Polybe, Histoires

« C’est ainsi qu’ils ont institué la constitution la plus belle que nous connaissions. »

La République romaine est une longue période de la Rome antique s’étendant de -509 jusqu’à -27. Elle débute par le renversement de Tarquin le Superbe, septième roi de Rome qui règne sans partage et dans la terreur depuis plus de vingt-cinq ans, par l’aristocratie patricienne menée notamment par le neveu du monarque, Lucius Junius Brutus.

        Après la chute du roi, la République romaine se met en place. Elle redonne une place au Sénat qui nomme désormais deux consuls à la tête de l’exécutif. Des règles encadrent le mandat de ces consuls, notamment le droit de veto sur les décisions de l’autre consul et un mandat limité dans le temps afin de ne pas revoir s’instaurer une tyrannie.

        Polybe est un militaire grec qui a été fait prisonnier durant la période d’extension de Rome de l’autre côté de la mer Adriatique. Issu d’une bonne famille, son éducation lui permet de bénéficier d’un statut particulier. Il peut ainsi s’intéresser à la République romaine naissante. A la fin de sa vie, il raconte dans Histoires, la jeunesse de cette République et son organisation qu’il a vu se mettre en place.  Sur les quarante livres d’Histoires qu’il a écrit, seuls cinq sont parvenus entièrement jusqu’à notre époque. Le livre VI qui nous intéresse ici n’est que partiel.

        Dans le livre VI, Polybe explique que les régimes politiques suivent un cycle quasi-systématique : la royauté se transforme en tyrannie, ce qui amène à la prise du pouvoir par l’aristocratie. Pour autant, Polybe ne parvient pas à déterminer face à quel type de régime politique il se trouve.

        Dans ces conditions, qu’y a-t-il dans la Constitution romaine qui permettent qu’on ne sache pas quel régime elle met en place ?

        Si la Constitution repose sur une séparation assez claire des pouvoirs de chacun (I), elle met également en place des mesures pour que chaque pouvoir puisse contrôler les autres (II).

I. De la division des pouvoirs

        La Constitution romaine, telle qu’expliquée par Polybe, est le fruit de nombreuses années de conflits (A) et vient limiter les risques de retomber dans les écueils du passé (B).

A. Une Constitution façonnée par le temps

La Constitution romaine, qui a façonné le gouvernement de la République romaine, n'était pas le fruit d'une planification théorique ou d'une conception rationnelle. Elle est plutôt le résultat d'une évolution pragmatique de la société romaine. Elle a évolué en réaction à « longue suite de combats et de vicissitudes ».

L'un des exemples les plus frappants de cette évolution pragmatique a été la création de la dictature romaine en période de crise. La dictature était un pouvoir exceptionnellement concentré qui était temporairement conféré à un individu (le dictateur) pour faire face à des menaces graves, ce qui contraste fortement avec le modèle républicain de partage du pouvoir. Cette évolution a été une réponse aux besoins immédiats de défense et de stabilité de Rome.

Une autre illustration de l'évolution de la Constitution romaine réside dans les réformes constitutionnelles majeures, telles que les réformes des Gracques qui ont apporté des changements significatifs à la structure du gouvernement et à la répartition des pouvoirs.

En outre, l'expansion de Rome a eu un impact sur la manière dont la Constitution a évolué. L'intégration de territoires conquis et de nouvelles populations a nécessité des ajustements dans la gouvernance.

Dans l'ensemble, la Constitution romaine a évolué de manière organique, sans un plan d'ensemble préétabli. Elle s'est adaptée aux réalités changeantes auxquelles la République était confrontée. Cette évolution continue a conduit à une constitution avec des caractéristiques ambigües, mêlant des éléments de monarchie, d'aristocratie et de démocratie, ce qui a contribué à la stabilité et à la longévité de la République romaine pendant de nombreux siècles.

B. Des pouvoirs qui s’équilibrent

L'une des caractéristiques les plus marquantes de la Constitution romaine était son équilibre des pouvoirs. Contrairement aux autres systèmes politiques que Rome avait connus jusque-là, où un pouvoir centralisé prédominait, Rome a réussi à maintenir une structure où les trois principaux pouvoirs (monarchique, aristocratique et démocratique) coexistaient. Cet équilibre était essentiel pour prévenir l'abus de pouvoir et garantir la stabilité à long terme de la République romaine.

Les consuls, bien qu'ils puissent sembler détenir un pouvoir absolu lorsqu'ils étaient à la tête de l'armée, étaient en réalité soumis à des limites. Leur autorité était temporaire et soumise à des contrôles tels que la collégialité et la nécessité d'obtenir l'approbation du Sénat et du peuple pour certaines actions majeures, comme déclarer la guerre. Cela a empêché l'émergence d'une monarchie pure.

Le Sénat, en tant qu'organe aristocratique, avait un rôle important dans la prise de décisions. Cependant, il était composé de membres élus parmi les aristocrates et les anciens magistrats, et ses décisions nécessitaient souvent l'approbation du peuple pour être pleinement effectives. Cela limitait l'autonomie du Sénat et empêchait le glissement vers une aristocratie stricte.

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