Commentaire d'arrêt (UDT)
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt (UDT). Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tounite59 • 15 Novembre 2024 • Commentaire d'arrêt • 1 873 Mots (8 Pages) • 62 Vues
Commentaire d’arrêt : CE, 22 octobre 1979, Union démocratique du Travail; n°17541 Les victoires récentes de divers partis politiques européens aux élections nationales ne peuvent s’appréhender sans tenir compte de l’hostilité croissante à l’égard du processus d’intégration. Ce constat n’est pas sans rappeler que cette hostilité n’est pas seulement un phénomène social. Elle a aussi été, pendant longtemps, manifestée dans la jurisprudence de plusieurs juridictions françaises parmi lesquelles, le Conseil d’État. L’arrêt à commenter s’inscrit dans cette logique jurisprudentielle hostile au droit de l’Union européenne. Il s’agit en effet d’un arrêt du Conseil d’État rendu le 22 octobre 1979 dénommé Union démocratique du Travail (UDT), requête n°17541. Il s’agissait en l’espèce d’un contentieux au cours duquel était attaquée devant le Conseil d’État, une disposition réglementaire en l’occurence le décret du 28 février 1979 qui avait été pris sur le fondement et pour l’application de la loi n°77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants à l’Assemblée des communautés européennes. À l’occasion du recours introduit par les requérants, en l’espèce l’Union démocratique du Travail, ladite organisation a demandé au juge administratif de se prononcer sur la légalité du décret précédemment cité. L’Union démocratique du Travail demandait en effet l’annulation du décret du 28 février 1979 en avançant deux moyens principaux au fondement de sa requête. D’une part, le moyen soulevé par l’Union démocratique était son illégalité. L’organisation affirmait que le décret violait la loi n°77-729 du 7 juillet 1977. D’autre part, l’Union démocratique du Travail soulevait également une violation de l’article 138 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne en vertu duquel l’élection au suffrage universel direct des représentants à l’Assemblée doit avoir lieu selon une procédure uniforme dans tous les États membres. En clair, au soutien de leurs prétentions, l’organisation requérante soulevait des moyens d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité poussant ainsi le Conseil d’État à effectuer ces deux contrôles. Deux problèmes juridiques semblaient donc se poser. Dans un premier temps, la question était donc de savoir si le Conseil d’État était compétent pour contrôler la conformité du décret du 28 février 1979 par rapport à la loi n°77-729 du 7 juillet 1977. Ensuite, le second problème était relatif à la capacité pour le Conseil d’État de contrôler la conformité de la même loi par rapport à l’article 138 du traité du 25 mars 1957. Dans son dispositif, le Conseil d’État rejette la requête de l’Union démocratique du travail en refusant de contrôler autant la conformité du décret à la loi que sa conformité au traité. Les motifs qu’il avance au soutien de sa position sont assez clairs. Dans l’arrêt soumis au commentaire, le Conseil d’État se contente principalement de conforter son positionnement qu’il a toujours adopté depuis son arrêt du 6 novembre 1936, Arrighi ainsi que celui du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule de France. Reprenant une jurisprudence constante et assumée, il rejette clairement dans le dispositif de l’arrêt les requêtes de l’Union démocratique du Travail en refusant de contrôler aussi bien la conformité du décret à la loi étant donné que ce décret a été pris pour l’application de la loi. Aussi, refuse-t-il de contrôler la conformité au traité du même décret. C’est le maintien évident de sa théorie de l’écran législatif qui prévaut encore dans cet arrêt. La problématique qui peut être dégagée est donc la suivante: le Conseil d’État refuse-t-il toujours, sur le fondement de la théorie de l’écran législatif, de contrôler la conformité d’un acte administratif pris en application d’une loi ? Maintient-il encore son hostilité à l’égard du contrôle de conventionnalité des lois ? Si cette logique