Commentaire d’arrêt : Arrêt Bowater 1986
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : Arrêt Bowater 1986. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Taha Elhajhouj • 21 Septembre 2023 • Commentaire d'arrêt • 2 054 Mots (9 Pages) • 485 Vues
Commentaire d’arrêt : Arrêt Bowater 1986
La clause léonine, autrement dit “part du lion”, est une stipulation en vertu de laquelle des droits sont attribués de façon disproportionnée à l'une des parties au contrat, par rapport à ses obligations. La clause léonine instaure ainsi un déséquilibre significatif entre les cocontractants. Mais cette clause s’apprécie différemment en fonction des cas, et a connu de nombreux revirements jurisprudentiels comme ce fut le cas dans l’arrêt Bowater rendu par la Cour de cassation le 20 mai 1986.
En l’espèce, le requérant a procédé à une cession à plus des deux tiers des actions de la Société anonyme A. de Luz fils, en son nom personnel ainsi qu’au nom d’autres actionnaires à la société Iéna Industrie, une filiale de la société Bowater Corporation Limited, par un acte du 20 avril 1973. Suite à cet accord, la société Bowater a alors souscrit une promesse d’achat par lettre en date du 11 novembre 1975 prévoyant un délai d’option à la date de 1982. Cette lettre énonçait que le prix d’achat au moment où le cédant lèvera l’option ne pouvant être inférieur à une somme fixée à 5 millions de francs mais que la valeur nette de l’actif tangible et corporel de la société du cédant serait celle au jour de la cession effective ou à défaut les parties soumis à un expert. Le cédant de la société a introduit une requête aux fins de paiement du prix minimum fixé au préalable retenu par la société Bowater. Cependant, la société Bowater a refusé de payer au motif que la clause contractuelle qui garantissait un prix minimum violait les dispositions de l’article 1844-1 du Code civil.
Le cédant assigne ainsi en justice la société Bowater au fin de faire respecter la levée d’option. Après un jugement rendu en première instance donnant raison au cédant, la société Bowater interjette appel. La Cour d’appel confirmant la décision des juges de première instance en condamnant la société Bowater à payer la somme due, cette dernière forme un pourvoi en cassation.
Le problème de droit présenté à la Cour de cassation est le suivant : Une promesse de vente de droits pour un prix minimum consenti au préalable et ayant pour effet d’exonérer le cédant en le protégeant de toute contribution aux pertes depuis le jour de l’approbation de la promesse jusqu’à la levée de l’option peut-elle être considérée comme une clause léonine ?
La Cour de cassation a répondu à cette question à la négative en rejetant le pourvoi en cassation pour motif que le comportement de la société Bowater était empreint de mauvaise foi.
Alors, l’objet d’une promesse d’achat se trouvant au cœur d’une convention, il semble essentiel de définir, afin de comprendre son importance selon l’article 1844-1, le principe des limites d’une clause ainsi que sa place au regard de la décision rendue (I). Par ailleurs, l’objet du contrat s’appuie essentiellement sur la volonté commune qu’à le promettant envers le bénéficiaire de s'associer (II).
- La considération de l’objet d’une promesse d'achat dans un pacte social, au regard du champ d’application de l’article 1844-1 du code civil
Dans l’arrêt Bowater la spécification de la clause de promesse d’achat est exposée. L’institution de l’article 1844-1 du code civil étant récent, c’est régulièrement au juge d’apprécier si une construction juridique cherchant à prendre la forme ou à atteindre les effets d’une clause léonine peut être retenue comme telle. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont été rendus sur la question, comme ce fut le cas de l’arrêt Bowater.
À l’analyse de l’arrêt Bowater, on s'aperçoit qu’un revirement jurisprudentiel a été consacré, en ce sens, que cette décision exclut du champ d’application de l’article 1844-1 du Code civil, la promesse de cession des droits sociaux.
- Le fondement de la clause léonine
L’article 1844-1, al. 1er du Code civil dispose que “la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire.” Un principe découle de cet article, selon lequel, dans le silence des statuts, la part des associés dans les bénéfices devrait être proportionnelle à leurs apports. Néanmoins, les associés peuvent, s’ils le souhaitent, prévoir dans les statuts un partage égal des bénéfices et des pertes nonobstant des apports inégaux ou un partage inégal des bénéfices et des pertes nonobstant des apports égaux. L’arrêt ici attaqué mentionne la constitution d’une clause abusive au motif que “la valeur réelle de l'action à l'époque de la cession” était “disproportionnée” au moment de la cession et qu’il “résultait de cette disproportion que les bénéficiaires de la promesse se trouvaient exonérés des pertes subies”. Ainsi, l’arrêt « Société Harpax » rendu par la Cour de cassation en sa chambre commerciale le 29 octobre 2003 précise qu “une stipulation prévoyant une participation dérisoire ou une absence de participation aux bénéfices ou aux pertes s’interprète comme une clause léonine”.
En effet, le contentieux relatif aux clauses léonines porte essentiellement sur les opérations sur titre correspondant aux promesses unilatérales d’achat de droits sociaux à prix plancher. En cas de dépréciation des titres, le cédant est assuré, en levant l’option de la promesse d’achat, de céder ses droits sociaux à un prix minimum fixé. Ce qui lui permet de déroger statutairement à la répartition proportionnelle des pertes. Dès lors, ces montages complexes reposant sur la technique de la promesse unilatérale d’achat de droits sociaux à prix garanti, ne tomberaient-elles pas sous le coup de la prohibition des clauses léonines ?
Dans un arrêt du 10 février 1981, la chambre commerciale s’est permise de censurer une décision de la Cour d’appel qui avait estimé que l’opération consistant à déposer lors d’une première cession de droits sociaux, une promesse unilatérale d’achat à prix plancher dans le but de réaliser à une date déterminée une seconde cession “était destinée à permettre [au cédant] de quitter la société et non de l’affranchir de toute contribution aux pertes”. Du point de vue de la Cour de cassation, la Cour d’appel aurait dû : “rechercher si les engagements litigieux qui prévoyaient un certain nombre d’avantages, et pour plusieurs années éventuellement, au profit [du cédant], tant que celui-ci, du moins, resterait actionnaire de la société, n’avaient pas pour effet de le garantir, en tant que tel, contre tout risque de perte éventuelle” Estimant ainsi que les promesses unilatérales d’achat à prix plancher s’apparentaient à des clauses léonines, donnant par extension raison au pourvoi formé par la société Bowater.
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