Cass., Assemblée Plénière, 9 mai 1984 ou arrêt Lemaire
Commentaire d'arrêt : Cass., Assemblée Plénière, 9 mai 1984 ou arrêt Lemaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar plulycat • 5 Mars 2024 • Commentaire d'arrêt • 2 844 Mots (12 Pages) • 125 Vues
Doc. 1 : Cass., Assemblée Plénière, 9 mai 1984 ou arrêt LEMAIRE
L’arrêt donné à commenter rapporte une décision de la chambre plénière de la Cour de cassation en date du 9 mai 1984. Par cet arrêt de principe, la cour se prononce sur la question controversée s’agissant de l’enfant et sa capacité discutée de discernement dans le cadre d’une faute commise de son fait, mettant ainsi sa responsabilité civile en jeu.
En l’espèce, un jeune adolescent meurt électrocuté en tentant de visser une ampoule sur une douille dans l’étable familiale. Or, quelques jours auparavant, des travaux d’électricité avaient été opérés par un ouvrier électricien dans cette dernière. Le litige survient lorsque les parents de l’enfant assignent l’ouvrier mais également l’employeur de ce dernier devant le tribunal.
La cour d’appel rejette les prétentions des parents, en reconnaissant à l’ouvrier qu’une responsabilité partielle, partagée avec celle de l’enfant. Ces derniers, de concert avec l’employé décident alors de former un pourvoi en cassation.
En effet, selon ces derniers la Cour aurait d’abord dû chercher si l’enfant était capable de discernement au moment de sa faute, sous l’empire du caractère subjectif requis pour déterminer s’il était véritablement fautif.
La question centrale soulevée dans cette affaire serait donc de savoir si une personne physique mineure dans l’incapacité de faire preuve de discernement, peut se voir imputer une faute sur le plan de sa responsabilité civile.
La Cour de cassation répond par l’affirmative, en effet cette dernière rejette le pourvoi formé et rejoint la Cour d’appel dans son raisonnement. D’après ses propos « la victime avait concouru », autrement dit, l’enfant serait pour moitié responsable avec l’ouvrier pour la faute commise, la responsabilité est de ce fait partagée.
L’ouvrier est-il légitime d’opposer la faute d’un infans pour réduire l’indemnisation accordée en réparation d’un dommage dans le cadre de la responsabilité civile ?
Pour apporter une réponse, l’arrêt donné à commenter interpelle sur deux points majeurs. Tout d’abord, le renoncement progressif à la subjectivité de la faute, commise par un enfant. Ensuite, il illustre également l’ancrage surprenant de l’objectivisation de la faute (II), même découlant des agissements d’un enfant.
I/ Le renoncement progressif à la subjectivité de la faute
Cette partie s’efforcera de faire la balance entre l’ancienne vision de la faute, ou sa conception traditionnelle (A) avec celle nouvelle et opposée mise en lumière par cet arrêt, où les facultés de discernement se retrouvent alors mises de côté (B). Il sera donc question d’essayer de comprendre les motivations de ce qui s’apparente à un revirement de jurisprudence.
- La conception traditionnelle de la faute
« La victime avait commis une faute qui avait concouru […] à la réalisation du dommage. »
Pour saisir au mieux le raisonnement de la juridiction suprême, il convient en premier lieu de définir et tracer les contours de ce qu’est « une faute » en matière civile.
Selon Plagniol dont la définition est aujourd’hui celle la plus reconnue : « La faute serait une contravention à une obligation préexistante. »
Entre autres, une faute peut s’entendre sous deux volets différents, mais pourtant consubstantiels : la norme légale et la norme morale, ce que nous expliciterons par la suite.
Toutefois, dans cet arrêt, on assiste à une véritable divergence entre la morale et le droit, dans une vaine tentative de trouver conciliation.
La faute peut tout d’abord être une faute de commission : une action positive, la personne responsable a agi contrairement à la loi. A l’inverse, une faute peut être commise du fait d’une inaction alors que l’individu aurait dû agir : une omission ou une abstention. C’est par ailleurs l’arrêt « BRANLY » du 27 février 1951 qui établit le fait qu’une omission ou abstention peut être constitutive d’une faute.
Il est de même opportun d’ajouter que contrairement à la norme pénale, il n’est pas question de prendre en compte le caractère intentionnel de la faute en matière civile. En effet, même si l’ouvrier n’a pas eu l’intention de provoquer la mort de l’enfant, ce dernier doit tout de même réparer le préjudice : le juge prendra alors en compte les fautes d’imprudence et de négligence.
En suivant ce cheminement souligné par de multiples jurisprudences, une faute met en lumière la présence d’une réunion entre un élément objectif et un élément subjectif, c’est-à-dire suivant cet ordre : l’illicéité et l’imputabilité de la faute.
En l’espèce, l’élément objectif serait-ici la « négligence » de l’ouvrier en raison de « l’inversion de fils en rapport direct avec l’électrocution », mais également de « l’imprudence » de l’enfant qui « aurait dû couper le courant ». Concernant le caractère subjectif de la faute de l’ouvrier, ce dernier aurait dû et pu avoir pleinement conscience de la négligence dont il faisait preuve (notamment de par sa formation et son expérience), chose qu’il a d’ailleurs reconnu, comme le souligne la cour de cassation : « le prévenu a reconnu ne pas avoir effectué la vérification facile qui s’impose à tout électricien ».
Toutefois, si l’élément subjectif, (soit l’imputabilité de la faute) doit être pris en compte, un enfant peut-il réellement se rendre compte de sa négligence et de son geste ? Il sera question d’approfondir cette notion d’imputabilité dans une prochaine section.
Toujours est-il que la loi posait donc l’exigence d’une faute subjective, et que selon cette conception, pour que la faute soit caractérisée, il fallait que le sujet ait conscience de la portée de ses actes.
- Le délaissement des facultés de discernement
Les parents de l’enfant estiment que l’ouvrier devrait assumer l'entière responsabilité de l'accident. Ils argumentent que, en raison de son jeune âge (13 ans), ce dernier ne pouvait pas être fautif, étant incapable de saisir pleinement les conséquences de ses actions. En effet, selon eux la cour d’appel se fourvoie : « sans rechercher si ce mineur avait la capacité de discerner les conséquences de l’acte fautif ».
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