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La redistribution hiérarchique des puissances lors de la mondialisation

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Par   •  20 Mars 2016  •  Fiche  •  6 708 Mots (27 Pages)  •  1 264 Vues

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La redistribution hiérarchique des puissances

Introduction

Encouragé par les gouvernements occidentaux des 80’s, le processus de mondialisation a dans un premier temps favorisé les pôles traditionnels d’impulsion économique. Mais la logique de marché étant par nature expansive, le mouvement s’est diffusé et a permis l’émergence de nouveaux pôles, bénéficiant d’abord des transferts industriels, puis, pour certains, s’autonomisant et captant des fonctions de plus en plus complètes. On parle dès la fin du XXe siècle de pays émergents pour définir ceux dont l’insertion dans la mondialisation entraîne une croissance forte et continue. La vigueur de la croissance de ces pays émergents et l’atonie de celle des pays occidentaux amènent dans la première décennie du XXIe siècle à s’interroger sur un glissement des centres de gravité. Cette bascule dessine aussi deux phases clairement distinctes du processus de mondialisation. Dans la première, les puissances dominant l’économie mondiale de la seconde moitié du XXe siècle confortent leur position. Dans la seconde, avec le nouveau siècle, la Chine conduit un large mouvement de rattrapage que la crise de 2008 rend plus spectaculaire encore.

I Une première phase de consolidation des pôles d’impulsion

  1. Un oligopole dominant à la fin du XXe siècle

  1. Un nouveau modèle dominant à la fin du XXe siècle
  • En 1985, l’ouvrage de Kenichi Ohmae (stratège pour le cabinet Mac Kinsey), Triad Power : The Coming Shape of Global Competition, popularise l’idée d’une polarisation extrême de la puissance autour de 3 centres dominants dont leurs économies convergent et sont réunies par les mêmes valeurs libérales et démocratiques : l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et le Japon.
  • Le concept de Triade a le mérite d’offrir à l’heure de la globalisation naissante, un horizon rassurant. La notion de Triade, associant les USA à leurs rivaux européens et japonais, qui ne cessent depuis les 90’s de leur prendre des parts de marché, permet de réactualiser l’idée d’Occident. En 1995, la population cumulée des 3 pôles ne pèse que 14% de la population mondiale mais génère plus de la moitié de la richesse mondiale et près de 72% de l’industrie.
  1. Des périphéries dynamiques

L’extension du modèle libéral permet d’associer des franges de plus en plus intégrées. 

  • Le Japon s’étend en cercles concentriques, qui reprennent son modèle de croissance en vol d’oies sauvages : les espaces qu’il intègre depuis les 60’s s’industrialisent et connaissent à leur tour une forte croissance.
  • La chute du communisme ouvre au libéralisme les espaces de l’Europe centrale et orientale, tandis que la Russie, entrée dans une transition douloureuse dans les 90’s, offre des perspectives encore virtuelles.
  • L’Alena permet aux USA de consolider leur environnement régional depuis qu’ils songent à une Zone de libre-échange de l’Amérique (ZLEA) englobant tout le continent mais finalement refusée par le Brésil en 2005.

Vol d’oies sauvages : modèle de développement industriel théorisé en 1937 par Kaname Akamatsu, puis par Shinohara en 1982. Une 1ère phase de duplication d’un produit techniquement simple, précédemment importé, ouvre sur son exportation. Dans un second temps, le produit est abandonné à d’autres espaces de production, tandis que l’appareil industriel qu’il a contribué à initier se tourne vers des productions à plus forte VA. Les courbes de production des différentes étapes dessinent ainsi des V inversés se superposant.

  1. Des faiblesses institutionnelles

Les trois pôles de la Triade sont censés dominer le monde par leurs intérêts convergents mais aucun lieu de pouvoir ne les regroupe concrètement. 

