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Fiche de lecture Du droit de Dieu au droit de l'homme

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Par   •  1 Septembre 2024  •  Fiche de lecture  •  2 544 Mots (11 Pages)  •  106 Vues

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Bertrand LOUBATIÉ – Droits de l’homme et religions

Droits de l’homme et religions – Fiche de lecture

Du droit de Dieu au droit de l’homme, Marie-France RENOUX-ZAGAMÉ

Dans une homélie prononcée en septembre 2023 à Marseille, le pape François soutenait la présence cachée et imprévisible d’un Dieu dans nos sociétés sécularisées, tout en dénonçant l’avortement comme un « rejet de la vie ». Ce discours est révélateur d’un rapport transcendant à la religion présenté comme une source du droit positif, alors que la France a inscrit dans sa constitution la liberté pour la femme de recourir à l’interruption volontaire grossesse au terme d’un processus laïc ne reposant que sur la volonté du peuple exprimée par ses représentants.

Cette conception religieuse est au cœur du processus de laïcisation du droit et de l’État français à la période moderne que présente Marie-France Renoux-Zagamé dans une monographie d’histoire du droit intitulée Du droit de Dieu au droit de l’homme, publiée en avril 2003 aux éditions Presses universitaires de France, collection Léviathan. Marie-France Renoux Zagamé est professeure émérite d’histoire du droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ses travaux portent sur l’histoire de la pensée juridique à l’époque moderne et sur les origines religieuses du droit. Du droit de Dieu au droit de l’homme explique le paradoxe par lequel la pensée juridique française, en affirmant une intervention directe de Dieu dans le droit et dans l’État, a créé les conditions de leur laïcisation. Dans une première partie portant sur le droit, l’auteure confronte le modèle traditionnel d’une loi en quête d’exprimer la volonté d’un Dieu caché avec la conception moderne introduite par Jean Domat d’un ensemble de lois élevées au même rang que la loi divine. Dans une deuxième partie, l’auteure applique le même raisonnement à l’État pour montrer le passage d’un État chrétien, qui fait de la conscience des juges et de l’ordre judiciaire des outils de mise en œuvre de la volonté de Dieu, à un État de droit divin où cette volonté est directement incarnée par un roi élevé au rang d’élu de Dieu. Marie-France Renoux-Zagamé soutient que ce resserrement des liens du droit et de l’État avec la volonté divine les a conduits à absorber cette volonté pour perdre leur finalité religieuse.

Il semble que cette analyse constitue une application au droit d’une question plus générale, posée en épistémologie et en philosophie de la religion, des méthodes permettant aux hommes de connaître la volonté de Dieu. En présentant le modèle traditionnel du droit et l’État chrétien d’une part, puis l’évolution du droit proposée par Domat et l’État de droit divin d’autre part, Marie-France Renoux-Zagamé oppose une conception transcendante (considérer que Dieu dépasse l’homme et que la loi et le pouvoir politique doivent rechercher sa volonté cachée) avec une conception immanente de la religion (soutenir que Dieu se situe sur un même plan ontologique que l’homme et que sa volonté s’inscrit directement dans la loi et dans l’État).

Pour appréhender cette question, il s’agira de présenter la thèse défendue dans Du droit de Dieu au droit de l’homme en proposant un autre ordre que celui retenu par l’auteure et qui repose, non pas sur la subdivision entre le droit et l'État, mais sur la distinction sous-tendue par l’ouvrage entre une conception classique transcendante (I) et une conception moderne immanente des rapports du droit et de l’État à la religion (II). L’enjeu sera d’appréhender les conséquences de cette distinction pour le droit et en particulier pour les droits de l’homme.

  1. La conception prémoderne transcendante, un Dieu visé par le droit et par l’État

Dans le Titre I de la Première partie et le Titre I de la Deuxième partie, Du droit de l’homme au droit de Dieu présente la conception traditionnelle d’un droit et d’un État qui, poursuivant une finalité religieuse (A), recherchent la volonté d’un Dieu caché (B). Ce modèle comprend Dieu comme un être transcendant, c’est-à-dire « qui dépasse l’ordre naturel (physique) et ordinaire (humain) des choses »[1].

  1. La finalité religieuse du droit et de l’État

Du droit de Dieu au droit de l’homme décrit une conception prémoderne qui fait de la religion la finalité essentielle du droit et de l’État. Le rôle de la communauté politique est de rassembler les hommes pour qu’ils puissent parvenir au salut, et le droit apparaît comme un instrument indispensable dans cette fin. D’une part, l’État doit se doter de lois qui se conforment à la loi divine et qui soient suffisamment universelles pour réunir les différentes communautés humaines autour de mêmes règles et les préparer au salut[2]. D’autre part, la justice humaine dérivant de la manière dont Dieu gouverne les hommes, l’État doit la rendre pour se conformer aux attentes de Dieu[3]. La loi et le juge sont alors des intermédiaires entre les hommes et Dieu[4].

Cette pleine participation de la loi et du juge au salut des hommes est très éloignée des finalités contemporaines du droit. Aujourd’hui, le droit est souvent compris comme un ensemble technique de règles qui préserve les intérêts individuels en assurant un juste milieu entre les choses[5]. Le droit vise la défense d’intérêts supérieurs tels que la préservation de la paix sociale, le respect des droits fondamentaux de l’être humain et la défense de valeurs. Cependant, ces finalités s’inscrivent toutes entières dans les sociétés humaines, alors que la conception prémoderne comprend le droit comme un intermédiaire entre ces sociétés et Dieu. Il faut alors que le droit exprime au mieux la volonté divine.

  1. La recherche de la volonté d’un Dieu caché

Pour que l’État puisse assurer sa finalité religieuse, le droit va s’efforcer d’identifier la volonté divine pour s’y conformer. D’une part, puisque les lois humaines doivent mettre en œuvre une loi divine qui échappe aux prises de la raison, les juristes proposent des instruments pour découvrir la volonté de Dieu dans un droit naturel caché. Le droit des gens, compris dans son sens classique, regroupe les règles de droit positif appliquées avec permanence dans le temps et généralité dans l’espace par les communautés humaines pour y lire une manifestation du vrai droit. Le droit romain, regroupé dans les Compilations de Justinien et compris comme le droit commun du 12e au 15e siècle, est utilisé par les juristes pour interpréter chaque règle particulière, car ce droit témoignerait de la volonté de Dieu[6]. D’autre part, les juges recherchent une assistance divine dans le respect des règles organisant le système juridique et dans leur conscience. Pour une bonne mise en œuvre de la loi, les juges se soumettent aux règles de l’ordre judiciaire pour être protégés des faiblesses de leur condition humaine[7]. Pour veiller au respect de la loi divine par la loi humaine et pour trancher en cas de doute, les juges peuvent rechercher la volonté de Dieu en s’en remettant à leur conscience, au point de contester une décision du roi[8].

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