Commentaire de l'ordonnance de Blois (1498)
Commentaire de texte : Commentaire de l'ordonnance de Blois (1498). Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Victor Demay • 18 Avril 2020 • Commentaire de texte • 3 049 Mots (13 Pages) • 2 116 Vues
Déjà dans son ordonnance de Montils-lès-Tours en 1454 Charles VII faisait état de la justice et de son importance : « Considérant que les royaumes, sans ordre de justice, ne peuvent avoir durée ni fermeté aucune ».
L'ordonnance ici étudiée a été donnée à Blois en mars de l’année 1498. C’est un texte normatif. Un texte normatif constitue ou complète une norme, établi des règles. En France, une ordonnance est un texte de loi qui émane du roi, qui concerne une ou plusieurs matières (ici une seule) et qui s’applique à l’ensemble du royaume. L’auteur de cette ordonnance est le roi de France Louis XII. Louis XII fut roi de 1498 à 1515. Ce dernier, en symbole de sa popularité, fut surnommé le « Père des peuples » par les états généraux de 1506. Louis XII est un symbole de la monarchie modérée mais il est aussi et surtout célèbre pour avoir initié au sein du royaume de France la réforme de la justice.
Sur le plan politique, le contexte historique de l’extrême fin du Moyen-Âge et du XVème siècle est riche. En effet, on parle dès le XIIIème siècle de l’émergence de l'État royal en France. C’est pendant les trois derniers siècles du Moyen-Âge que se dessine une vision nouvelle de la puissance. La seconde partie du XVème siècle est marquée par l’affermissement du pouvoir royal. Mais la fin du siècle est aussi le reflet du développement de nouvelles menaces pour le royaume. Le royaume de France sort en 1453 de la Guerre de Cent Ans contre l’Angleterre. Le danger ne vient désormais plus d’Angleterre mais des Habsbourgs. L’Italie est le principal territoire de ces combats nouveaux. Charles VII, le prédécesseur de Louis XII, a en effet lancé les guerres d’Italie en 1494 avant de céder sa place pour cause de mort quatre ans plus tard à son cousin héritier. Louis XII doit donc dès le début de son règne combattre en Italie. Au plan juridique, on cherche à cette époque à mettre par écrit les coutumes du royaume de France. En effet, le Conseil du roi recevait un volume croissant d’affaires judiciaires, lesquelles questionnaient les différentes coutumes établies. Une section spécialisée fut donc crée pour ces affaires judiciaires dans le courant des XIV et XVème siècles. C’est finalement Charles VII qui par une ordonnance en 1497 crée le Grand Conseil, ordonnance qui sera reprise l’année suivante par Louis XII. À cette époque on cherche alors à profiter d’une certaine paix pour réformer un système judiciaire totalement désorganisé par le conflit de la Guerre de Cent Ans. La justice est devenue incertaine, confuse et surtout désespérément lente. Le but est alors de supprimer les contradictions et contrariétés du droit coutumier, de rendre la justice plus sûre et plus rapide. Ainsi, un vaste mouvement de rédaction des coutumes se fait ressentir au temps de Louis XII et notre extrait en est l’exemple.
Ainsi, cette ordonnance entend répondre à la problématique historique et juridique suivante : Quelle est la justice qui se développe au royaume de France à l’aube du XVIème siècle et comment celle-ci doit-elle s’appliquer ?
Après avoir abordé la présentation et la nécessité de la justice (I) faite ici, nous nous pencherons sur la justice comme droit et surtout comme devoir de ceux qui doivent la rendre et l’administrer (II).
I ) Introduction à la justice et à sa nécessité
Il est premièrement fait état ici de l’imposition et de la légitimation de la justice (A) puis on s’intéressera à sa nécessité ainsi qu’à sa finalité (B).
A ) L’imposition et la légitimation de la justice
Avant de se pencher plus pleinement sur ce qu’est la justice, le roi introduit son ordonnance : « Louis, par la grâce de Dieu roi de France, savoir faisons à tous présents et à venir » (l. 1). C’est ainsi que Louis XII amène sa considération de la justice qui est « la première et la plus digne des vertus cardinales » (l. 2-3). Louis rappelle dès les premiers mots de son ordonnance la source de sa légitimité. Il est roi de France par la grâce de Dieu c'est-à-dire qu’il dispose d’une légitimité divine et de fait royale. Une telle référence accroit l’importance et la portée de l’ordonnance. D’autant plus qu’à cette époque le christianisme s’est très largement imposé et la quasi totalité du royaume suit la même religion et voue à Dieu une grandeur sans précédent. Fort de cette importance religieuse, le roi lui-même dit tirer son titre de roi de France de Dieu directement. C’est en cette qualité qu’il peut s’exprimer à l’ensemble de son royaume, aux populations actuelles et futures. Ici le roi n’exclut personne et c’est l’objet même de son ordonnance : son propos doit être entendu et respecté par tous, il a valeur de loi. C’est ici la justice qui se trouve au centre de son propos. La justice n’a pas une définition unique et universelle, ce terme possède deux acceptions, deux sens différents. La première acception de la justice, c’est ce qui est juste, c’est rendre à chacun ce qui lui est dû. La justice s’entend donc ici comme une vertu, une qualité morale qui consiste à être juste, à respecter les droits d’autrui. Dans son autre acception, qui n’est pas le sent fort utilisé dans ce texte, la justice désigne l’autorité judiciaire. On verra ici que la première chose qui est dû aux sujets du royaume, c’est bel et bien la justice. Ici c’est elle qui est la plus importante et la plus convenable, la plus honorable des vertus cardinales. Cardinal vient du latin cardo qui veut dire charnière / pivot. La justice a donc non seulement son rôle dans la doctrine morale chrétienne mais en plus ce rôle est au premier plan. On sait qu’à l’époque de cette ordonnance, on cherche à donner un nouveau souffle à la justice, on cherche à réformer le système judiciaire et de tels propos sont en accord direct avec un tel contexte historique et juridique. Une autre interprétation est possible de ces premiers mots, laquelle reviendrait à dire que la justice entendue ici est l’autorité judiciaire c'est-à-dire l’ensemble des juridictions du pays (municipales, seigneuriales et royales) mais l’idée de vertu exclue à priori une telle idée.
Le principal attrait de ces premières lignes et la qualité de l’ordonnance, laquelle fait loi, est proclamée par le roi en qualité divine et s’applique à tout le royaume. Son objet est celui de la justice, dont l’importance et la vertu divine (marquée par deux références religieuses) sont fortement soulignées ici. Allant plus loin que la justice en elle-même
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