Selon vous, peut-on considérer la solitude comme un cadeau que l’on se fait à soi-même ?
Synthèse : Selon vous, peut-on considérer la solitude comme un cadeau que l’on se fait à soi-même ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar clematator • 10 Décembre 2020 • Synthèse • 1 871 Mots (8 Pages) • 923 Vues
Ecriture personnelle : corrigé
Sujet : Selon vous, peut-on considérer la solitude comme un cadeau que l’on se fait à soi-même ?
Compréhension du sujet :
- Affirmation paradoxale car habituellement solitude = expérience pénible => distinguer solitude subie de solitude choisie
- « Un cadeau que l’on se fait à soi-même » => se demander si se ménager des moments de solitude ne bénéficie pas aussi aux autres, et pas seulement à soi.
Devoir rédigé :
Dès sa naissance, l’être humain fait l’expérience de la solitude, et toute sa vie il cherchera à retrouver la chaleur et la protection que lui offrait le cocon du ventre maternel. N’est-il donc pas paradoxal de se demander si la solitude peut être considérée comme un cadeau que l’on se fait à soi-même ? Tout d’abord, nous montrerons que la solitude, quand elle est subie, est une épreuve terrible. Mais il ne faut pas oublier que se ménager des moments de solitude est source de bienfaits non seulement pour soi-même, mais aussi pour les autres.
Se retrouver seul sans l’avoir voulu, et parfois sans y avoir été préparé est une des pires choses qui puisse arriver à un être humain. L’exemple le plus célèbre est Robinson Crusoë. De nombreux romanciers et cinéastes se sont inspirés de cette histoire d’un marin qui se retrouve, suite à un naufrage, sur une île déserte. Dans le roman de M. Tournier, Robinson découvre, grâce à un miroir, qu’après des mois d’absence de compagnie humaine son visage est éteint, comme gelé, ce qui montre bien que ce sont les échanges avec nos semblables, échanges de regard, de paroles, qui nous animent intérieurement et physiquement. Par chance, il découvre aussi que la gueule de son chien Tenn, quand celui-ci le regarde, s’ouvre comme s’il lui souriait, et ainsi il réapprend à sourire et s’humanise à nouveau.
En effet, nous avons tous besoin de nous sentir aimé, de compter pour les autres, et on peut comprendre que voir les autres se détourner de soi puisse conduire au suicide, tel L. Levauchelle, une « gueule cassée » du roman La chambre des officiers, quand il comprend à quel point sa femme et ses enfants le fuient.
L’exclusion de ceux qui sont différents, ou pas intégrés à la société pour des raisons financières ou morales, la discrimination dont ils sont victimes, les enferme dans un isolement cauchemardesque, qui les fera se replier sur eux, craindre d’aller vers les autres, car leur indifférence ou leur mépris leur fait trop mal. C’est ce que montre Maupassant quand il raconte comment Boule-de-Suif, rejetée en tant que prostituée par les autres voyageurs alors qu’elle a été si généreuse avec eux pour qu’ils l’acceptent, se met à pleurer sans pouvoir s’arrêter, et préfèrerait se cacher d’eux. C’est pourquoi il faut aider ces personnes en allant vers elles, en les accompagnant dans la reconquête de leur estime de soi, de leur plaisir à vivre, qui dépendent de leurs relations aux autres. Dans le film De rouille et d’os, Stéphanie, honteuse de son corps dont elle imagine qu’il a perdu toute séduction depuis qu’elle a été amputée des jambes, revit grâce à Ali qui la sort de sa réclusion volontaire dans son appartement. De même, la pratique solidaire des cafés suspendus où chaque consommateur permet à une personne qui n’a pas les moyens d’entrer dans un café et de profiter de ce lieu avec d’autres, crée du lien et du réconfort.
Il faut dire que nos sociétés contemporaines sont génératrices de solitude imposée par les modes de vie : nous nous côtoyons sans cesse mais communiquons très peu en fait. Ainsi dans le film Her l’avenir qui nous est montré n’est pas très éloigné de ce que nous vivons déjà : des habitants d’une mégalopole sans cesse connectés à leur smartphone, que ce soit dans le métro ou dans les rues, chacun évoluant dans sa bulle. La vie du héros, Theodore, se résume à un dialogue constant avec les machines : consulter ses mails, en envoyer, regarder des photos de femmes dénudées sur son portable, jouer à des jeux virtuels, pratiquer le cybersexe la nuit[1]. Au Japon, pays dans lequel la solitude touche beaucoup de monde, le recours aux nouvelles technologies est très important. Une société a même créé une épouse holographique et les clips publicitaires en présentent la cible comme étant de jeunes salariés soumis à des horaires impossibles, rentrant tard le soir, n’ayant que le temps de regarder la TV quelques minutes avant de s’effondrer dans le lit puis de repartir le lendemain matin pour une nouvelle journée épuisante…Quant aux adolescents qui ne supportent pas cette pression permanente dès l’école, cette violence sociale de la compétition permanente, ils peuvent être incités à ne plus sortir de leur chambre, en tête-à-tête avec leur ordinateur, et cela pendant des années parfois, victimes d’une véritable phobie sociale. Ce phénomène des hikikomoris s’étend hélas désormais à d’autres pays. Cette coupure d’avec la société ne peut être considérée comme un véritable choix, car même si elle est au début le moyen trouvé pour se protéger des contraintes sociales, l’individu en est vite prisonnier et victime, on ne peut donc parler d’un « cadeau que l’on se fait à soi-même ».
Il n’en demeure pas moins que[2] savoir se ménager des moments de solitude procure des bienfaits inestimables.[3]
Tout d’abord c’est un moyen de s’offrir une autre façon d’occuper le temps et l’espace, de respirer enfin. Au lieu de courir d’un endroit à un autre, de faire le maximum de choses dans sa journée, on fait un pas de côté, chez soi pour les plus casaniers, ou en se promenant dans un parc, le long d’un fleuve ou dans une forêt pour se ressourcer. Et le faire sans compagnie permet de se libérer aussi de l’obligation de « faire la conversation », de parler pour parler, par peur du silence. On peut alors se plonger dans une rêverie, ou dans un moment d’introspection, de méditation ou de contemplation comme le voyageur du tableau de Friedrich. Au lieu d’être sans cesse distrait ou sollicité par la présence humaine, on porte enfin un regard attentif sur sa vie et sur le monde. C’est ce qu’a ressenti Sylvain Tesson et qu’il relate dans son roman intitulé Les forêts de Sibérie quand il a vécu en ermite six mois en Sibérie dans une cabane en pleine nature. Après un premier moment d’angoisse à se retrouver absolument seul, il a compris à quel point « la présence des autres affadit le monde », et le moindre élément de son environnement est devenu précieux et émouvant.
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