jurisprudentielle est longtemps restée en vigueur, l’analyse qui s’en suivra permettra de démontrer d’une part que l’arrêt à commenter confirme une jurisprudence certes ancienne du Conseil d’État mais également isolée (I). D’autre part, il conviendra de montrer dans une seconde partie que cette logique jurisprudentielle a été abandonnée par le Conseil (II). I. LA CONFIRMATION INDISCUTABLE D’UNE JURISPRUDENCE ISOLÉE DU CONSEIL D’ÉTAT L’intérêt de cette première partie réside dans la démonstration, de prime abord, du maintien par le juge administratif d’une jurisprudence constante sur la théorie de l’écran législatif (A). Toutefois, cette jurisprudence classique est foncièrement marquée par un isolement de la juridiction dont l’hostilité au contrôle de conventionnalité en est la preuve (B). A. Le maintien logique de la théorie de l’écran législatif Le Conseil d’État ne laisse l’ombre d’aucun doute dans cet arrêt quand il affirme que « les moyens tirés de ce que le décret pourrait être contraire à la Constitution […] tendent nécessairement à faire apprécier par le juge administratif la constitutionnalité des dispositions de la loi […]; que ces moyens ne peuvent donc être accueillis ». Le juge administratif refuse totalement de se prononcer sur la conformité à la Constitution de ce décret dans la mesure où il est pris pour l’application d’une loi. Ce positionnement jurisprudentiel du Conseil d’État n’est pas sans rappeler sa jurisprudence constante établie depuis 1936 dans l’arrêt Arrighi qui reprenait une situation similaire. C’est la théorie de l’écran législatif défendue par le Conseil d’État. En effet, le Conseil d’État ne se refuse pas à contrôler la conformité à la Constitution d’un acte réglementaire. Il a bien signifié cela dans l’arrêt Amicale des Annamites de Paris du Conseil d’État du 11 juillet 1956 dans lequel il se déclare compétent pour effectuer le contrôle de constitutionnalité d’un décret au regard du préambule de la Constitution de 1946. Cependant, ce qu’il se refuse de faire, c’est contrôler la conformité à la Constitution ou, plus précisément, la conformité aux normes du bloc de constitutionnalité, d’un décret pris en application d’une loi car cela reviendrait à contrôler la constitutionnalité de la loi. Compétence qu’il n’a pas et qui a été notamment rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 janvier 1975, IVG, n°75-54 DC. Le Conseil constitutionnel rappelait d’ailleurs en l’espèce qu’il existait deux contrôles bien distincts. Un contrôle de constitutionnalité des lois qui consistait à vérifier la conformité des lois par rapport au bloc de constitutionnalité et un contrôle de conventionnalité des lois qui consistait quant à lui, à vérifier la conformité des lois au traité. Le premier relève essentiellement de la compétence du Conseil constitutionnel tandis que le second reviendrait aux juridictions ordinaires. S’il est indéniable de constater que le Conseil d’État se conforme à la première indication du Conseil constitutionnel dans sa décision IVG, force est de constater qu’il ne fait aucun cas de la seconde indication. B. L’hostilité acharnée du Conseil d’État à l’égard du contrôle de conventionnalité des lois - Rappeler d’abord ce que dit le Conseil d’État dans l’arrêt au sujet du contrôle de conventionnalité en citant l’arrêt. - Expliquer que comme dans le cas de l’arrêt Arrighi et du contrôle de constitutionnalité des actes pris en application d’une loi, le Conseil d’État maintient également ici une jurisprudence constante et bien établie. Montrer que le Conseil a au moins le mérite de garder et d’assumer une logique jurisprudentielle conservatrice certes, mais cohérente. - Revenir sur l’arrêt de principe concernant le refus du Conseil d’État d’effectuer un contrôle de conventionnalité des lois dans l’arrêt Syndicat général des fabricants de semoule de France du 1er mars 1968. Expliquer les apports de l’arrêt. - Expliquer toutefois que si l’arrêt Syndicat général des fabricants de semoule pouvait s’expliquer par un vide juridique concernant la compétence du Conseil d’État, l’arrêt à commenter quant à lui est étonnant dans la mesure