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La IIIe république et les ouvriers

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Par   •  31 Janvier 2019  •  Dissertation  •  7 035 Mots (29 Pages)  •  941 Vues

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La IIIe République et les ouvriers[pic 1]

           « L’ouvrier se sent du peuple républicain plus qu’il ne se reconnaît de prolétariat ». Tels furent les mots de Michel Winock. Effectivement selon l’historien, la pureté du prolétaire ne serait ici qu’un mythe. Dès les débuts de la IIIe République, l’Etat se retrouve face à une classe ouvrière toujours en formation, le monde ouvrier pèse de plus en plus lourd dans la structure sociale du pays. Ainsi, les ouvriers vont s’intégrer à la nation, mais ce processus est long et tumultueux.

          Pour définir, les ouvriers industriels, les mineurs, ou encore les ouvriers agricoles, on emploie souvent les termes synonymes de « classes ouvrières », de « prolétaires » ou de « travailleurs » sans connotation particulière. De surcroît, la IIIe République, signifie l’Etat français, un régime politique, une institution de pouvoir, elle représente un gouvernement, une classe dirigeante, des hommes politiques. Ainsi, le gouvernement français et les classes ouvrières vont, sous la IIIe République, entretenir une relation particulière. Dans quelle mesure sont-ils réunis ? par ailleurs, qu’est-ce qu’ils les opposent ? Entrent-ils dans une relation complémentaire ? En examinant les choses d’un peu plus près, on peut se rendre compte d’une confusion entre deux types de réalité. Si l’histoire du mouvement ouvrier, c’est-à-dire l’univers des victoires syndicales, a polarisé les regards, au contraire ce qui relève de la politique sociale entreprisse par le gouvernement républicain, et les périodes d’agitations politiques ont été longtemps négligées.

            Notre étude s’étendra de 1870 à 1940, autour de la question suivante : Dans quelle mesure s’intègrent les ouvriers au sein de la République ?

              Pour répondre à cette question, nous verrons tout d’abord, le temps des politiques sociales et de l’institutionnalisation des travailleurs. Puis nous analyserons l’heure de la représentation ouvrière sur la scène politique. Enfin, nous nous attarderons sur les ouvriers dans la tourmente républicaine.

               L’industrialisation soutenue de la fin du XIXe siècle entraîne une croissance des effectifs ouvriers. En 1911, la France compte six millions d’ouvriers, dont les deux tiers sont masculins. Pour la première fois, ce groupe dépasse les agriculteurs exploitants, même si l’on y adjoint près de deux autres millions de salariés agricoles. Ainsi, le monde ouvrier pèse de plus en plus lourd dans la structure sociale du pays, 29,9 % en 1911. En outre, l’équilibre instable qui caractérisait la société française de la fin du XIXe siècle est remis en cause dans ses profondeurs lors de la « Grande Dépression » qui touche le pays avec une exceptionnelle intensité dans les années 1880-1890. Dans toute l’histoire contemporaine de la France, c’est dans les deux décennies qui vont de 1890 à 1910 que la mobilisation ouvrière est la plus intense, contribuant au profond désarroi qui gagne les classes dirigeantes à ce moment. La « névrose fin de siècle », de Jean-Marie Mayeur s’explique alors. C’est dans ce contexte tumultueux que l’Etat français va tardivement – par rapport à ces voisins européens – instaurer de nouvelles politiques Sociales.

