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L’obligation de quitter le territoire français, ou le résultat d’une tragique quête de l’El Dorado européen

Étude de cas : L’obligation de quitter le territoire français, ou le résultat d’une tragique quête de l’El Dorado européen. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  18 Février 2024  •  Étude de cas  •  2 863 Mots (12 Pages)  •  208 Vues

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L’obligation de quitter le territoire français, ou le résultat d’une tragique quête de l’El Dorado européen.

Une présidente d’audience bienveillante, mais exaspérée. Des étrangers épuisés, sales, maigres, brisés. Une confrontation sans issue. Voilà le tableau qui s’est ouvert à mes yeux lorsque j’ai assisté pour la première fois à une matinée d’audiences consacrée à des recours contre des obligations de quitter le territoire français (OQTF) à la cour d’appel de Lyon.

« Les OQTF sont indispensables ! Elles permettent d’éloigner de notre territoire national les délinquants et criminels étrangers avant que ceux-ci ne récidivent en France ! Une plus grande application des OQTF permettrait d’éviter des drames comme la mort de la petite Lola ! »

Il n’est pas rare d’entendre ce discours, lié à des préoccupations sécuritaires relatives à la question migratoire.

Toutefois, nous n’allons pas nous poser l’impossible question de savoir si une OQTF exécutée aurait permis de sauver Lola. De plus, nous refusons de considérer la question de la responsabilité des étrangers dans certaines des difficultés que connaît la France, et, à la manière d’Arnaud Philippe et Jérôme Valette, nous préférons soutenir que l'immigration n’aggrave pas la délinquance mais plutôt que les atteintes aux biens sont la conséquence de la précarité économique et de l'exclusion du marché du travail .

Aussi, nous souhaitons seulement faire un peu de lumière, avec humanité, sur une mesure administrative souvent politisée et polémique, en partageant ce que nous avons pu voir du revers de sa médaille.

Nous avons conscience que notre approche ne pourra être exhaustive, et là n’est d’ailleurs pas notre démarche, car nous voulons faire part de ce que nous avons pu directement observer, et de ce que l’intérêt que nous portons à ce sujet épineux et pour l’instant apparemment sans solution, nous a poussé à apprendre.

Présentons notre objet.

Nom : Obligation de quitter le territoire français

Délivrée par : Préfecture

Adressée à : personne non-française, non-ressortissante d’un pays de l’Union européenne.

Motif : interpellation, situation irrégulière ou refus d’un titre de séjour.

Conséquences : la personne visée par une OQTF ne peut bénéficier d’un logement social, est inscrite au registre des personnes recherchées et se voit assigner à résidence, ou si cela est impossible ou si elle est susceptible de représenter un trouble à l’ordre public, est détenue en Centre de rétention administrative (CRA) pour une durée allant jusqu’à 90 jours, en vue de son éloignement.

Avec cela en tête, nous pouvons effectivement nous rendre compte que l’OQTF est une mesure d’éloignement qui corrige la différence entre les objectifs de la politique migratoire en vigueur et la perméabilité effective des frontières. Il s’agit donc d’un dispositif qui met fin à la situation fausse, soit de délinquants étrangers sur notre sol, soit d’étrangers dont on ne souhaite pas l’immigration, ce qui est in fine, le droit d’un État souverain ; l’OQTF poursuit donc un but légitime.

Mais ces OQTF sont-elles vraiment utiles ?

Le taux réel d’exécution des OQTF est de moins de 10%.

Il s’élevait selon la Commission des lois à seulement 6,9% en 2022 . Leur exécution est si rare, premièrement, car les OQTF, comme nous avons pu le dire précédemment, sont des mesures administratives prises par la préfecture, soit en l’absence de l’intéressé, qui en est par la suite notifié : aussi, l’on est loin de la scène que beaucoup imaginent, où l’OQTF est prononcée durant une sorte d’audience et l’intéressé repart « entre deux policiers ». Deuxièmement, dans de nombreux cas, un laisser-passer consulaire est nécessaire à l’éloignement de l’étranger visé (s’il n’a pas de passeport), tandis que le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, le Mali, la Guinée ou encore la Côte d'Ivoire refusent de les délivrer dans une grande partie des cas : soit parce qu’il est impossible aux autorités consulaires de s’assurer qu’un individu à éloigner est réellement ressortissant de leur pays, soit pour des raisons géopolitiques ; quand bien même les autorités consulaires de ces pays délivrent des laisser-passer, cela est souvent dans un délai ne permettant plus à l’administration française l’éloignement de la personne visée par l’OQTF. Enfin, le fait que dans une minorité des cas des recours soient entrepris contre les OQTF (12% environ en 2021), que les personnes mariées depuis plus de trois ans à un Français ne puissent être éloignées , ou que les effectifs de la police ne permettent pas matériellement d’aller chercher manu militari chaque individu sous le coup d’une OQTF, finissent d’expliquer ce faible taux d’exécution de la mesure.

Les OQTF engagent par ailleurs un coût substantiel pour l’État, et donc le contribuable. De plus, elles congestionnent les justices administratives et judiciaire (certains cas peuvent être portés devant le juge judiciaire pour une annulation d’éloignement sur décision judiciaire) et le placement en CRA qui peut leur être conséquent engage à son tour un coût important. Selon la Cour des comptes, « le coût total de la rétention en CRA en métropole, hors dépenses d'interpellation, d'éloignement et de justice, s'élève en 2008 à environ 190,5 millions d'euros, soit 5 550 euros par retenu ».

Nous pouvons noter que, toujours selon la Cour des Comptes, quasiment 60% des retenus en CRA n’étant pas éloignés, cet argent est souvent dépensé en vain.

Si bien nous avons vu que l’OQTF porte en elle un but légitime, bien qu’elle ne soit effectivement exécutée moins d’une fois sur dix, demandons-nous désormais quelle est la réalité de ceux qu’elle vise ? Quel processus cette OQTF vient-elle clore ou ouvrir ? À qui les OQTF s’adressent-elles réellement ?

En propos liminaire à la suite de notre développement, nous souhaitons humblement reconnaître que nous avons conscience du fait que le profil que nous allons procéder à décrire sous peu ne saurait être représentatif de la totalité des personnes sous le coup d’OQTF. Toutefois, telle est la réalité que nous avons pu entrevoir, et c’est celle que

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