La notion de Droit Pénal
Cours : La notion de Droit Pénal. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar joseph moukarim • 12 Mars 2018 • Cours • 39 952 Mots (160 Pages) • 700 Vues
Cours droit pénal
Chapitre 1 : La notion de Droit Pénal
Le but du Droit Pénal n’est pas de réprimer les atteintes à la société. Dans toutes les sociétés, il y a toujours eu un système répressif plus ou moins élaboré à l’égard des gens considérés comme menaçants pour la société. Il est l’encadrement juridique du pouvoir répressif, de cette réaction du corps social à ce qui est perçu comme menaçant sa cohésion. Au sens large, c'est l’ensemble des règles qui vont définir quels sont les comportements réprimés, de quelle façon on peut ou pas les réprimer et les sanctions qui leur sont applicables. C'est aussi les conditions dans lesquelles ces infractions peuvent être poursuivies, jugées et sanctionnées. Dans une vision large, le Droit Pénal est à la fois les infractions et la procédure. On parle parfois de Droit Pénal matériel pour les infractions et de Droit Pénal processuel pour la procédure. Les deux sont intimement liés.
Dans la définition des infractions et des sanctions, on distingue le Droit Pénal Général du Droit Pénal Spécial. Le Droit Pénal Général, ce sont les règles applicables à toutes les infractions. Le Droit Pénal Spécial va s’appliquer à définir les conditions particulières à chaque infraction (aux personnes, aux violences, aux biens, à l'abus de confiance…). Ce cours sera du Droit Pénal Général. Dans le Droit Pénal Spécial, on distingue parfois différentes spécialités → Droit Pénal des affaires qui concerne les infractions qui ont attrait à l’activité économique et financière, Droit Pénal de l’environnement, etc… Le Droit Pénal n’est que l’encadrement du pouvoir répressif et non son exercice.
I. L’enjeu démocratique
Il est particulièrement fort en matière pénale. L’atteinte potentielle aux droits et libertés du citoyen est la plus forte. C’est quand on a une réaction sociale à quelque chose perçu comme une atteinte à la cohésion, qu’on peut avoir des réactions plus violentes. En France, la sanction la plus forte est l’enfermement perpétuel (la peine de mort en France jusqu’en 1981). La matière pénale met en jeu les libertés. Les faits qui vont donner lieu à la répression sont des faits qui sont considérés comme graves parce qu’ils menacent les droits et libertés de chacun. On doit penser le Droit Pénal comme quelque chose qui encadre le pouvoir répressif parce que l’enjeu est important. Suivant qu’on ne va pas incriminer un certain nombre de choses ou pas, on est dans un État plus ou moins démocratique. Il faut avoir un regard critique → On peut considérer que certains aspects du système pénal français ne sont pas suffisamment démocratiques. Le Droit Pénal est un droit pour lequel la préservation de l’État de droit est l’un des enjeux les plus forts.
II. Un droit public
Le droit pénal est enseigné dans les cursus de droit privé. Le droit pénal est un droit public selon la grille d’analyse classique. On dit que c’est un droit mixte parce qu’on peut faire valoir devant le juge pénal la réparation du préjudice subi par la victime. L’action pénale (action publique) est une action qui oppose la collectivité représentée par un magistrat, le procureur de la république, à l’auteur de l’infraction. Quand on a des victimes qui se constituent partie civile, leur action obéit aux règles du droit civil. Ce qui est « mixte », c’est le procès pénal. On a l’action publique, faite au nom de la société contre l’auteur potentiel de l’infraction pour le faire condamner à une sanction, et l’action civile faite par la victime pour obtenir l’indemnisation de son préjudice de manière civile (somme d’argent). Le droit pénal n’est pas du tout un droit mixte, c’est un droit public.
III. Environnement juridique du Droit Pénal
La procédure pénale et le droit pénal sont intimement liés. Le droit administratif et le droit pénal sont également liés. On ne peut pas comprendre le système répressif français sans prendre en compte le pouvoir répressif de l’administration. L’administration peut prendre des mesures de police administrative qui sont parfois très proches des mesures de police judiciaire (procédures pénales). Il y a également des compétences importantes d’autorité administrative en matière pénale.
