Le tournant anthropologique
Thèse : Le tournant anthropologique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Maxime Giegas • 19 Juin 2017 • Thèse • 1 829 Mots (8 Pages) • 660 Vues
Le module que j’ai présenté au cours du séminaire porte sur la controverse autour du tournant interprétatif en anthropologie. Le modèle qui a retenu mon attention est celui de James Clifford. Son modèle rhétorique apparait dans un contexte d’éclatement des cadres de la recherche ethnographique. Il y a, à ce moment, un bouillonnement des cultures féministe et ethniciste, des Cultural Studies et des Media Studies. L’une des caractéristiques de son étude est de s’intéresser à l’aspect pratique de l’anthropologie : celui du terrain lui-même et de la pragmatique des interactions qui y ont lieu. En effet, le travail de terrain consiste aussi en des méthodes d’observation du chercheur, des théories et techniques sur lesquels il s’appuie pour observer, enregistrer et décrire ce avec quoi il interagit. Nous avons également vu dans notre module qu’il s’attardait sur le travail de recueillement de l’information proprement dit, et sur une articulation entre poétique et politique qui serait au cœur de l’anthropologie. D’autre part, Clifford attribue à l’anthropologie un rôle de légitimation de la colonisation. Son courant nous dit que l’on ne peut désormais plus parler de la rhétorique de la science sans prendre en compte ses usages pratiques et ses conséquences politiques.
C’est à ces aspects pratique et politique de l’anthropologie que je souhaite m’intéresser. Plus spécifiquement, que nous a légué l’approche anthropologique de la période coloniale, nettement évolutionniste ? Comment appréhender les travaux produits durant cette époque, et comment se distancer d’une telle approche ? J’aimerais ici, de manière non exhaustive bien sûr, appréhender de nouvelles alternatives qui naissent en anthropologie.
Avant de lire différents textes et documents à ce sujet, mes impressions étaient que subtilement, nous gardons un héritage colonial dont il est difficile de se départir, et des relations déséquilibrées entre anthropologues et « indigènes ». Je trouve intéressant l’insistance de James Clifford sur l’aspect politique de l’anthropologie. A l’inverse du modèle déductif-nomologique, je pense qu’il apparait quasiment impossible de produire des informations objectivables ; le contexte est à prendre en compte pour comprendre les différentes influences et biais qui y ont mené.
Pour commencer, j’aimerais introduire l’avis tranché d’un anthropologue colombien, Luis Guillermo Vasco, pour qui le caractère du savoir-faire anthropologique traditionnel est marqué par son objectif colonialiste. Il revendique un changement dans les pratiques, et notamment dans le travail de terrain lui-même. Il prône ce qu’il appelle une anti-anthropologie – une critique à l’anthropologie, et la mise en œuvre d’alternatives qui se feraient au service des indigènes. Une anthropologie participative qui, au lieu d’être un instrument qui les domine, les aiderait dans leurs luttes.
Luis Guillermo Vasco s’est intéressé à l’opinion des indigènes sur le travail anthropologique, ce qui permet d’illustrer le fait que les méthodes d’observation et de recueillement d’informations fournissent dans de nombreux cas des informations biaisées, qui ont peu de valeur. L’un des problèmes exprimés par les indigènes est « qu’ils partent, et après nous ne savons pas ce qu’ils ont fait des résultats de la recherche ». Il y a une très grande méfiance à l’égard des anthropologues, et les indigènes préfèrent donc cacher certaines informations et donner celles qui ne leur portent pas préjudice. Les indigènes expliquent même que la personne préposée à parler à l’anthropologue va en fait inventer des histoires qu’il aura préparées à l’avance. Vasco met aussi en lumière le fait que la vérité est celle énoncée par l’anthropologue, même s’il tire ses informations des indigènes. Il se positionne contre ce rapport de pouvoir. La solution, pour lui, est de les intégrer dans le processus d’écriture, dans une relation plus égalitaire. Il donne l’exemple d’une rédaction en espagnol qui n’est pas correcte, mais fait bien transparaître les idées de la langue de Guambia. Dans son livre se trouve une multitude de mots en guambiano qui ne sont ni traduits, ni répertoriés dans un glossaire. Chez eux, les mots ont un sens vaste, polysémique, et les traduire reviendrait à les enfermer. On se rapproche ici de la thèse de la relativité linguistique.
Il me semble que même si les réflexions de Luis Guillermo Vasco sont assez catégoriques et rejettent totalement le modèle de l’anthropologie classique, elles se révèlent intéressantes et peuvent apporter des éclairages nouveaux sur la discipline. Cela nous montre les divers problèmes qui peuvent surgir lors du travail de terrain, et que les informations obtenues ne sont pas toujours fidèles à la réalité. Sa vision de l’anthropologie peut trouver sa place, à mon sens, dans une perspective plutôt postmoderne.
A présent, j’aimerais amener un texte qui, lui aussi, apporte des éléments de réponse quant à des nouvelles pratiques de l’anthropologie qui peu à peu, cherchent à se distinguer de la période coloniale. L’auteure, Jessica De Largy Healy, défend ce qu’elle appelle une « anthropologie de la restitution », et se base sur des changements qui s’opèrent en Australie, par rapport aux études sur les Aborigènes.
Ces changements consistent tout d’abord en des projets de restitution de données ethnographiques aux communautés dont elles ont été tirées.
Un facteur important de ces changements serait l’accès accru aux technologies de l’information et de la communication, jusque dans des régions très reculées d’Australie. Cela a mené à la création d’organisations appelées Centre des Savoirs Indigènes. On voit que cette mise en archive de matériaux ethnographique permet aux Aborigènes de renouer avec des objets de leur patrimoine culturel et historique (objets matériels, enregistrements sonores, films, photographies…).
L’auteure s’attarde sur la pratique de la collecte, activité centrale de l’ethnologie qui divise, et la remet au cœur d’un débat éthique. Le développement multimédia permettrait un meilleur accès à ces matériaux, notamment pour les communautés sources. En Australie, les institutions publiques soutiennent ce mouvement de restitution des données aborigènes sous
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