  • Le G5, devenu G7 en 1976, les réunit certes, mais il s’agit d’un forum de discussion bien plus qu’un cadre de direction.
  • Dans les institutions multilatérales, ils jouent les premiers rôles, mais sans défendre des positions communes, comme l’illustrent les fréquentes disputes sur les questions monétaires.
  • C’est l’existence de cercles de réflexion, comme la Trilatérale, fondée en 1973 par David Rockefeller, ou la Société du Mont-Pèlerin, qui répand les idées néolibérales, qui incarneraient ce pouvoir.
  • Les rencontres de Davos focalisent aussi dans les 90’s les critiques des antimondialistes, qui y voient un pouvoir occulte à l’œuvre dans un remodelage néolibéral du monde.

Mais aucune de ces institutions n’est pilotée par les pays de la Triade, et elles s’appliquent bien plus à répandre les règles du libéralisme à l’échelle de la planète qu’à consolider 3 pôles dominants.

  1. Les instruments de la domination

  1. Les entreprises
  • Les firmes transnationales qui s’imposent comme des acteurs majeurs de l’ouverture économique sont quasi exclusivement issues de la Triade dans cette 1ère phase de la mondialisation. 
  • Au milieu des 90’s, 33% des 500 premières entreprises sont américaines, 33% sont issues de l’UE et 25% japonaises.
  • L’ensemble des firmes transnationales assurent les 2/3 des échanges mondiaux et génèrent 1/5 du PIB total. 
  • Pour faire face aux dépenses de plus en plus lourdes de R&D, elles s’associent fréquemment sur des projets communs, dans une logique de compétition coopérative qui favorise leur entente pour se partager les marchés.
  • Selon Ohmae, le succès pour une entreprise passe par une très forte position dans une des 3 pôles, complétée par des implantations opportunistes dans les deux autres.
  1. Le commerce
  • Héritant des structures anciennes, les pays occidentaux dominent largement les échanges à la fin du XXe siècle. Les 3 pôles de la Triade accaparent l’essentiel du commerce mondial depuis 1948, leur part ne passant jamais en dessous de 62%, culminant au début des 90’s à 72%, avant de décliner. 
  • Les intégrations régionales, institutionnelles dans le cadre européen, par les entreprises en Asie, valorisent d’abord les échanges intrarégionaux (les 2/3 du commerce européen par exemple).
  • Les échanges restent alors fortement polarisés, l’Europe pèse pour 43% des échanges en 2005, même si en Asie la croissance se diffuse sur l’ensemble du littoral et conforte, dans la première décennie du XXIe siècle, la montée du continent.
  • Chacun des pôles de la Triade a pour premiers partenaires les deux autres membres du groupe. Le phénomène s’autoentretient, les croissances européenne et japonaise relayant dans les 80’s les difficultés américaines, les USA à l’inverse, dans leur longue phase de croissance des 90’s, donnant l’impulsion tandis que le Japon s’enfonce dans la déflation.
  1. La finance
  • Le consensus de Washington (défini par J. Williamson et correspondant à l’application des normes néolibérales qui sont conseillées par les institutions siégeant à Washington (FMI, Banque mondiale, Trésor américain) : dérégulation, désengagement de l’Etat, libre-circulation des capitaux) est alors un des signes les plus visibles de la domination du Nord sur l’économie globalisée.
  • L’ouverture aux capitaux renforce le poids des places financières traditionnelles qui gèrent à leur profit les dettes du Sud, rendues liquides par les plans Baker et Brady. Les plans d’ajustement structurel sont autant de perte de souveraineté pour les pays concernés (Mexique, Philippines), tenus de se plier à une logique économique voulue au Nord. Les dettes s’échangent sur les places de la Triade, qui contrôle 95% de ce marché à la fin du siècle.
  • Les flux boursiers sont fortement polarisés, encore à la fin du XXe siècle, par les places américaines, européennes et japonaises qui concentrent 92% de la capitalisation de la planète et fonctionnent en continu.
  1. La domination technologique
  • Les efforts de R&D restent, à la fin du XXe siècle, l’apanage des pays du Nord, qui dominent aussi les dépenses d’éducation : 85% de la dépense mondiale en émane aussi au début du XXIe siècle.
  • Par leur force de séduction, les universités américaines attirent les meilleurs esprits, et le classement publié par l’université de Shanghai souligne cette écrasante domination : la 1ère recension, en 2003, ne donne que deux universités non triadiques dans les 100 premières (et elles sont australiennes, 42e et 92e).
  • Les efforts constants du Japon dans la recherche, les retombées technologiques des dépenses militaires des USA et le réseau universitaire européen leur confèrent une marge technologique importante face à leurs rivaux.
  • En 2013 encore, l’Inde ou la Chine comptent davantage sur l’exportation d’étudiants vers les pays du Nord (dont la Corée du Sud) que sur leurs propres universités pour former les élites du pays.