Pour bien comprendre le système répressif, il faut savoir la forte présence de l’administration dans la répression. Au niveau Européen, des textes ne distinguent pas entre le Droit Pénal et le Droit Administratif au point que certains auteurs parlent de droit répressif :
Directive de 2008 sur l’atteinte à l’environnement → On ne distingue pas entre droit administratif et droit pénal au niveau de l’UE.
La Cour EDH ne distingue pas entre la procédure pénale et la procédure administrative à partir du moment où on inflige une sanction. Il existe dans le droit des personnes publiques qui s’appellent les AAI dont certaines ont un pouvoir répressif important. Cela suppose de respecter les garanties des grand principes applicables au Droit Pénal.
Il faut marquer une nette distinction avec le droit civil. La responsabilité civile doit être distinguée des règles relatives à la responsabilité pénale.
IV. Environnement scientifique du Droit Pénal
Il existe des disciplines sur lesquelles il faut avoir un œil pour bien comprendre le droit pénal.
· L’Histoire → Il faut avoir des minimums de repères sur l’histoire du Droit Pénal. En matière pénale, il existe une forte corrélation entre l’histoire politique et l’histoire juridique. Le développement d’un Droit Pénal démocratique est intimement lié aux périodes de l’Histoire où on a une progression de la démocratie. Le développement de logiques autoritaires viennent aussi d’une période de l’histoire marquée par l’autoritarisme.
· La criminologie → Au sens étroit, c'est l'ensemble des doctrines et recherches ayant pour objet de déterminer les causes de la criminalité (criminogènes). Au sens large, c'est l'étude scientifique du phénomène criminel dans ses trois composantes : la norme pénale, le crime et la réaction sociale. En France, la criminologie n’est pas une science en elle-même mais l’ensemble des savoirs qui permettent d’avoir un regard scientifique sur le crime. Elle est au croisement de plusieurs savoirs. La criminologie ici s’oppose à une autre criminologie apparue beaucoup plus récemment, par des auteurs qui prétendent pouvoir construire un savoir construit sur le crime déconnecté de tout le reste, comme si le crime était une réalité en soi, observable comme une maladie. Le crime n’est pas une généralité qui existe en soi. Il n’existe que si on le définit.
Chapitre 2 : Introduction historique au Droit Pénal moderne
I. Le Droit Pénal prérévolutionnaire
On lit souvent qu’on est passé de la vengeance privée à la vengeance publique, puis à la justice publique (la collectivité prend en charge la répression de l’acte dans une logique d’apaisement, de réparation du préjudice). Au départ, on ne distinguait pas le Droit Pénal et le droit civil. On va sanctionner l’auteur d’une infraction par une simple procédure qui s’applique de manière générale. Toute l’histoire du Droit Pénal est celle d’une émancipation progressive du Droit Pénal par rapport au Droit Civil. Progressivement, à côté de l’action reconnue à la personne, est née une action spécifique qui visait à réparer de façon spécifique l’atteinte à la cohésion sociale. Progressivement, on a deux actions :
· L'action qui vise à réparer le préjudice.
· L'action qui vise à sanctionner la personne par rapport à l’atteinte à la cohésion sociale qu’elle a commise.
Le Droit Pénal ne concerne que les atteintes à la cohésion nationale. Aujourd’hui, on a une tentation très forte du législateur, des pouvoirs publics de vouloir redonner au Droit Pénal une fonction réparatrice du préjudice subi par la victime. C’est à partir du XIIIe qu’on assiste à un essor d’une justice pénale déconnectée de la justice civile → Figure du Roi Saint Louis (Louis IX), le premier à développer une justice royale qui avait vocation à sanctionner les atteintes à la société, qu’il y ait une victime ou pas.
II. Le Droit Pénal de l’Ancien Régime
Une fois que le Droit Pénal s’est émancipé du Droit Civil, on avait quand même un système qui présentait des problèmes.
Grande diversité de textes.
Forte inégalité → Suivant la région de France où on est, on n’est pas soumis au même droit. On dépend des coutumes dont la plupart ont été rédigées. Le seul élément sans inégalité est la procédure unique de 1670 de l'ordonnance criminelle. Pour ce qui est des infractions, elles ne sont pas les même en fonction du lieu où on se trouve. L'autre inégalité est que, suivant le statut, l’ordre auquel on appartient, on n’est pas soumis aux mêmes règles. Ainsi, les nobles avaient un privilège de juridiction.