où, rendu en 1979, il fait suite à la décision IVG du Conseil constitutionnel dans laquelle ce dernier renvoie aux juridictions ordinaires la responsabilité du contrôle de conventionnalité. - Expliquer que cet arrêt traduit d’une part une hostilité acharnée et un isolement du Conseil d’État dans la mesure où à la suite de la décision IVG du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a pris ses responsabilités en effectuant un contrôle de conventionnalité dans son arrêt du 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre. - Nuancer en expliquant que quand bien même le Conseil d’État demeurait jaloux de sa jurisprudence, il semblait difficile pour lui de maintenir une telle position jurisprudentielle indéfiniment au risque d’affecter un idéal de cohérence juridictionnelle ainsi que le principe de la sécurité juridique. Transition: Le bras de fer entre le Conseil d’État durera une dizaine d’années avant qu’il ne finisse par capituler et accepter d’emboiter enfin le pas aux juges constitutionnel et judiciaire. II. L’ABANDON TARDIF DE LA JURISPRUDENCE ISOLÉE DU CONSEIL D’ÉTAT S’il semble indéniable de noter que le Conseil d’État a clairement abandonné de façon volontaire sa jurisprudence hostile au contrôle de conventionnalité (A), l’obsolescence de sa théorie de l’écran législatif fut surtout le fait du législateur (B). A. L’acceptation assumée du contrôle de conventionnalité par le juge administratif - Revenir rapidement sur la défiance du Conseil d’État à l’égard du contrôle de conventionnalité comme il le rappelle dans l’arrêt de 1979 à commenter. - Expliquer que dix ans après cette jurisprudence, le Conseil d’État a finalement passé le pas dans l’arrêt Nicolo du Conseil d’État du 20 octobre 1989 dans lequel il accepte désormais, dans le cadre de ses missions de juge administratif de la légalité, de vérifier la conformité d’une loi aux traités européens mais aussi aux traités internationaux classiques qui ne relèvent pas du droit européen. - Expliquer que le Conseil d’État se fonde notamment sur l’article 55 de la Constitution qui traduit la valeur infra constitutionnelle et supra législative des traités. Voir aussi l’arrêt CE, 30 octobre 1998, Sarran. - Expliquer que le Conseil d’État va étendre ce contrôle de conventionnalité à l’ensemble des normes de droit européen tels que les règlements communautaires dans l’arrêt Boisdet, les directives dans l’arrêt Rothmans et même vis-à-vis de dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans l’arrêt Diop. - Montrer qu’après avoir passé le pas de l’acceptation du contrôle de conventionnalité des lois, le Conseil d’État va même aller plus loin en se découvrant, sous certaines conditions, la compétence pour interpréter les normes des traités dans l’arrêt GISTI du 29 juin 1990. - Expliquer aussi que d’une certaine manière, en acceptant le contrôle de conventionnalité, le Conseil d’État renonçait à sa jurisprudence Arrighi car il y faisait pendant un temps référence pour refuser de contrôler la conventionnalité des lois. B. L’obsolescence constatée de la théorie de l’écran législatif - Revenir rapidement sur ce que dit le juge administratif dans l’arrêt concernant la théorie de l’écran législatif. - Expliquer que quand bien même l’arrêt Nicolo est une reconnaissance implicite de l’érosion de la jurisprudence de l’écran législatif de l’arrêt Arrighi, le Conseil d’État n’a pas clairement renoncé à sa jurisprudence. - Expliquer que cette obsolescence est encore plus affirmée depuis 2008 et l’avènement de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans la mesure où ce nouveau mécanisme donne la possibilité au requérant de soulever un moyen d’inconstitutionnalité pour une loi suspectée de ne pas être conforme à la Constitution (article 61-1 de la Constitution). - Expliquer aussi que le rôle de filtrage que joue le Conseil d’État remet en question cette théorie. - Nuancer tout de même tout cela en expliquant que le cas de la QPC ne se limite qu’aux dispositions législatives portant atteinte « aux droits et libertés que la Constitution garantit »
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