Atteindre le bonheur

Dissertation Finale : Ayhem Cheikh (G.38)

Durant la Grèce Antique, autour du 6e siècle av. JC, Démocrite est le premier philosophe à évoquer le concept d'ataraxie, qui se réfère à la tranquillité de l'âme résultant de la modération et de l'harmonie de l'existence. Cet état de quiétude étant assimilé au bonheur, l’Ataraxie devient un objectif spirituel à atteindre. Ainsi, le philosophe Épictète suggère que pour atteindre l’Ataraxie il faut nécessairement faire une introspection, puisque celle-ci permet d’atteindre la paix intérieure qu’apporte la sagesse à travers le détachement émotionnel de tout événement, de plus qu’elle permet d’acquérir de la liberté vis-à-vis de la source du bonheur qui devient l’individu-même. En revanche, cette introspection peut engendrer un dysfonctionnement psychologique et devenir ainsi une source de souffrance. Néanmoins, l'introspection préconisée par Épictète permet d'éprouver des passions naturelles tels que l'amour ou la compassion, et surtout de manière saine, sans se laisser dominer par ces émotions.

Premièrement, l'introspection permet d'accéder à une forme de sagesse et d'élévation de l’âme qui est intrinsèquement bonne et souhaitable surtout pour vivre dans la société, puisque cela consiste à prêter attention à ses comportements et ses pensées et donc de rendre sa personne meilleure. On peut définir le concept de sagesse comme une compréhension globale du monde qui nous entoure notamment au billet de l'introspection. On peut éduquer notre âme à délaisser l'usage des représentations qui peut être défini par une sorte d'automatisme qui permet d'associer un fait à l'idée qu’on se fait de ce dernier. Le philosophe Épictète avance dans son ouvrage le Manuel d’Épictète dans la partie IV Sur l'usage des représentations : « ce qui te cause du tort, ce n'est pas qu’on t’insulte ou qu'on te frappe mais l'opinion que tu as qu’on te fait du tort. Donc, si quelqu'un t'a mis en colère, sache que c'est ton propre jugement qui est le responsable de ta colère. Essaie de ne pas céder à la violence de l'imagination : car, une fois que tu auras examiné la chose, tu seras plus facilement maître de toi. » Ainsi, dans cet extrait Épictète préconise de ne pas prêter attention à notre opinion d’un fait et le traiter de manière objective. Cela consiste, dès qu'une image vient nous troubler l'esprit : « [à nous dire] à son sujet :  ‘‘tu n'es que représentation et non la réalité dont tu as l’apparence.’’ […] et si elle ne dépend pas de nous, [il faut être] prêt à dire : ‘‘cela ne nous regarde pas.’’ » Cette élévation de l'âme permet au sage d'atteindre une sorte de paix intérieure puisque cette méthode suggère un cheminement intellectuel dans le but d’améliorer sa maîtrise de soi-même, et ainsi, permettant d’atteindre la paix et la tranquillité de l’âme, désignée aussi par l’Ataraxie. Lorsque Épictète lui-même était esclave, son maître lui a tordu la jambe sans qu'il ne manifeste de souffrance: « Comme son maître lui tordait la jambe, lui souriant, disait sans émotion : – Tu vas la casser ; et quand la jambe fut cassée, il ajouta : – Ne te disais-je pas que tu allais la casser? » (1) Grâce à l'introspection, il est possible d'acquérir une forme de sagesse et de maîtrise de soi, ce qui permet de ne pas être affecté par les événements de la vie.