Problème d’arbitraire → Justice pénale arbitraire, le juge décide comme il le souhaite de la sanction qu’il va infliger à la personne. Ce n’est prévu ni par la loi ni par la coutume.
Caractère désorganisé et inefficace → Système très arbitraire, très violent (sous l’Ancien Régime, la plupart des peines sont corporelles), exécutions publiques, mais qui par ailleurs, laisse subsister une criminalité très importante.
C’est dans ce contexte qu’on a un mouvement réformateur de la justice pénale qui n’a pas été totalement assimilé aujourd’hui. Il naît au XVIIIe dans le mouvement des Lumières intellectuel, dans la continuité du mouvement humaniste du XVe et XVIe, qui veut mettre la raison au centre (Lumières). Au titre de ce mouvement réformateur Européen, on a un auteur qu’il faut connaître. Cesare Beccaria est Italien et publie en 1762 Le traité des délits et des peines. Ce petit livre est une critique féroce du système répressif de l’époque et une proposition de règles inspirées par la raison, la volonté de reconstruire un système qui protège la liberté dans tous les sens. Ce traité à un immense succès en Europe à l’époque et est popularisé par Voltaire. Il sert de ligne de conduite à tous les réformateurs. On y trouve le développement des idées réformatrices.
Sous la Révolution va se former un nouveau système pénal qui est le nôtre. Dans les cahiers de doléances, le roi Louis XVI décide de tenter de mettre en place les EG et le préalable est de rédiger les cahiers de doléances. En 1789 il y a la volonté de créer un système répressif cohérent qui prenne le contrepied total du système de l’Ancien Régime. Ces éléments sont des éléments importants pour ceux qui vont siéger à l’Assemblée nationale constituante (juin 1789).
III. La rupture du Droit Pénal révolutionnaire : le droit à la sûreté
La sûreté n’est pas la sécurité. La sécurité est de n'être jamais victime d’une infraction quelle qu’elle soit.
Sûreté (droit constitutionnel) = l’un des droits naturels et imprescriptibles de l’homme, le protégeant de l’arbitraire, garanti par les déclarations des droits de la Révolution française ou par la Conv ESDH.
Aujourd’hui plus de 13 000 comportements sont une infraction. On garantit que c’est la loi qui primera et pas le rapport de force. Promettre la sûreté, c’est promettre la protection de la loi dans toutes les situations. Tout le monde est logé à la même enseigne. Pour les révolutionnaires et encore aujourd’hui, plus on a de responsabilités, plus on est soumis à une exigence d’exemplarité. On change de perspective par rapport à l’Ancien Régime où les ministres et autres personnes haut placées étaient quasiment intouchables. La sûreté fonde le nouveau régime. Cela se traduit par un certain nombre de principes proclamés dans la DDHC qui ont aujourd’hui valeur constitutionnelle et qui ont été largement repris au niveau européen par la Conv ESDH :
· Principe de légalité → On ne peut prendre des mesures coercitive envers quelqu’un que si un texte le prévoyait avant les faits, et la sanction doit être prévue avant les faits. Quelque chose qui structure l’évolution de la loi pénale jusqu’à nos jours. Il signifie que le pouvoir d’édicter les règles du droit pénal incombe seulement à la loi : Nullum crimen, nulla poena sine lege « Nul crime, nulle peine sans loi »
· Principe de nécessité → Dans une société où la liberté de principe, tout ce qui n’est pas réprimé est permis. On ne doit limiter la liberté que si c’est absolument nécessaire au maintien de la cohésion sociale. Dans une société démocratique, on ne peut pas en principe créer des infractions pour tout et n’importe quoi et réprimer tout et n’importe quoi. On ne doit défendre que les actes nuisibles à la société (art. 5 DDHC : « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. »). Si on peut, pour résoudre une question d’intérêt général (IG), avoir recours à quelque chose de moins coercitif, on doit le faire. On a recours à la solution ultime de priver quelqu’un de sa liberté que si on ne peut pas faire autrement.
