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Spinoza Lettre à Schuller

Fiche : Spinoza Lettre à Schuller. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Avril 2019  •  Fiche  •  1 918 Mots (8 Pages)  •  1 987 Vues

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Le devoir du philosophe est de s’étonner de tout, de ne rien tenir pour acquis et donc de remettre en question les choses souvent arbitrairement « établies ». C’est à cette tâche que se consacre Spinoza dans son argumentation sur le libre-arbitre, dans plusieurs passages de L’Ethique, l’œuvre de sa vie, mais également, ici, dans sa réponse à une lettre de Schuller.

Dans cette lettre, Spinoza aborde le problème  de la liberté humaine considérée sous l’angle du libre-arbitre, ou « libre-décret ». Selon lui, une telle liberté n’existe pas. L’Homme agit, mais uniquement parce que le tissu des évènements l’a poussé, d’une manière ou d’une autre, à le faire. Pourtant, les Hommes sont persuadés d’être tout à fait libres dans leurs agissements. Pourquoi ? D’où vient l’illusion du libre-arbitre dont sont victimes les êtres humains?

Spinoza, pour rendre son point de vue tout à fait « clair et intelligible », commence par considérer l’image d’une pierre en mouvement, qu’il replace dans le cadre de sa théorie déterministe. Ensuite il développe cet exemple en construisant une analogie entre le cas de la pierre et le cas de l’homme, analogie à partir de laquelle il montre que l’illusion du libre-arbitre naît du fait que « les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent »…

      Dès le début de l’extrait, Spinoza utilise un exemple qui lui permet de situer son analyse dans une perspective clairement déterministe.

En effet, il se sert de l’exemple d’une pierre en mouvement. Voici ses mots: « Une pierre par exemple reçoit d’une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvements ». Il est vrai que lorsque l’on voit une pierre bouger c’est que quelque chose l’a poussé, lancé etc. C’est ce quelque chose que Spinoza appelle « cause extérieure » : c’est la cause d’un certain événement… L’exemple de la pierre est un bon choix de la part de Spinoza puisque, tout le monde pourra être d’accord sur ce point, dans la nature, la pierre est la chose la moins libre qui existe. Tout ce qui lui arrive n’est jamais dû à elle-même. Dans ce sens, Spinoza peut exposer clairement sa théorie sur le déterminisme, sans que quiconque ne soulève d’objection.

     La pierre, dans son mouvement est « contrainte » à bouger et donc, si elle est contrainte, forcée à se mouvoir, alors, son mouvement est « nécessaire ». Mais, Spinoza fait une distinction entre contrainte et nécessité : « Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure ». Selon Spinoza, la contrainte se définit donc par l’extériorité de la cause. Dans ce sens, lorsqu’il dit ceci : « Ce qui est vrai pour la pierre il faut l’entendre de toute chose singulière », et qu’il ajoute « quelle que soit la complexité » de cette chose, on en déduit immédiatement que l’Homme, aux yeux de l’auteur, fait partie des choses déterminées à agir sous l’influence de causes extérieures. Spinoza invite donc, dans son argumentation, à considérer que les mouvements et actions de toute chose, considérée dans sa particularité, sont déterminés, et soumis à l’influence d’une causalité extérieure : c’est le déterminisme universel.

Dans ce cadre déterministe, et à supposer que l’objet mis en mouvement ne soit pas stoppé, il continuera de se mouvoir nécessairement: si rien ne l’arrête, si aucune force ne peut compenser la force de l’impulsion initiale alors l’objet, la pierre, continue de se mouvoir (c’est ce qu’on appelle le principe d’inertie en science), et ce, sans rapport direct avec la cause qui l’a fait bouger : Spinoza le dit lui-même : « L’impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement ». Ici, plus rien ne pousse la pierre, elle est simplement soumise à la force qui a conduit à son mouvement. Il faut donc le considérer comme une « contrainte », imposée et définie à la pierre par la cause et l’impulsion qui l’a mise en mouvement. La pierre n’est en aucun cas à l’origine de son propre mouvement.

Compliquons à présent cet exemple :

   

   Spinoza nous dit : « Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, pense et sache qu’elle fait effort ». Spinoza, pour les besoins de son analyse, attribue donc, de façon assez surprenante, une conscience à la pierre : l’intérêt de cette fiction va apparaître progressivement. Il convient de préciser que si dans cet exemple, la pierre n’est pas dotée de conscience dès le début du mouvement, ce n’est pas anodin. En effet, de la sorte, la force à l’origine de son mouvement n’est plus en vue pour elle au moment ou elle prend conscience de ce mouvement. Ainsi, la pierre est consciente qu’elle « fait effort », cependant elle ignore qu’une force extérieure l’a fait bouger. Elle est donc totalement ignorante de la cause de son mouvement. C’est là que l’argumentation prend tout son sens : cette chose (et toute « chose singulière »), puisqu’elle n’a conscience que de son mouvement, et ne sait rien de ce qui l’a initié, se persuade  d’ « être très libre » et donc de se mouvoir parce « qu’elle le veut ». Mais ce n’est pas parce qu’elle se représente son mouvement de cette manière qu’il en va réellement ainsi. Le sentiment d’agir d’une certaine manière, en conscience, n’est pas une preuve que les choses se passent effectivement comme un être conscient peut être conduit à croire qu’elles se passent. L’image employée par Spinoza, par sa simplicité et son audace à la fois, permet une conclusion sans équivoques sur ce point.

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