Fiche de lecture, Serial social : confessions d'une assistante sociale, Les liens qui libèrent. Elise Viviand
Fiche de lecture : Fiche de lecture, Serial social : confessions d'une assistante sociale, Les liens qui libèrent. Elise Viviand. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar adliso • 30 Août 2018 • Fiche de lecture • 2 411 Mots (10 Pages) • 1 613 Vues
DC2 : expertise sociale (contrôle continu)
Fiche de lecture
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Réalisée par Souad BEL HAOUARI
ASS1 2018-2019 Cursus allégé
- Presentation
- Ouvrage
VIVIAND (Elise), Serial social : confessions d’une assistante sociale, LES LIENS QUI LIBERENT, 155p.
- Thèmes
A travers son expérience, l’auteure décrit son métier d’assistante de service social, ses relations avec les équipes, les usagers, les partenaires institutionnels et autres. Elle dépeint également en filigrane la réalité sociale du pays, celle des usagers, celle du système de protection sociale et la sienne.
- Mots clés : assistante sociale, témoignage, pratique professionnelle, protection sociale
- Les idées principales
L’auteure donne sa définition de son métier d’assistante de service social qui est très paradoxale. On oscille entre la super-héroïne et la simple exécutrice. Elle dénonce le système de protection sociale, qui, d’après elle est sclérosé par des influences libérales, ne protège ni les plus faibles ni ses propres salariés. Ces derniers, les travailleurs sociaux, sont broyés, usés et peu considérés.
- Résumé
Je suis assistante sociale et de grâce, épargnons-nous d’emblée les clichés dont l’imaginaire collectif est saturé. Non je ne distribue pas l’argent public à tout va et je ne suis pas non plus une ogresse voleuse d’enfants. La réalité de mon travail est beaucoup plus complexe, déroutante, passionnante, fatigante, émouvante, exaspérante, tout ça en même temps parfois. Ah oui, une petite précision : je ne prétends en aucune façon être le porte-parole de ma profession. Il s’agit là d’un témoignage tout à fait personnel.
J’ai embrassé cette carrière avec une foi inébranlable et un soupçon d’orgueil. Jeune professionnelle et pleine d’entrain, j’ai intégré un centre pour toxicomanes. Mais très vite, la solitude et la fatigue m’ont ramené à plus d’humilité. Cette expérience peut se résumer par beaucoup d’investissement et peu de rendement. Et des visages, dont celui de Mourad, que je n’oublierai jamais, lui pour qui je me suis tant battue, envers et contre tous et contre ce maudit système, lui qui en est mort trop tôt. La résignation a gagné du terrain, je ne faisais plus mon travail correctement, je négligeais les patients. J’avais besoin d’un nouveau souffle.
J’ai pris un nouvel élan en étant recrutée dans un nouveau centre mères-enfants où tout était à construire. Trouver un logement à des femmes fragilisées et à leurs bébés, quel beau défi ! Mais encore une fois l’enthousiasme du début a laissé place au désenchantement. Quand je le peux, j’arrive tout de même encore à redoubler d’énergie et à retrouver ce sentiment de toute puissance, avec la volonté sans faille que JE contredirai les logiques administratives, budgétaires, temporelles. Et que oui, JE trouverai un hébergement pour cette dame et son enfant. Manque de sommeil, lassitude, sentiment de culpabilité et de solitude, colère, frustration : tout cela cumulé pendant des mois a fait de moi une véritable cocotte-minute. J’ai fini par craquer. J’ai eu droit à mon burn out en bonne et due forme. Maintenant j’essaie de prendre plus de distance, de relativiser, pour me préserver, personnellement et professionnellement. Mais sans oublier mes valeurs, mes rêves, ces rencontres qui n’ont pas de prix, bref, tout ce qui me fait vibrer dans ce métier.
Pourquoi tant de souffrance me diriez-vous ? Et pourquoi continuer aussi ? Et bien les raisons ne manquent pas. Je dis souvent qu’être assistante sociale s’apparente à de la schizophrénie tant les logiques sont contradictoires, les injonctions paradoxales. On exige de nous d’être des pions, voire même le bras armé d’un système de protection social incohérent dont les acteurs ne protègent que leurs intérêts. Par exemple, la décentralisation fait que chaque département refuse de prendre en charge ceux qu’il estime relever du département voisin.
Ensuite, on s’autogargarise quand une solution est trouvée pour une personne alors que tant d’autres restent sur le carreau car ils n’entrent pas dans les cases officielles des dispositifs. Et dire que certains prétendent que notre système d’aide sociale est trop généreux ! Même quand les professionnels sont consciencieux et pas trop épuisés, ils sont débordés. On leur demande de faire toujours plus avec de moins en moins. Ainsi s’opère un tri des personnes accompagnées. Inhumain. Violent. Car le paradigme du social a changé. Aujourd’hui, le temps est à la marchandisation, l’industrialisation, la rationalisation du social. Il faut « démarcher » les usagers. Place aux ogres associatifs qui dévorent les petites associations. Chiffre, rendement, logique comptable, copinage avec les politiques. Ces derniers usent de clichés souvent teintés de racisme pour décrire les réalités sociales. C’est ainsi que des représentations caricaturales sont véhiculées, faisant de l’assistante sociale une figure inutile qui dilapide l’argent public pour des hordes d’assistés et/ou étrangers. Je m’insurge contre cette idée que l’étranger retire le pain de la bouche des Français. D’ailleurs, tous les travailleurs sociaux savent que c’est faux.
Et l’humain dans tout ça ? Les gens sont résumés à des papiers, des dossiers. Ils subissent parfois une violence inouïe de la part de certains professionnels qui manquent cruellement d’éthique et de compassion. La déception et la colère peuvent être telles qu’ils en arrivent à péter les plombs, à sortir de leurs gonds. Je n’ai moi-même trouvé que peu de soutien chez les autres professionnels. Je ne compte pas les réunions stériles et interminables, des coéquipiers (médecin, psy, chef de service) déconnectés, distants, ayant peu de considérations sur les situations des usagers. Pas tous heureusement mais la plupart quand même.
L’assistante sociale, quant à elle n’est qu’un maillon, qui fait face à la lourdeur administrative, impuissante. Souvent une femme, modeste, elle reçoit, encaisse la misère, les frustrations, la colère des gens. Elle espère être utile, accueille de façon inconditionnelle, ne s’apitoie pas, ne se révolte pas. Elle est le témoin impuissant de la réalité, ne peut pas sortir un lapin du chapeau. Souvent il n’y a pas de solution, alors elle écoute simplement et explique que les délais sont longs. C’est un métier usant répétitif et morne. Il m’est arrivée de me sentir obligée, par devoir civique de tenir des discours qui me donne la gerbe. C’est cela aussi être assistante sociale. Faire ce métier, c’est porter un masque, pas le choix. A d’autres moments c’est l’inverse. Il y a des rencontres magiques, si émouvantes qu’il est difficile de rester dans le costume d’assistante sociale. Plusieurs fois j’ai agi en tant que personne, et je n’ai pas du tout eu une attitude professionnelle. Il m’est arrivée également d’être submergée par l’émotion. Trop heureuse d’avoir trouvé une solution à laquelle j’osais à peine croire ? Ou peut-être était-ce dû à l’ascenseur émotionnel suite à trop de difficultés, trop de souffrance ? Les deux sans doute.
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