· Principe de proportionnalité → Quand on va prendre à l’égard de quelqu’un une mesure coercitive, on doit utiliser le minimum de coercition. L’art. 111-3 2° du Code Pénal rappelle que : « Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une contravention ».
La peine édictée ne doit pas être d’une sévérité excessive au regard de la gravité du comportement interdit. Beccaria recommandait déjà de rechercher un équilibre entre l’infraction reprochée et la peine encourue. En écho, l'art. 8 DDHC de 1789 énonçait de façon dynamique, tout en limitant les pouvoirs du législateur « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ».
On ne peut en principe placer quelqu’un en garde à vue que si cette mesure est absolument indispensable pour sécuriser les investigations, soit pour prévenir une nouvelle infraction.
Prononcé des peines → Quand on déclare quelqu’un coupable, on ne peut pas donner la sanction qu’on veut. On doit prononcer la sanction la plus proportionnée, celle qui permet, en utilisant le moins de coercition possible, d’apporter une réponse satisfaisante à l’infraction que l’on veut sanctionner.
Cette mesure de répression est prônée par les révolutionnaires, traduction par le principe de proportionnalité, principe constitutionnel.
Principe de juridictionnalité ou principe de contrôle juridictionnel → pour assurer l’effectivité de ces principes, on soumet la répression à un contrôle juridictionnel par un élément extérieur (le juge).
Ce modèle pénal des Lumières est centré sur la légalité, la nécessité, la proportionnalité et le contrôle juridictionnel. Ces quatre grands principes prennent le contre-pied total de ce qui se faisait sous l’Ancien Régime. On ajoute un élément supplémentaire qui est l’idée que la répression doit aussi favoriser l’amendement de la personne. Certains auteurs parlent donc de l’humanisme pénal. Cette idée est très présente quand on lit les débats de l’assemblée constituante de l’époque → la répression contribue à ce que les gens s’améliorent (idée centrale de réhabilitation). Tous ces éléments sont officiellement les éléments de notre système pénal, mais n’ont pas totalement été assimilés.
Premier grand texte → la DDHC annonce les principes adoptés dans les Lois de procédures des 22 juillet et 19 septembre 1791 qui adoptent une nouvelle procédure respectueuse de ces ceux-ci et qui reviennent sur la norme de l’Ancien Régime centrée sur une procédure très arbitraire.
Deuxième grand texte → Code Pénal en 1791 adopté par l’AC et dont celui de 1810 n’est qu’une actualisation avec des éléments réactionnaires du code de 1791. Il met en œuvre tous ces grands principes. Il est le premier Code Pénal moderne et le premier code juridique au sens moderne du terme. Le problème, c’est que ce ne sera pas mis en vigueur tout de suite.
Assez vite, on a la fuite à Varenne, et en 1792, on apprend que Louis XVI a favorisé l’arrivée d’armées étrangères pour entériner la Révolution. En 1793 éclatent également des révoltes paysannes. Les décrets des 10 et 19 mars 1793 instaurent la politique de la terreur qui suspend directement la légalité. On a proclamé la protection de la loi pour le citoyen mais on suspend tout et on donne les pleins pouvoirs au Gouvernement. Cette proclamation de la terreur fait qu’on n’aura pas vraiment de mise en œuvre des nouveaux principes, on revient à une justice arbitraire.
En 1799, coup d’État de Napoléon Bonaparte. Sous son règne, entreprise de refonte du droit, compromis entre le droit de l’Ancien Régime et le droit révolutionnaire mais pas en matière pénale. En matière pénale, deux Codes sont adoptés :
· 1808 → Code d’instruction criminelle
· 1810 → Code pénal
Ces deux codes ne sont pas une volonté de transaction. Ils trahissent la tentative qui a eu lieu au Premier Empire de revenir (de changer) sur le modèle pénal révolutionnaire et notamment sur le principe de légalité et de proportionnalité. On veut des peines exemplaires et on retrouve la rhétorique qui avait lieu sous l’Ancien Régime. Il faut terrifier les gens pour qu’ils ne commettent pas d’infraction.
