Sijie, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, Gallimard, « Folio »
Note de Recherches : Sijie, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, Gallimard, « Folio ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Azerty88azerty • 4 Janvier 2015 • 340 Mots (2 Pages) • 1 206 Vues
Sijie, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, Gallimard, « Folio », 2000,
pp. 70-75. 1%
À notre retour, le Binoclard nous passa un livre, mince, usé, un livre de Balzac.
[...]
Le Binoclard hésita-t-il longtemps avant de choisir de nous prêter ce livre? Le pur hasard conduisit-il sa main ? Ou bien le prit-il tout simplement parce que, dans sa valise aux précieux trésors, c’était le livre le plus mince, dans le pire état ? La mesquinerie guida-t-elle son choix ? Un choix dont la raison nous resta obscure, et qui bouleversa notre vie, ou du moins la période de notre rééducation, dans la montagne du Phénix du Ciel.
Ce petit livre s'appelait Ursule Mirouët.
Luo le lut dans la nuit même où le Binoclard nous le passa, et le termina au petit matin. Il éteignit alors la lampe à pétrole, et me réveilla pour me tendre l’ouvrage. Je restai au lit jusqu’à la tombée de la nuit, sans manger, ni faire rien d’autre que de rester plongé dans cette histoire française d’amour et de miracles.
Imaginez un jeune puceau de dix-neuf ans, qui somnolait encore dans les limbes de l’adolescence, et n’avait jamais connu que les bla-bla révolutionnaires sur le patriotisme, le communisme, l'idéologie et la propagande. Brusquement, comme un intrus, ce petit livre me parlait de l’éveil du désir, des élans, des pulsions, de l’amour, de toutes ces choses sur lesquelles le monde était, pour moi, jusqu’alors demeuré muet.
Malgré mon ignorance totale de ce pays nommé la France (j’avais quelquefois entendu le nom de Napoléon dans la bouche de mon père, et c’était tout), l’histoire d’Ursule me parut aussi vraie que celle de mes voisins. Sans doute, la sale affaire de succession et d’argent qui tombait sur la tête de cette jeune fille contribuait-elle à renforcer son authenticité, à augmenter le pouvoir des mots. Au bout d’une journée, je me sentais chez moi à Nemours, dans sa maison, près de la cheminée fumante, en compagnie de ces docteurs, de ces curés... Même la partie sur le magnétisme et le somnambulisme me semblait crédible et délicieuse
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