L'interprétation stricte de la loi pénale
Dissertation : L'interprétation stricte de la loi pénale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Farah Mkr • 14 Mars 2021 • Dissertation • 1 815 Mots (8 Pages) • 1 971 Vues
Sujet : L’interprétation stricte de la loi pénale
Montesquieu écrivait dans son œuvre « l’Esprit des Lois » (1748) : « Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur. » En ce sens, Montesquieu soulève que l’interprétation de la loi appartient au législateur et non au juge, de plus, l’interprétation en matière pénale relève d’une méthode recherchée et extrêmement encadrée.
L’interprétation en matière juridique désigne le fait que lorsqu’une imprécision se manifeste soit d’elle-même, soit à la demande d’une partie au sein d’une norme, le juge en explicite les dispositions lorsqu’il rendra son jugement. D’autre part, le terme « stricte » rattaché au processus d’interprétation signifie qu’il s’agit d’une interprétation rigoureuse et exacte.
À l’origine, du fait du principe de légalité criminelle, l’interprétation de la loi en matière pénale était prohibée. Cependant, le constat de la multiplicité des textes incriminateurs a su relever l’importance de l’interprétation des lois par le juge pénal, de plus, auparavant la loi du 15 mai 1991 allait déjà en ce sens en instaurant une procédure d’avis par la Cour de Cassation d’abord en matière civile puis élargie en matière pénale. Plus récemment, le nouveau Code Pénal de 1994 consacre le principe d’interprétation de la loi pénale dans son article 114-1.
Dès lors, l’intérêt de l’interprétation stricte de la loi pénale réside dans le fait que le juge doit constamment rechercher la raison d’être de la loi pénale et respecter ce qu’elle protège. D’autre part, il faut noter que le principe de légalité criminelle reste la source principale et que, l’interprétation stricte de la loi pénale connaît sa limite par ce principe. De ce fait la question se pose de savoir de quelle manière l’interprétation stricte de la loi pénale s’est associée au principe de légalité criminelle ?
De ce fait, il s’agira d’aborder l’interprétation stricte de la loi en elle-même ainsi que ses apports en matière pénale (I), puis, de démontrer qu’elle constitue une arme de politique criminelle pour le juge pénale. (II)
I – Le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale
Ce principe apparaît comme un complément nécessaire au principe de légalité criminelle (A), qui s’exerce par la méthode téléologique. (B)
A – Un complément nécessaire au principe de légalité criminel
Le principe de légalité criminel est clair et dispose que nul ne peut être condamné pénalement qu’en vertu d’un texte pénal précis et clair, de plus, ce principe a une valeur constitutionnelle. Au premier abord, cela sous-entend que l’interprétation de la loi pénale n’a pas lieu d’être si le texte répond au principe de légalité criminel. Cependant, l’article 114-1 du Code Pénal dispose : « La loi est d’interprétation stricte », cependant, le code manque de définition quant à la pratique, c’est pourquoi le législateur est venu éclaircir ce procédé en affirmant que le juge doit interpréter strictement le texte incriminateur, sans le trahir, ni faire d’excédent d’interprétation. En ce sens, l’interprétation permet au juge d’adapter le texte à une situation donnée tout en y restant fidèle. C’est par exemple le cas pour le vol défini par l’article 311-1 comme étant une « soustraction », par la jurisprudence, le juge entend cette soustraction comme étant le fait de prendre, retirer ou ravir et conçoit qu’il s’agit d’un élément matériel or cela pose problème, dans un arrêt du 3 août 1912 dont les faits relevaient d’un vol d’électricité. Dès lors, le juge pénal considèrera que tous type de comportement visant à retirer ce qui appartient à autrui sera qualifié d’acte de vol, 80 années après l’article 311-2 est venu préciser que le vol d’énergie s’associe également à cette qualification faite par le juge. Par cet exemple, il apparaît clair que l’interprétation de la loi pénale reste une interprétation exacte, rigoureuse mais aussi malléable dans le sens où le juge adapte le texte à une réalité qui peut différer selon le cas. En d’autres termes, l’aspect subjectif de l’infraction ne pose pas problème du fait du pouvoir d’interprétation accordé au juge pénal. Le principe de légalité criminelle connaît alors un allié dans le procédé d’interprétation.
La CEDH reconnaît le procédé d’interprétation de la loi et considère alors que le juge pénal tient compte des évolutions des pratiques quotidiennes à condition que sa décision
« Reste cohérente avec la substance de l’infraction... ». Un second aspect se dégage ici, celui de la participation du juge quant à la modification des règles applicables, c’est par son pouvoir d’interprétation que certaines règles de droit parfois incomplètes ou obscures sont reprises et modifiées comme ce fut le cas pour l’article 132-71 du Code Pénal définissant la bande organisée, la jurisprudence a su apporter des précisions complémentaires et utiles en donnant des informations sur le nombre constituant cette bande et les motivations frauduleuses auxquelles elle répondrait dans le cadre d’une incrimination.
B –Un choix de méthode d’interprétation par le législateur
Le juge s’est vu imposer une méthode par le législateur en matière d’interprétation qui tendait à ce qu’on puisse maintenir le caractère évolutif des infractions, c’est pour quoi deux méthodes furent exclues : la méthode d’interprétation littérale jugée beaucoup trop figée et la méthode par analogie qui laissait place à l’arbitraire du juge, elle est d’ailleurs prohibée en droit pénal et ne connaît qu’une exception à savoir l’analogie in favorem qui est donc favorable au délinquant. L’analogie in favorem fait d’ailleurs écho au principe de rétroactivité de la loi pénale lorsque celle-ci est plus souple, en effet ce procédé consiste en une rétroactivité « in mitius » de la loi pénale c’est-a-dire que lorsque la loi nouvelle est plus douce que la loi ancienne, elle s’applique rétroactivement aux faits incriminés à la seule condition que ceux-ci n’aient pas été jugés. Plus important encore, cette méthode est d’autant plus exclue car elle suppose une absence de texte, et va à l’encontre du principe de légalité pénale. La méthode analogique était expliquée et critiquée par le juriste Emmanuel Dreyer de la manière suivante : « Sous prétexte qu’un comportement ressemble à un autre pénalement sanctionné, il pourrait être puni de la même façon. »
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