DUR DUR D’ÊTRE UNE FEMME À LA TÉLÉ!
TD : DUR DUR D’ÊTRE UNE FEMME À LA TÉLÉ!. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Anders Turgeon • 6 Mai 2017 • TD • 3 524 Mots (15 Pages) • 754 Vues
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
DUR DUR D’ÊTRE UNE FEMME À LA TÉLÉ!
PAR
ANDERS TURGEON
CERTIFICAT DE RÉDACTION
FACULTÉ DE L’ÉDUCATION PERMANENTE
TRAVAIL PRÉSENTE À BLANCHE WISSEN
DANS LE CADRE DU COURS RED3000
ATELIER DE RÉDACTION PROFESSIONNELLE
JUDITH LUSSIER (HORS F.E.P.) 7 AVRIL 2015
POUR L’ACTUALITÉ
Femmes à la télévision québécoise
Dur dur d’être femme à la télé!
Travailler à la télévision représente un défi de taille pour les femmes au Québec. Leur apparence est scrutée à la loupe contrairement aux hommes : maquillage, coiffure, vêtements, poids, cheveux gris, rides, tout y passe. Regard sur les standards de beauté au féminin du petit écran québécois.
En Australie, l’animateur télé Karl Stefanovic a beaucoup fait parler de lui. Le coanimateur du Today, l’émission matinale de la chaîne Nine, a porté le même complet bleu chaque jour, pendant une année complète. Personne n’a noté ce détail important. Les téléspectateurs lui envoient des courriels surtout à propos de ses entrevues et de son humour. M. Stefanovic a tenté cette expérience pour dénoncer le sexisme dont est quotidiennement victime sa coanimatrice Lisa Wilkinson qui ne reçoit que des commentaires négatifs sur ses vêtements ou sa coiffure de la part des téléspectateurs.
Cette histoire soulève des questions à propos de la pression mise sur le dos des femmes pour bien paraître devant les caméras. En se penchant sur le cas des professionnelles de la télévision québécoise, il y aurait lieu de se questionner sur la manière dont ces femmes doivent se conformer aux diktats de beauté propres au petit écran de la Belle Province. La pression sociale que connaissent les femmes pour être belles et performantes est transposée au petit écran.
Nous nous pencherons sur trois types de professionnelles de la télévision : les journalistes, les animatrices et les comédiennes. Nous examinerons les caractéristiques de cette pression centrée sur l’apparence des femmes : le recours aux artifices corporels — la mode, le maquillage et la coiffure —, le poids et la vieillesse. Il est intéressant d’analyser le cas de la tyrannie de la beauté à la télévision au Québec : les professionnelles apparaissant devant la caméra n’échappent pas à cette dictature de l’apparence.
La beauté mise en scène
« La beauté de l’homme est dans son esprit, et l’esprit de la femme dans sa beauté », dit un proverbe arabe. Historiquement, l’apparence féminine a été plus souvent valorisée que l’intelligence, que ce soit dans la peinture, la littérature, la sculpture ou la photographie. Plusieurs facteurs expliqueraient cette valorisation de la beauté chez les femmes : leur statut social, leur capacité de reproduction, l’évolution de la mode et la révolution industrielle entre autres. Lorsque la femme est apparue à la télévision, l’embellissement de l’apparence est devenu une norme à laquelle elle a dû se soumettre.
Avec l’établissement de critères de beauté télévisuels, les femmes travaillant devant les caméras se soumettent à une « mise en scène » de leur apparence. Des caractéristiques entrent dans cette « mise en scène » : de beaux cheveux bien coiffés, un visage impeccablement maquillé, des vêtements à la mode et l’utilisation d’accessoires tels que des bijoux ou des chapeaux. Selon Mariette Julien, professeure à l’École supérieure de mode de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), directrice du Groupe de recherche sur l’apparence (GRAP) et spécialiste de la médiatisation du corps et de l’image, l’apparence féminine bien présentée contribue à la rentabilité de la chaîne de télévision. « Il est important d’être attirant visuellement pour amener des cotes d’écoute. […] Le marketing est entré [dans cette quête des cotes d’écoute], car les médias ne peuvent survivre sans publicité. Le tout est relié au monde capitaliste marchand actuel », souligne-t-elle. La beauté féminine devient ainsi un facteur décisif. Soumises davantage à des impératifs liés à l’apparence par rapport à leurs collègues masculins, les femmes travaillant devant les caméras sont amenées à plaire aux téléspectateurs. Elles doivent toujours apparaître impeccablement grimées, bien vêtues et avec de beaux cheveux bien coiffés.
Pascale Nadeau, journaliste et chef d’antenne du Téléjournal les fins de semaine à Ici Radio-Canada Télé, nuance cette idée que bien paraître à la télévision pour les femmes constitue un impératif, du moins dans le monde journalistique : « Très honnêtement, je ne suis pas du tout persuadée qu’il existe des “diktats” de beauté dans mon domaine. Je crois que la compétence prime sur tout le reste, car sans cela, il n’y aurait pas [de] grande carrière à avoir en journalisme! » Lili Boisvert, journaliste multiplateforme à Radio-Canada et auteure du blogue Originel sur le site web de la société d’État, adhère à cette idée que les compétences possèdent une place en journalisme au féminin : « Ce qui est un enjeu, c’est le fait que, si on est née avec un vagin et qu’on veut faire [le] métier [de journaliste], il va falloir passer par un processus de modification corporelle qui est beaucoup plus poussé que si on a un pénis et qu’on fait ce métier. »
Néanmoins, Mariette Julien et Lili Boisvert insistent sur la primauté de la beauté féminine à la télévision. Ayant été appelée à participer à des émissions en tant qu’experte de la question de l’apparence et du monde de la mode, Mme Julien témoigne en connaissance de cause : « À la télé, nous sommes magnifiées avec l’aide de maquilleurs et de coiffeurs [ainsi que] des caméramans qui recherchent les angles les plus flatteurs. » Mme Boisvert renchérit sur sa propre expérience à la télévision d’Ici Radio-Canada : « Nous pouvons être appelés à aller en ondes à la dernière minute. Nous avons un laps de temps pour nous préparer. Pour les femmes, il faut passer au maquillage et à la coiffure : cela peut prendre [environ] 45 minutes. Je regarde mes collègues [masculins] et ça leur prend juste 5 minutes. Il y a un écart de 40 minutes [durant lequel] je ne peux pas préparer ce que je dois dire en ondes. Je ne peux pas faire mes recherches ni faire mes appels téléphoniques. »
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