Le pouvoir de la parole

Les pouvoirs de la parole

(Semestre 1)

L’art de la parole.

Antiquité et moyen-âge.

Introduction

1.        Délimitation de la notion

La parole c'est essentiellement le langage écrit et oral. Il permet la transmission. Il est souvent associé au pouvoir. Les ethnologues (l’éthnologie désigne l’étude des peuples et de leur organisation, de leurs coutumes) ont montré que ceux qui avaient le pouvoir possédaient la parole.

Ce lien entre pouvoir et parole est d'ailleurs un des aspects importants de la prémodernité et du monde des Anciens.

On peut appeler pré-modernité et monde Ancien tout ce qui part de Montaigne et l'écriture de ses Essais jusqu'à Descartes et la rédaction du Discours de la Méthode. Montaigne constitue l'auteur charnière de cette évolution. Au niveau politique, il sera associé à la prise de pouvoir en France d'Henri IV et à la fin des guerres de religion. Descartes (1596-1650) est le fondateur du rationalisme moderne et donc un précurseur de la modernité.

L'art de la parole c'est la rhétorique. Ce n'est pas par hasard que la grande crise de ce monde ancien va débuter avec la Fronde (1648-1653) qui est une période de révoltes tant aristocratiques que populaires et parlementaires qui remettent en question l’autorité absolue du roi (la Fronde débute alors que le roi Louis XIV est mineur et que son pouvoir est remis entre les mains du très impopulaire Cardinal Mazarin) et qui préfigurent le monde moderne à venir, plus tourné vers la domination par la raison et la maitrise de la technique.

2. Distinctions à établir

La parole peut s'entendre en plusieurs sens :

• Elle renvoie à l'engagement. On dit donner sa parole pour ne pas la reprendre. C’est le respect de la parole donnée dont le philosophe Hobbes fera, dans son livre le Léviathan (1651) , l'un des fondements de la justice. Revenir sur la parole que l'on a donnée est la marque de la barbarie pour les Anciens.

Les grands représentants de la morale ancienne étaient des hommes de parole. Les prophètes de la Bible sont appelés des Nabi, ce qui signifie celui qui parle.

En d'autres termes ce sont des rhéteurs. Ils parlent au peuple. Ce que l'on appelle les dix commandements, ce sont en réalité les dix paroles. Parler c'est donc disposer d’un

certain pouvoir. Pour autant, ordonner, donner des ordres, ce n'est pas diriger. Il y a une nuance à établir entre l'homme qui aime le pouvoir pour le pouvoir et celui qui a le pouvoir de la parole. Ce n’est pas si simple à distinguer et ces distinctions ne sont jamais binaires: « celui qui aime le pouvoir pour le pouvoir » est pris au piège de la rhétorique de son discours, autrement dit, de façon familière, il a tendance à s’ « écouter parler », au contraire, « celui qui dispose du pouvoir de la parole » entretient un rapport plus authentique au langage, il sait faire preuve d’une « parole vraie » et son auditoire le ressent en lui attribuant une autorité naturelle.

3. Les problématiques envisageables

• Si je donne ma parole et que je suis tenu(e) par celle-ci dois-je toujours respecter mon engagement ? Faut-il prendre à la lettre tout ce que je dis ?
• Peut-on dire que la lettre tue et l'esprit vivifie ? Comment apprendre à exercer son oreille et à « lire entre les lignes »? Ecouter l'autre est-ce être dans une écoute quasi religieuse à son égard ou plutôt dans un posture critique?

• Qu’est ce qui constitue l'art de la parole par excellence ? Comment apprendre à bien parler et que signifie bien parler ?

4. Illustrations artistiques du thème

La littérature est le lieu par excellence où s'exerce l'art de la parole. La parole permet de séduire, de défendre une cause, de mettre en forme voire d’atténuer certaines souffrances..

• Ronsard l'a mis en évidence dans son poème dédiée à sa bien-aimée « Mignonne allons voir si la rose ».

• La controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière montre comment un échange entre deux intellectuels à l'époque classique a pu justifier la traite négrière en Amérique.

• L’avocat des Damnés, film de John Coles montre un avocat qui utilise la parole pour défendre les salariés opprimés aux États-Unis.

• Le film 12 hommes en colère montre comment un homme seul, par le seul pouvoir de la parole, parvient à innocenter un jeune noir en pleine période de racisme aux ÉtatsUnis.

• Le roman de Marie Cardinal, Les mots pour le dire, montre comment la souffrance peut être atténuée lorsqu'une personne met des mots sur celle-ci.

5. Les enjeux contemporains de la notion

Nous vivons - du moins en apparence - une époque de culture abondante. Nous avons tous l'impression d'un grand bavardage au sein duquel il n’est pas facile de s’orienter. Il n'y a jamais eu autant de livres et de débats organisés à la radio, sur internet et dans les télévisions et pourtant nombreux sont les penseurs ou éditorialistes qui prédisent un déclin de nos sociétés de Michel Onfray à Gilles Lipovetsky, auteur d'un essai intitulé : L'ère du vide.

Sommes-nous dans le déclin de l'occident et ce « déclin » doit-il s'assimiler à un déclin de l'humanité en général ? Ne vivons-nous pas plutôt à l'heure d'un grand bouleversement qui crée de grandes inégalités et suscite de grandes peurs notamment chez des penseurs conservateurs qui se replient derrière d’anciennes valeurs ?

Ne faut-il pas mieux « penser » les changements qui caractérisent notre

époque plutôt que de se lamenter ? Ceux qui se lamentent ne sont-ils pas plutôt en train de se plaindre - à juste titre - du peu d'aides dont disposent les plus démunis pour s'adapter à ce monde en plein changement ?

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