Deuxièmement, en règle générale, lorsqu'un individu se retrouve dépassé par la vie, il se compte de l'importance de la connaissance de soi pour trouver la paix intérieure pour savoir gérer ce genre de situations. En effet, en s’introspectant c'est-à-dire en observant, analysant, par la personne elle-même, sa vie intérieure (2) et en examinant quotidiennement nos pensées afin de différencier ce qui dépend de nous (l'ensemble de nos actions et de nos pensées) et ce qui n'en dépend pas, donc toute autre réalité. En abandonnant tout ce qui sort hors de notre portée on peut acquérir une liberté sur notre source de bonheur. En effet, si on accroche notre bonheur à une autre source en dehors de nous-mêmes cela peut causer du malheur et des souffrances et atteindre le bonheur serait dans ce cas-là difficile, car dépendant de conditions extérieures à nous-mêmes. Donc en nous libérant de tous ce qui ne dépend pas de nous on pourra se focaliser sur ce qui est susceptible de nous apporter l’Ataraxie, et donc la tranquillité et la paix de l’âme, car la seule source de ce bonheur sera la personne même, car elle ne dépend pas de facteurs extérieurs. Ainsi, on peut voir dans l'introspection quotidienne une forme de libération puisque la pensée et le désir d’un individu appartiennent à ce dernier, dans le sens où il ne peut être contrarié par aucun obstacle. Comme l’exprime Épictète dans son ouvrage le Manuel d’Épictète, dans la partie III La liberté selon Épictète: « Donc, rappelle-toi que si tu tiens pour libre ce qui est naturellement esclave et pour un bien propre ce qui t’est étranger, tu vivras contrarié, chagriné, tourmenté; tu en voudras aux hommes comme aux dieux; mais si tu ne juges tien que ce qu'il l’est vraiment - et tout le reste étranger -, jamais personne ne saura te contraindre ni te barrer la route; tu ne t'en prendras à personne et n'accuseras personne, ne feras jamais rien contre ton gré, personne ne pourra te faire de mal et tu n'auras pas d’ennemi puisqu'on ne t'obligera jamais à rien qui soit mauvais pour toi. » En suivant ce principe, l’Ataraxie serait facile d’accès grâce à l’introspection qui permet d’acquérir cette liberté sur le bonheur. Ainsi, bien qu’il ne soit pas une figure du stoïcisme, lors de sa condamnation, Socrate considérait que personne ne pouvait le nuire à part lui-même en faisant preuve d’injustice (en violant les lois d’Athènes) (3). On retrouve donc, cette conception la liberté dans le bonheur puisque la seule source de souffrance et de malheur que peut subir Socrate provient de ces actions et donc de lui-même. Ainsi, l’introspection permet d’atteindre l’Ataraxie en permettant d’être sa seule source de bonheur.

Par ailleurs, cette méthode suggérée par Épictète implique une autoanalyse constante de l’ensembles de ses pensées et de ses actions, qui peuvent conduire à l’altération des facultés mentales de l’individu soit : par une rumination incontrôlée qui pourrait devenir une source d’angoisse et de stress, ou encore à force de s’introspecter et de maîtriser ses émotions, on peut développer certaines pathologies comme l’apathie, qui décrit l’état d'une âme devenue volontairement impassible, insensible. (2) En effet, en se concentrant uniquement sur ce qui dépend ne nous en ignorant tout le reste, on finit par se concentrer de manière excessive sur ses défauts et ses erreurs, devenant ainsi, une source de frustration. Dans cette perspective, l’introspection peut être vue comme ayant une issue négative et donc contraire à toute paix ou tranquillité de l’âme, qu’est l’Ataraxie. Par exemple, à force de rumination un individu peut être quotidiennement exposé au stress conduisant à une perte d’estime de soi et développant le trouble d’anxiété, plongeant cet individu dans le malheur et l’incapacité d’accomplir ses activités habituelles. (7) Dans cette mesure, le philosophe Schopenhauer avance que la conscience de soi résultante de l'introspection peut conduire à la douleur et à la souffrance.  Puisque la connaissance de soi-même permet de prendre conscience de nos désirs insatiables et de l’inévitable souffrance dans la vie car selon lui plus on est conscient de notre condition plus on est affecté par ce malheur: « Selon que la connaissance s’éclaire, que la conscience s’élève, la misère aussi va croissant; c’est dans l’homme qu’elle atteint son plus haut degré, et là encore elle s’élève d’autant plus que l’individu a la vue plus claire, qu’il est le plus intelligent. » (4) Et donc, on peut comprendre que l'autoévaluation permet la conscience de soi qui peut aggraver cette souffrance en révélant l'insatisfaction de nos désirs et de nos aspirations. De plus, à force de maîtriser émotions, un individu peut également finir par perdre la joie de vivre, puisqu’en se focalisant sur leurs canalisations et par voir tout évènement comme un fait objectif, il peut aussi perdre toute capacité à être heureux puisque le bonheur rentre dans l’ordre des émotions. Donc, dans le cas d’une rumination ou d’apathie, on peut constater que l’introspection peut entraîner une conséquence de malheur et n’apporte donc pas l’Ataraxie. 

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