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Droit romain et droit canonique

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Par   •  29 Mars 2013  •  2 335 Mots (10 Pages)  •  2 234 Vues

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La renaissance du droit romain à travers l'étude des compilations justiniennes par l'école de Bologne au XIIe siècle va de pair avec l'évolution du droit ecclésiastique, le droit canon (Décret de Gratien de 1140). La réinterprétation du droit romain par Bartole, jurisconsulte, donne aux Cités italiennes les concepts nécessaires pour affirmer leur liberté face à l'Empereur. Au service de l'affirmation du pouvoir, les droits savants, droit romain et canonique, se nourrissent mutuellement. Plus encore que leur redécouverte et leur étude, c'est donc l'exercice en politique de ces droits qui constitue un enjeu important. Le terme « exercice » invite à s'interroger sur les fondements, les modalités et les conséquences de l'application de droits anciens dans un contexte « nouveau », celui du bas moyen âge. Etudiés dans les universités européennes et faisant l'objet d'une analyse scientifique, l'exercice des droits savants signifie leur mise en pratique par l'activité législative, par leur défense à travers des institutions judiciaires et par leur instrumentalisation en politique. Englobant l'ensemble des affaires publiques, l'expression « politique » se réfère à l'art et à la pratique du gouvernement d'une population ainsi qu'à la façon de gérer les rapports de cette population avec d'autres ensembles gouvernés. L'exercice des droits savants est un enjeu politique considérable sur le plan européen, où le pouvoir pontifical, royal et impérial s'affrontent. L'importance du pouvoir de légiférer est reconnu par le pape et l'Empereur qui s'opposent dans le conflit sur l'Imperium mundi. Depuis les dictatus papae de Grégoire VII (1075), le pape revendique, à l'instar des empereurs de Rome, une autorité normative exclusive. L'essor de la législation pontificale est accéléré par les Décrets de Gratien et les Décrétales de Grégoire IX (1234). Le droit romain se trouve à la base de la législation impériale qui connaît son éclat sous Frédéric Ier Barberousse, qui promulgue des constitutions à la Diète de Roncaglia en 1158. La présence des « quatre docteurs bolonais » montre l'influence importante des Romanistes qui, en invoquant Justinien, affirment le droit de l'Empereur de légiférer. Il est lex animata, la loi vivante comme l'Empereur romain à son époque. Tout en tenant compte des autres puissances européennes, le cas français sera toutefois l'exemple privilégié pour montrer l'impact de l'application des droits savants par le pouvoir politique dans le domaine politique.

Confronté aux aspirations universalistes de l'Empereur et aux prétentions du pouvoir spirituel, le roi français est celui qui voit l'enjeu le plus important dans l'exercice des droits savants. S'ajoute à cela la nécessité pour le roi de s'imposer à l'intérieur de son royaume, marqué par le système féodal et un droit coutumier ancré au niveau local. La diffusion des droits savants et la renaissance intellectuelle du XIIe siècle vont de pair avec une restauration du pouvoir royal. Dans la période qui s'étend du règne de Phillippe-Auguste au début du XIIIe siècle jusqu'à l'émergence de théories « absolutistes » de la souveraineté à la fin du XVIe siècle, ce pouvoir s'affirme difficilement contre les résistances internes et externes au royaume.

Comment l'exercice des droits savants permet-il l'affirmation et la consolidation du pouvoir politique, avant tout celui du roi de France, face aux résistances intérieures et extérieures ?

L'appui des droits savants est décisif quant à la légitimation de l'autorité normative du roi et lui donne les moyens d'affirmer sa puissance à l'intérieur du royaume (I). Après de longues querelles, l'exercice des droits savants permet au pouvoir royal de s'émanciper du souverain pontife. Les ordonnances royales contribuent parallèlement à l'unification et la réformation de l'Etat. (II)

I) Appuyé par la doctrine, l'exercice des droits savants renforce la souveraineté du roi

A) La « loi du roi » légitimée et limitée par l'appui de la doctrine savante

L'exercice des droits savants en politique se fait avec l'appui des doctrines. Théologiens, Canonistes et Romanistes justifient les prétentions royales en matière de législation, notamment sur la base de la décrétale Per venerabilem d'Innocent III qui proclame que « le roi ne se reconnaît pas de supérieur au temporel ». Bien que détachée de son contexte originel, cette phrase confirme néanmoins l'indépendance du roi Phillippe-Auguste (1180-1223) vis-à-vis d'autres princes et particulièrement de l'empereur germanique. Pour l'Empereur, il s'agit de s'affirmer face au pouvoir pontifical. Ainsi le Liber Augustalis, un vaste corpus de législation antérieure est promulgué en 1231 à Melfi par l'empereur Frédéric II malgré l'opposition ferme du pape Grégoire IX.

Si la contribution des Romanistes à l'édification de l'autorité normative du roi est importante, le droit romain fixe également l'objectif principal des lois du roi : le bien commun (bonum comune). Cette notion de droit romain est selon Saint Thomas d'Aquin la « cause finale » de la cité et donc le seul objectif légitime du gouvernement. Ainsi, l'exercice des droits savants en politique se fait sur des fondements et selon des objectifs directement issus de la doctrine romaniste et canoniste. Bien que les légistes dans l'entourage de rois comme Philippe le Bel aient mis l'accent sur les aspects « absolutistes » du droit romain, il existe des limites importantes au pouvoir normatif du prince. Le Digeste qui contient la maxime Quod principi placuit legis habet vigorem précise en même temps que c'est le peuple romain qui a transféré son pouvoir au Prince (D. 1,4,1). La principale limite à l'absolutisme législatif du roi est de nature morale et religieuse. Dans la querelle qui oppose juristes et théologiens dans l'entourage du roi, Gilles de Rome (De regime Principum) qualifie d' « idiots politiques » « ceux qui savent les lois et le droit ». L'entrée des juristes dans les organes de gouvernement soulève des commentaires véhéments dénonçant le « fétichisme » des juristes pour le Code Justinien et leur foi en l'immutabilité des lois romaines. Un reproche similaire est fait aux canonistes, accusés de « vénérer leurs épîtres décrétales comme les saintes escriptures

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