constate un si fort lien au sein du mouvement chartiste entre les difficultés économiques et les troubles politiques. Entre 1838 et 1848, le Royaume-Uni connait trois grandes périodes de dépression qui correspondent parfaitement aux grands pics de soutien du mouvement chartiste et à la présentation tout à tour des pétitions devant le Parlement. Les salaires baissés pour faire face aux crises révoltent une population déjà très pauvre, qui ne peut que subir. Pour eux, subvenir à leurs besoins vitaux est un combat de tous les jours. Un des grands spécialistes du mouvement chartiste, Thompson, décrivait une société où les plus pauvres étaient écrasés de souffrances à la fois « privées et publiques ». Au-delà donc d’un simple mécontentement envers les patrons, la faute est aussi rejetée sur la sphère publique qui n’agit pas pour les aider, d’où une adresse politique directe aux dirigeants. Comme l’économie du Royaume-Uni n’était pas stable et soumise aux inflexions du marché, un climat assez tendu et méfiant s’installe, précipitant la moindre étincelle en incendie populaire.
Si le contexte économique troublé peut expliquer la volonté d’un changement social profond ainsi qu’une restructuration d’une société fragmentée, le système électoral britannique est au cœur des revendications des chartistes. La contestation se met en place en réaction de la politique non-interventionniste du parti whig, accusé de ne rien faire pour améliorer les conditions de vie des travailleurs. Ces derniers ne se sentent pas non plus intégrés à la prise de décision politique alors qu’ils représentent un grand pan de la population. Déjà à l’origine du Great Reform Bill de 1832, le peuple se sent trahi par les mesures adoptées. Cette réforme électorale visait à assurer une plus grande légitimité de la Chambre des communes. Cette dernière n’étant élu que par un corps électoral de quelque 400 000 personnes soit environ 5% des habitants du Royaume-Uni, on cherche à l’ouvrir à plus de monde pour asseoir son pouvoir. On baisse ainsi le cens nécessaire pour voter, mais de trop peu pour réellement inclure la population dans le processus de vote : seules 200 000 personnes rejoignent les rangs des électeurs. De plus, les processus d’industrialisation et d’urbanisation ont amené à revoir totalement la carte des densités. Le nombre de délégués que chaque bourg pouvait envoyer à la chambre basse étant déterminé par leur poids démographique relatif au reste du pays, il fallait complètement revoir ces cartes électorales. Par exemple, le Sud rural envoyait un nombre de députés bien supérieur à la taille de leur population tandis que de grandes villes industrielles telles que Manchester étaient sous représentées. On parle ainsi des bourgs pourris pour désigner ces circonscriptions concentrant un pouvoir très important dans la constitution du Parlement. Cette réforme de 1832 avait donc pour but de rééquilibrer le pouvoir politique pour le redonner au mieux dans les mains du peuple même si elle ne supprime finalement que très peu d’inégalités.
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