Géopolitique du Vatican

Géopolitique du Vatican

Si l’espérance de vie d’un empire n’a jamais dépassé trois siècles, celle d’une religion se compte en millénaire. C’est là un des enseignements de l’histoire. Les religions réussissent à conserver un pouvoir d’attraction tout particulier sur les masses ; depuis plus de deux-milles ans, l’Eglise chrétienne parcoure ainsi le monde.

Aujourd’hui environ trente pour-cent de la planète est baptisé, soit près de deux milliards six-cent millions d’individus éparpillés sur tous les continents. Ces dernières décennies font l’objet, en Amérique du Sud, dans le Sud de l’Afrique ainsi qu’en Chine notamment d’une recrudescence de la foi catholique.

C’est au Vatican, l’Etat le plus petit territorialement du monde (1), parfois considéré comme l’un des plus influents que se trouve le siège de ce chef spirituel de l’Eglise catholique. L’Etat du Vatican est une monarchie absolue élective de droit divin ; en plus de n’être redevable à aucun électeur, le pontife possède la plénitude des trois pouvoirs. Le Vatican ne dispose pas de revenus publics, il s’agit du seul Etat qui ne prélève pas d’impôts. Ses ressources proviennent des dons des fidèles et du produit du capital possédé.

Les Accords de Latran signés le 11 février 1929 entre le Saint-Siège et l’Italie consacrent la création de l’Etat de la cité du Vatican. Cet ensemble de traités internationaux reconnaissent le Vatican comme Etat souverain de droit international public, distinct du Saint-Siège et de manière concomitante, assurent une base temporelle à la souveraineté spirituelle du chef de l’Eglise catholique. Le Saint-Siège renvoi au gouvernement de l’Eglise catholique, à savoir le pontife et la Curie. Le Saint-Siège est l’entité juridique de l’Eglise, c’est lui qui entretient des relations diplomatiques avec les Etats. Fort d’un réseau très ancien, c’est l’Etat du monde qui a le plus de relations diplomatiques, avec un nombre supérieur d’ambassadeurs que les Etats Unis, il joue un rôle majeur dans les relations internationales.

La faiblesse territoriale de l’Etat de la cité du Vatican semble a priori, ne pas être un frein à l’influence de la papauté et de son Eglise dans le monde. En effet, les 4000 diocèses ainsi que les nonciatures apostoliques, qui sont les représentations diplomatiques de l’Eglise catholique autour du globe sont nombreuses, et réciproquement, en 2013, on dénombre 79 ambassadeurs auprès du Saint-Siège. Alors que beaucoup pensaient que la religion perdait de l’influence, l’impact diplomatique du Vatican au XX° siècle n’a fait que s’accroître.

_____________________________

1. 44 hectares dans Rome ; Toutefois dans l’étude Who owns the world de Kevin Cahill (2011), on relève que le souverain pontife de l’époque Benoit XVI est le troisième plus grand propriétaire terrien du monde avec plus de 71 millions d’Hectares.

[pic 1]

Pour preuve, alors qu’en 1900 quatre Etats avaient une ambassade accréditée auprès de lui, 180 Etats possèdent aujourd’hui une représentation près le Saint-Siège.

La géopolitique du Vatican est particulière en ce sens qu’elle ne viserait pas à étendre ses péjoratives politiques, mais qu’elle cherche à diffuser, à faire respecter certaines valeurs: le bien commun, la paix, le respect du plus faible et le développement de la personne.

L’Eglise catholique qui se veut en effet universelle, porte et diffuse par delà les frontières terrestres et maritimes des idées morales, sociales, politiques qui en appellent au vivre ensemble et la coexistence pacifique entre les différentes communautés d’individus.

L’histoire bi-millénaire de l’Eglise catholique, lui aura enseigné, dans les conflits récents, à demeurer neutre. Ce fut notamment le cas lors de la Seconde Guerre Mondiale, lorsque celle ci proclama sa neutralité. Les choix passés permettent aujourd’hui au Vatican de se présenter comme un Etat neutre et indépendant. Preuve de la volonté de conserver cette indépendance, le Saint-Siège a choisi de n’avoir à l’Organisation des Nations Unis (ONU) qu’un statut d’observateur, pour ne pas rentrer dans le jeu politique par le vote, réservé aux Etats-membres.

Sans disposer du hard power américain, de la puissance économique de la Chine ou de la puissance culturelle d’un pays comme la France, l’Eglise catholique, à l’écart des plus grandes instances de décisions et de dialogues internationales tel que le G8, le G20, ou le conseil de sécurité de l’ONU, conserve une influence certaine dans les sphères politiques et diplomatiques de très nombreux pays.

Le chercheur Jean Baptiste Noé, dans La géopolitique du Vatican s’attache à mettre en lumière la politique diplomatique universaliste menée tambour battant par le Vatican. Il analyse que la «présence géopolitique et la puissance diplomatique» du Vatican réside dans «la force spirituelle et culturelle du catholicisme». À travers la figure du pape, le catholicisme, en représentant l’ensemble des catholiques, parvient à parler au monde entier.

La diffusion de la parole de l’Eglise catholique dans le monde par l’intermédiaire du pape s’appuie sur les réseaux médiatiques mondiaux. L’utilisation des réseaux de communications modernes par la diplomatie vaticane remonte à la première moitié du XX° siècle quand, sous l’impulsion du pape Pie XI, est inauguré le 12 février 1931 la Radio du Vatican. Dans les années 2000, la radio diffuse des programmes en quarante langues.

Aujourd’hui, la forte couverture médiatique qui entoure chaque déclaration et voyage du souverain pontife, fait partie intégrante de la stratégie diplomatique du Vatican et peut contribuer à l’élaboration de l’agenda médiatique mondial ; à orienter, voire à imposer des thèmes, repris par les médias nationaux dans d’innombrables pays et par là même, toucher plusieurs millions d’individus à travers le monde.

En 2012, Benoît XVI devenait le premier pape de l’histoire à ouvrir un compte Twitter. Le Pape François, en a fait un véritable outil de communication. Chaque jour les messages postés en direction de ses 30 millions d’abonnés, ont fait de lui le chef d’Etat le plus suivi au monde. Dans ce sillage, le magazine Forbes en 2016 donnait le pape François cinquième du classement des personnalités les plus puissantes du monde alors même qu’il est à la tête du plus petit Etat au monde, dénué même d’armée propre.

...