La subjectivisation du contentieux pour excès de pouvoir
Dissertation : La subjectivisation du contentieux pour excès de pouvoir. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Romane Girardin • 23 Novembre 2020 • Dissertation • 2 199 Mots (9 Pages) • 1 136 Vues
La subjectivisation du contentieux pour excès de pouvoir
« Le recours pour excès de pouvoir est l’arme la plus efficace, la plus économique et la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés individuelles ». Cette célèbre formule de Gaston Geze reflète l’avènement d’une conception nouvelle du recours pour excès de pouvoir, qui ne se cantonne pas uniquement à la simple légalité, mais veille également à la défense des libertés et des droits fondamentaux.
Initialement, le recours pour excès de pouvoir - ou recours en illégalité- avait pour seul objet l’annulation des actes administratifs illégaux contraires au droit. Le juge saisi va examiner si ce qui est soumis à son contrôle a bien respecté les normes supérieures qui s’appliquent à l’autorité qui a édicté cet acte (loi, décisions de principe des juges administratifs, Constitution, traités européens et internationaux), autrement dit, les sources de l’acte administratif. S’il est annulé par le juge, l’acte administratif est réputé n’avoir jamais existé et disparaît rétroactivement. Dans l’hypothèse où l’acte est légal, l’administration a donc respecté les normes supérieures. Sa décision n’étant pas arbitraire, il n’y a pas d’excès de pouvoir.
Si l’ensemble de ces critères font indéniablement partie intégrante du recours pour excès de pouvoir, ils sont aujourd’hui insuffisants pour le caractériser. Au gré du temps, le recours pour excès de pouvoir s’est recentré sur les particuliers, sous l’influence de la CEDH, à tel point que sa cloison avec le recours de plein contentieux n’est plus aussi étanche qu’elle n’y paraît, et à tel point que les justiciables ont été dotés de prérogatives nouvelles. Se dessine ainsi une forme de subjectivisation du recours pour excès de pouvoir, qui contraste avec la légalité objective. Le terme « subjectivisation », issu du latin subjectivius renvoie à ce qui se rapporte au sujet. La subjectivisation est donc le processus visant à prendre en compte davantage le justiciable dans le cadre du recours pour excès de pouvoir.
Ainsi, il convient de s’interroger sur les différentes caractéristiques qui permettent de qualifier le recours pour excès de pouvoir d’hybride. Dans quelle mesure les évolutions récentes du droit marquent-elles un processus de subjectivisation du recours pour excès de pouvoir ?
Le recours pour excès de pouvoir a connu une mutation sans-précédent, qui le rapproche du recours de plein contentieux (I). Cette mutation se traduit également par une attention grandissante aux droits des justiciables (II).
I) De la métamorphose du recours pour excès de pouvoir
Le recours pour excès de pouvoir, en conservant son but initial, s’est subjectivisé au fil du temps (A), à tel point qu’il a désormais de nombreuses similitudes avec le recours de plein contentieux (B).
A) Un recours initialement objectif qui tend à s’éloigner de ses fondements
A l’origine, le recours, du latin recuerrere, renvoie au fait de rebrousser chemin, de revenir en arrière. Le recours pour excès de pouvoir, fidèle à son étymologie, vise à l’annulation rétroactive des actes unilatéraux émanant soit d’une autorité administrative, soit d’un organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de service public. Telle est sa mission d’origine. Dans le célèbre arrêt d’assemblée en date du 17 février 1950 Dame Lamotte, le Conseil d’Etat a défini le recours pour excès de pouvoir comme « le recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet d'assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ». Cette définition stricte du recours pour excès de pouvoir a longtemps été celle retenue lorsque des recours étaient portés devant le Conseil d’Etat.
Ainsi, à l’origine, le recours pour excès de pouvoir ne « poursuivait qu’un résultat négatif » - Gaston Jèze, à savoir, l’annulation rétroactive de l’acte illégal. Le recours pour excès de pouvoir est un recours spécifique, en ce qu’il n’est pas un procès l’encontre d’une partie au contrat, mais à l’encontre d’un acte administratif. Tel est son but principal mais aussi son but initial qui reflète son caractère objectif. Le REP n’a donc pas été créé dans l’intérêt du citoyen, mais dans l’unique but de faire respecter l’Etat de droit.
A l’origine la place accordée au requérant dans les procès contre les actes administratifs n’était que minime. Le Recours pour excès de pouvoir donnait un rôle spécial au justiciable, instrumentalisé, et dont l’unique fonction était de permettre, grâce à ses recours, la purgation des actes illégaux. Ainsi, il n’était absolument pas pris en compte, mais n’était qu’un objet utilisé au cours du procès.
Le recours pour excès de pouvoir a toujours été conforme à son but d’origine : garantir la légalité des actes administratifs. En revanche, la conception du requérant-accessoire va évoluer. Progressivement, le recours pour excès de pouvoir va évoluer. Au gré des recours portés devant le Conseil d’Etat, le juge administratif s’attache de plus en plus aux particuliers. Se dessine alors une forme de subjectivisation du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux administratif.
B) Un recours pour excès de pouvoir à la frontière du recours de plein contentieux.
Le recours de pleine juridiction (ou recours de plein contentieux) est celui par lequel un requérant peut demander au juge, en invoquant tous moyens pertinents, de constater l’existence à son profit d’une créance contre l’Etat ou une autre collectivité publique et/ou d’annuler ou de réformer un acte administratif. A titre d’exemple, nous pourrions évoquer l’arrêt Kabi CE 2012, où monsieur Kabi, en plus d’obtenir l’illégalité du refus de l’administration (qui affirmait qu’il ne remplissait pas les critères de réfugié politique), se voit reconnaître le titre de réfugié politique.
La différence entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux est donc le fait que, dans le RPC, l’on peut demander autre chose que l’annulation. La décision du Conseil d’Etat 1912 Lafage, illustre parfaitement cette distinction entre les deux recours.
Mais depuis, la séparation entre le REP et le RPP n’est plus aussi nette. En effet, la CEDH a largement contribué au phénomène de rapprochement entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux. Cette proximité
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