On va aboutit à un Code en 1810 qui est une tentative ratée de revenir sur les fondamentaux de la Révolution. En façade, on garde les principes fondateurs de légalité et de proportionnalité. En matière de peine, on remet la peine de mort et on remet les peines corporelles qui avaient été abolies sous la Révolution. En matière de procédure, on va reprendre beaucoup d’éléments de l’ordonnance de l’Ancien Régime de 1670. Dès cette époque, il y a un conflit de normes qui n’est pas résolu aujourd’hui entre d’un côté la volonté de mettre en œuvre de manière durable et conséquente le projet pénal révolutionnaire (projet pénal de la Première République) et de l'autre, l’autoritarisme répressif (la résistance à cette mise en œuvre). L’autoritarisme ne s’affiche pas comme tel aujourd’hui. Cette opposition essentiellement dogmatique à la mise en œuvre du modèle pénal révolutionnaire est fondée sur le bon sens, le pragmatisme.
Il y a une évolution par la suite par un mouvement qui voit l’affirmation progressive mais chaotique et toujours précaire du modèle pénal républicain mais par à-coups → ce n’est pas linéaire.
· Une mise en œuvre précaire
· Première étape - La monarchie de juillet 1830
On met fin au règne de Charles X et c’est son cousin Louis-Philippe qui va devenir le nouveau Roi de France et c’est une monarchie libérale au sens le plus neutre du terme. Parmi les acteurs de la monarchie de juillet, des gens sont des promoteurs du libéralisme pénal et vont vouloir revenir sur l’œuvre de Bonaparte → obtention de choses dans la Loi du 28 avril 1832 contenant des modifications au CP et au Code d’instruction criminelle qui va changer beaucoup de choses :
Cette loi va supprimer les peines corporelles.
On va créer des circonstances atténuantes. Jusqu’en 1832, la peine était fixe.
· Deuxième étape - Tout ce qu’il se passe sous la Troisième République
On a la mise en place d’un régime républicain qui va s’étendre sur la durée contrairement aux deux premières Constitutions.
On a déjà les grandes lois républicaines qui garantissent les grandes libertés publiques, qui mettent en œuvre les principes de nécessité.
Loi de 1881 sur la liberté de la presse et l’expression
On garantit la liberté de réunion (1884) qui vaut d’abord essentiellement pour les syndicats
Loi de 1901 qui garantit la liberté d’association
Dans le même temps, on prend des réformes qui vont assouplir le système pénal pour le rendre plus conforme au principe de proportionnalité. Ortolan : « Il ne faut punir pas plus qu’il n’est utile et pas plus qu’il n’est juste »
1885 → introduction de la libération conditionnelle
1891 → création du sursis
1897 → on permet à l’avocat de rentrer dans le cabinet du juge d’instruction. À l’époque, c’est le juge d’instruction qui dirige la plupart des enquêtes et non pas la police. Mais il le fait comme il le souhaite. Avec cette évolution, l’avocat a un droit de regard.
Loi du 22 juillet 1912 sur les Tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée. Elle créé le juge des enfants. On est vraiment dans l’idée de proportionnalité et de mesure. On veut pour les enfants garantir un traitement d’abord éducatif et pas forcément répressif.
Il y a consolidation du modèle. Pas de remise en cause de ça, ça s’étend sur la durée, dans la pratique, progression de tous ces principes sous la Troisième République.
Avec la liberté conditionnelle, il y a la peine de relégation pour lutter contre les récidivistes (1885). Cette peine consiste à déporter définitivement du territoire métropolitain (bagne de Cayenne). Il y a toujours ce balancement présent tout au long de l’évolution.
Troisième temps important - la libération
Après la Seconde Guerre mondiale, en réaction à la Shoah et au régime de Vichy, un grand mouvement humaniste naît. On croit enfin que face au triomphe de logiques autoritaires, voire totalitaires, et les faits abominables que ça a produit, on va arriver à mettre réellement en œuvre le modèle pénal humaniste. A partir de 1945, le progrès est considérable.
L'ordonnance du 2 février 1945 relative à la justice pénale des mineurs va consacrer le principe de primauté de l’action éducative pour les enfants. C’est aussi le développement d’une philosophie humaniste revendiquée sous l’influence d’un grand mouvement de pensée → la défense sociale nouvelle (ANCEM). Mouvement international qui veut promouvoir les idéaux de la Révolution de manière concrète et notamment le principe d’amendement, la répression ne doit plus être démesurée mais pondérée pour être plus efficace. C’est là que triomphe le principe d’individualisation de la peine. On doit trouver la peine la plus adaptée à la situation qui nous est soumise.