             La protection et l’aide mise en place pour les travailleurs s’opèrent sous l’action de facteurs multiples. C’est d’abord grâce à la pression des ouvriers que leur condition s’est progressivement transformée, d’autant qu’elle a aussi poussé l’Etat à réagir. Le développement de l’Etat social, notamment par l’évolution de la législation du travail, est tardif mais réel en France, en regard des Etats voisins. A l’initiative de Bismarck qui entend à la fois résoudre la question sociale et contrer les progrès de la social-démocratie, le Reich wilhelmien adopte entre 1883 et 1889 des dispositions sur l’assurance maladie, contre les accidents et contre l’invalidité. Au Royaume-Uni, un régime de retraite s’amorce dès 1908. La réalité de la condition ouvrière et de la « question ouvrière » est très variée ; on ne sait pas grand-chose des conditions de travail dans les petites et moyennes entreprises mais la législation améliore sur certains points ces conditions. La loi du 19 mai 1874 interdit l’emploi des enfants de moins de 10 ans et limite à 6 heures la journée pour les petits ouvriers de 10 à 12 ans, 12 heures pour les 13 à 18 ans, durée qui devient la norme. Elle interdit l’emploi des femmes et des enfants dans les mines et le travail de nuit pour ces mêmes catégories. Enfin, elle crée l’inspection du travail, mais les seuls 15 inspecteurs de l’Etat sont nommés par le gouvernement et les conseils généraux ne recrutent guère d’inspecteurs départementaux. La loi du 2 novembre 1892 fixe un minimum de 10 heures par jour pour les 13-16 ans et de 60 heure par semaine/11 heures par jour pour les 16-18 ans, tandis que les femmes de plus de 18 ans bénéficient d’un maximum de 11 heures par jour. La loi Millerand du 30 mars 1900 établira pour les moins de 18 ans et les femmes un maximum de 10 h 30 par jour puis de 10 h, à partir de 1904. Pour les hommes – et c’est la première loi de la IIIe République à les concerner – il en sera de même condition qu’ils travaillent dans les mêmes locaux que les catégories précédentes. Au-delà de la diminution progressive de la durée du travail, la législation reste bien lacunaire : la loi d’avril 1898 sur les accidents du travail a institué le principe de la réparation forfaitaire, sans que le salarié ait besoin de prouver la responsabilité de son employeur. Celle de juillet 1906 fixe le principe d’un repos hebdomadaire, qui fut supprimé dans un sens anticlérical en 1880, avec statut privilégié au dimanche. L’assurance-vieillesse n’existera qu’avec la loi du 5 avril 1910. Les seules retraites en vigueur sont celles des mineurs, des cheminots et des fonctionnaires, pour lesquels la cotisation est d’ailleurs retenue sur le salaire.  En 1894, une loi sur les pensions des « gueules noires » est adoptée, selon le principe de cotisations paritaires. En 1898, sur 254 000 employés des chemins de fer, près de 185 000 (soit 72 %) cotisent à des caisses de retraite, qui versent une pension à près de 38 000 anciens salariés. En revanche, sur plus de 2 650 000 travailleurs de l’industrie privée soumis au contrôle de l’Inspection du travail, seuls 98 000 (soit 3,7 %) sont couverts par un système de retraite. Rien n’est prévu contre le risque de maladie, on a recours le plus souvent à des sociétés mutuelles, plus ou moins solides, et donc les prestations sont toujours modestes.  La loi sur les retraites ouvrières et paysannes de 1910 amorce une première inflexion sensible : comme son nom le suggère, elle concerne en fait essentiellement les ouvriers, et permet de verser des retraites grâce aux cotisations des salariés, des employeurs, et à la participation de l’Etat. Toutefois, deux conditions sont requises : l’âge de départ est fixé à 65 ans, abaissé à 60 en 1912 – ce qui exclut de fait un très grand nombre de travailleurs à la plus faible espérance de vie ; il faut par ailleurs avoir cotisé pendant quinze ans. Malgré ces limites réelles et l’abandon de l’obligation, le système instaurer par la IIIe République afin de promouvoir la protection et l’aide de ses travailleurs se met progressivement en place à la Belle Epoque. En effet, une réelle administration se créée pour les travailleurs, on compte alors la création de l’office du travail en 1891, et du ministère du travail en 1906 qui reflètent cette volonté de protection de la part de l’Etat. Par ailleurs, la Première Guerre mondiale opère, sur cette question, une accélération décisive. Pour s’en tenir au monde ouvrier, des offices départementaux du placement sont créés en 1915 afin de résorber le chômage et d’optimiser l’effort de guerre. Surtout l’action du ministre socialiste Albert Thomas, en charge de l’Armement, favorise une régulation de la conflictualité et une amélioration de la condition ouvrière. Dès 1915, il crée un service médical dans les poudreries et les arsenaux d’Etat, et l’année suivante une inspection médicale dans les usines d’armement, encourageant par-là les premiers pas de la médecine du travail. En outre, le 17 janvier 1917, il institue par décret l’arbitrage obligatoire des conflits de salaires, devant un comité paritaire où siège également un représentant de l’administration. De surcroit, durant la Grande Guerre le nombre de femmes dans les usines augmente considérablement Enfin, pour organiser l’afflux féminin dans les usines de guerre, Thomas conçoit en avril 1916 un comité du travail féminin, dont une délégation part en Grande-Bretagne étudier le rôle de la Lady welfare supervisor. Son rapport contribue à créer les surintendantes d’usines. Elles doivent essentiellement améliorer la mise au travail des femmes et notamment faire fonctionner les installations, comme les chambres d’allaitement, dispensaires, cantines, etc., que la loi encourage : quelques réalisations spectaculaires (la Maternité ouvrière de Levallois-Perret ou la pouponnière Citroën) contrastent avec la modicité des résultats globaux : douze chambres d’allaitement seulement sont créées en région parisienne offrant 157 berceaux. Toutefois, à compter de la deuxième moitié des années 1920, les surintendantes concourent à améliorer, outre l’hygiène, l’organisation et la sécurité du travail dans les usines. Un dernier volet de la politique sociale serait le logement et le versement d’allocations familiales : il débute véritablement pendant la Première Guerre mondiale, même si des initiatives interviennent dès la fin du XIXe siècle, mais d’une manière générale le patronat développe ces questions. Ainsi, les mesures prises pour protéger la main-d’œuvre et aider les ouvriers français sont loin d’être négligeables.

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