Discours anticlérical de Léon Gambetta du 4 mai 1877
Discours : Discours anticlérical de Léon Gambetta du 4 mai 1877. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar I Mtn • 30 Novembre 2018 • Discours • 2 001 Mots (9 Pages) • 2 660 Vues
« Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi ! », disait le journaliste et député Alphonse Peyrat en 1863. Cette citation conclura en 1877, le discours de son ami Léon Gambetta devant l’Assemblée Nationale, visant à critiquer les positions ultramontaines de certains politiques français.
En 1877, la situation politique française est instable. Patrice de Mac-Mahon est un Président de la République monarchiste, devant un parlement divisé. La chambre des députés est majoritairement républicaine, alors que le Sénat est profondément conservateur. Républicains et monarchistes sont en lutte. La France est fragile : sept ans après la défaite contre la Prusse, une affaire étrangère va déclencher une nouvelle crise au sein du parlement français. Le gouvernement italien fait pression sur le Pape Pie IX qui demande une aide militaire au gouvernement français, décision que soutiennent les monarchistes légitimistes de l’Assemblée nationale.
A cette époque, deux écoles s’affrontent : l’ultramontanisme et le gallicanisme. Les premiers veulent faire prévaloir le pouvoir pontifical sur celui de l’Etat, alors que les derniers prônent une Eglise française indépendante des décisions du Saint-Siège.
Dans ce contexte de crise, Léon Gambetta, républicain, prononce le 4 mai 1877 un discours devant l'Assemblée Nationale, sur les menées ultramontaines. Ce discours est en réalité une réponse au silence du Président du Conseil républicain Jules Simon, jugé trop peu radical face au menée politique de l’Eglise. Effectivement, l’Eglise catholique mène une politique virulente pour réinstaurer le pouvoir temporel du Pape en France.
On peut se demander comment Léon Gambetta explique le danger du « cléricalisme » dans son discours, face à une France majoritairement et profondément catholique ? Également, on peut se demander quels sont les enjeux politiques de cette décision ? Léon Gambetta va présenter une Eglise ennemi du peuple. Une Eglise omniprésente, de l’éducation jusqu’au gouvernement pour effrayer les députés, monarchistes comme républicains. Mais son discours vise également à discréditer le gouvernement en place. Léon Gambetta veut montrer la force et la droiture de son parti pour légitimer leurs idées républicaines. Tout l’enjeu est pour lui d’empêcher une intervention de la France à Rome.
Sauver le Pape, reviendrait à sauver une restauration monarchique en échec. Car mettre l’Etat sous la gouvernance d’un Pape serait reconnaître la légitimité d’un Roi en vue des valeurs catholique. Il faut donc décrédibiliser l’Eglise catholique et sa propagande politique.
Léon Gambetta dénonce une Eglise omniprésente. « […] dans toute l’Europe, dans tout l’univers, on voit des pasteurs se lever, […] se livrer à la même ardente propagande ». Cette omniprésence n’est selon lui pas une présence protectrice. L’idée de « propagande » qu’il émet est celle d’une Eglise qui manipule les foules, les pieux, les politiques, pour accéder au pouvoir et placer à sa tête le Pape. « […] on voit des pasteurs se lever, prononcer les mêmes discours, écrire les mêmes lettres […] » : il appuie sur l’adjectif « mêmes » pour montrer que l’Eglise veut homogénéiser les pensées, en une seule pensée conforme. Celle que le Pape a droit à sa primauté sur l’Etat.
Il est important pour Gambetta de préciser le fait que l’Eglise veut remplacer l’Etat, donc les républicains et les monarchistes au pouvoir. Il faut qu’il fasse peur à son camp, mais surtout à son camp adverse, qui soutient, en partie seulement, le Pape Pie IX. L’Eglise manipule les personnes de l’enfance à l’âge adulte, par l’éducation : « On a demandé à enseigner, d’abord les petits, les humbles, puis on s’est élevé à l’enseignement secondaire, et aujourd’hui, à l’enseignement supérieur ». Cela, au « détriment de l’Etat ». Depuis 1870, l’Eglise à reprit en main une partie de l’éducation nationale, pour soulager les municipalités après la guerre, ce qui est très critiqué par certains comme Montalembert, ancien député de la IIème République. Gambetta parle d’un véritable envahissement de la propagande religieuse : « On pense à l’effrayante multiplications des ordres religieux, les congrégations de toutes sortes, hommes et femmes, offrent le spectacle […] ». On peut observer le fait qu’il utilise presque constamment dans ce discours le déterminant « on », qui lui permet soit de parler au nom de l’Eglise, comme pour s’exprimer indirectement pour elle, et renforcer la vérité de ses propos, lignes 21 et 38. Soit, pour que son discours concerne monarchistes et républicains, que le parti adverse ne se sente pas exclu par le « on », contrairement au « nous », lignes 30 et 40. L’utilisation récurrente d’énumération lui permet d’accentuer l’effet d’envahissement, et d’oppression qu’il veut mettre en lumière.
Il s’agit également pour Gambetta, de montrer à l’Assemblée nationale une Eglise qui veut et va progressivement remplacer le pouvoir en place. « Nous en sommes arrivés à nous demander si l’Etat n’est pas maintenant dans l’Eglise […] ». Mais cette arrivée progressive au pouvoir ne se fait pas uniquement de par la manipulation du peuple, mais de par la manipulation des députés. Lorsqu’il parle du Sénat (« Haute Assemblée »), il prétend que les élections leur servent à « […] y introduire une haute individualité du personnel des comités catholiques ». Le Sénat, très conservateur, serait une porte d’entrée pour l’Eglise pour accéder au pouvoir. Car l’Eglise ne respecte selon lui pas du tout l’Etat, sa hiérarchie et ses décisions : « On s’est habitués sous l’influence de doctrines lâches et molles, sous l’influence de sophismes, contre la puissance de l’Etat, contre le rôle de l’Etat […] ». Il faut convaincre les députés qu’aujourd’hui, l’Eglise prêche le mensonge : « doctrines lâches et molles », « sophismes », « influence ». On retrouve sans cesse un champ lexical se rattachant à celui de la manipulation. Il parle même « d’usurpation de l’esprit clérical ». Il ne s’agit plus de la bonne « vieille Eglise de France » de leur époque. Respectueuse de la foi.
Il veut également effrayer les républicains sur le fait qu’il s’agit d’un danger pour la République et pour les idées que prônent le parti : « L’Eglise est arrivée à supprimer tous les séminaires de France, […], l’enseignement des libertés gallicanes, et à proscrire comme hérésie tout ce qui rappelait la vieille Eglise de France […] ». Il est important de rappeler que le Concordat signé par Napoléon pendant le second Empire, garantissait au Pape une primauté sur la population catholique française, mais comportait des règles organiques qui permettait à l’Etat un contrôle des nominations et des déclarations de l’Eglise sur son territoire. Selon Gambetta, même ces règles organiques sont donc menacées. Et si la position du Pape est légitimée par la France, alors la position des monarchistes au pouvoir aussi. Les républicains sont donc très menacés.
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