Il y aussi la Conv ESDH, texte fondamental parce que d’application directe et soulevé régulièrement devant les Tribunaux. La Conv ESDH va reprendre la plupart des principes consacrés par la DDHC en les élevant au niveau européen et l’art. 5 – Droit à la liberté et à la sûreté reprend la philosophie pénale des constituants révolutionnaires. La CESDH est directement évocable devant les Tribunaux. Elle est adossée à une Cour EDH, ce qui garantit l’efficacité de ce système. La Cour EDH peut condamner un État.
Troisième grands acquis - les lois des années 1970s qui vont assurer l’alternative à la prison.
Jusqu’en en 1975, il n’y a que deux solutions
· Emprisonnement
· Amende
Parmi les revendications de la Défense Sociale Nouvelle, il y a cette idée que la peine de prison doit être exceptionnelle. A partir des années 1970s sont créées des alternatives à l’incarcération :
Contrôle judiciaire = alternative à la détention provisoire.
1975 : création du sursis avec mise à l’épreuve ; sursis renforcé. Si on respecte les obligations de la MAE, on n’ira pas en prison.
1983 : création du TIG = peine alternative : la personne doit effectuer un travail non rémunéré auprès d’un commune, d’une association…
A partir de ce moment, l’idée de sûreté est au cœur de ces mouvements-là, le rappel du projet pénal républicain etc... sont victimes de leur succès, deviennent de plus en plus naturels : Grande progression et garantie des droits. On oublie un peu d’où ça vient, contre quoi on s’oppose, qu’il y a depuis le Premier Empire, un courant qui s’oppose à la mise en œuvre effective du modèle pénal républicain. Quand il va ressurgir au milieu des années 1990, on ne se souvient plus de ce courant, il va donc pouvoir se présenter comme un courant neuf. On a l’affirmation d’abord à la fin des années 1970, de ce qu’on appelle le « droit à la sécurité » (DAS).
1981 : loi sécurité et liberté qui remet des peines plus sévères. Cette loi créé un grand scandale et est tout de suite abrogée avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. A ce moment-là, grand mouvement libéral (abolition de la peine de mort etc…).
1995 : loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité qui proclame un droit fondamental pour la sécurité physique, en le liant à la répression. Derrière cette idéologie et logique répressive sécuritaire, ressortent les traits fondamentaux du vieil autoritarisme, de la répression bonapartiste et de la progression très forte de l’autoritarisme à la faveur de cette rhétorique sécuritaire. Emballement de la machine répressive et de la législation : à partir de 1995, en moyenne une loi pénale par an qui modifie substantiellement la matière.
2011 : grande réforme de la garde à vue qui a fait que l’avocat peut assister à toute la Garde à Vue. Cette loi est adoptée parce que le Conseil Constitutionnel a censuré l’ancien régime de Garde à Vue.
Les normes européennes ont une valeur juridique plus forte que la loi. La CESDH a fait beaucoup d’évolutions à la suite de condamnations de la Cour EDH, mais une autre source prend beaucoup d’ampleur : le droit de l’UE. Le droit de l’UE a commencé à s’intéresser à la matière pénale depuis le traité de Lisbonne (2009).
Mais aujourd’hui, on a une évolution très épidermique de la loi pénale, elle change tout le temps et on a toujours l’opposition très forte entre :
· Un courant qui veut limiter l’encadrement et restaurer un arbitraire répressif (peines-plancher pour les récidivistes)
Peine-plancher : Peine privative de liberté minimale que devait prononcer une juridiction de jugement, sauf décision motivée contraire, à l’encontre de certains délinquants, principalement les récidivistes.
· Un ensemble de règles qui vont contrarier cette montée en puissance de la logique sécuritaire. Mais la logique sécuritaire n’est que le dernier avatar de ce vieux fonds autoritaire qui depuis le Premier Empire est mobilisé pour s’opposer à la mise en œuvre du modèle pénal républicain.
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