II La diffusion des logiques mondialisées d’organisation des espaces

  1. La nouvelle division internationale du travail (DIT)

  1. Le transfert industriel
  • La part accrue dans les échanges des biens intermédiaires (plus de la moitié depuis le début du XXIe siècle) signale clairement que la DIT a pris la forme d’une fragmentation géographique dans laquelle les entreprises externalisent une part de leurs activités pour mieux exploiter les économies d’échelle. Elles conservent, du moins dans un premier temps, les activités considérées comme les plus stratégiques (finances, marketing, recherche) et se délestent de la part la moins valorisée de la chaîne de valeur : la production matérielle.
  • Dans les 90’s, Alcatel veut ainsi tendre vers un modèle d’entreprise industrielle sans usine (fabless enterprise).
  • Les façades littorales de l’Asie de l’Est sont les grandes gagnantes de cette logique, les ZES articulées à des ports performants captant les nouvelles usines grâce à leurs avantages comparatifs (fiscalité avantageuse, main d’œuvre abondante et bon marché).
  1. Les nouvelles classes moyennes
  • Le développement industriel sort de la pauvreté des populations que leur consommation fait entrer dans les classes moyennes. Ce passage est décisif en termes de demandes politiques, sociales et économiques.
  • Ces groupes sociaux privilégient les efforts d’éducation, dans lesquels ils sont partout prêts à investir une part considérable de leur épargne (Chine).
  • Ils sont évidemment les acteurs décisifs des transformations politiques (révolutions arabes).
  • Ils participent à l’intensification technologique de leurs économies.
  • En amont comme en aval, ils sont au cœur de la redistribution des richesses, par les rentrées fiscales nouvelles qu’ils génèrent et par leur consommation accrue. Celle-ci les définit quantitativement : on considère que le seuil d’entrée dans la classe moyenne correspond au moment où les dépenses non contraintes (dépenses qui peuvent être retardées et non indispensables, contrairement aux dépenses contraintes, incompressibles, qui concernent les besoin de base : santé, logement, énergie, nourriture) d’un ménage dépassent le 1/3 de sa consommation.
  • Au Brésil, les classes moyennes sont passées d’un 1/3 de la population en 2005 à 54% en 2013. Et leur croissance devrait s’intensifier et caractériser, selon l’OCDE, la première moitié du XXIe siècle. De 2 milliards en 2000, elles devraient passer à 5 en 2030, sur une population totale de 8 milliards d’humains. Les pays riches d’aujourd’hui ne représenteront plus alors que 20% de ces classes moyennes, contre plus de la moitié en 2013.
  • Le rééquilibrage est spectaculaire, mais l’OCDE estime que les différences de niveau de vie ne se combleront que lentement. Si d’ici 2060 elle prévoit une multiplication par 7 des PIB/hab en Chine et en Inde, ceux-ci resteront inférieurs à celui des USA : en Chine, il atteindra 60% de ce dernier (contre 16% en 2012), 24% en Inde (contre 7% aujourd’hui). Les émergents basculent dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires, mais ils sont loin d’atteindre celle des revenus supérieurs.
  1. Les services : délocalisations et résistances

L’accumulation de l’épargne au Sud attire les entreprises de services, encore largement issues du Nord, tandis que la montée de classes moyennes de plus en plus éduquées dans le monde émergent le positionne à son tour comme producteur de services. 

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