Global sixties et moivements lgbtq
Étude de cas : Global sixties et moivements lgbtq. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Arthur KAMARA • 4 Mai 2020 • Étude de cas • 3 772 Mots (16 Pages) • 634 Vues
Vendredi 27 mars 2020 Gabrielle JOURDE Arthur KAMARA Sarah KIAMIE
Les mouvements d’émancipation homosexuels en Amérique du Nord et en Europe occidentale durant les Global Sixties
À l’été 1960, l’Assemblée Nationale française adopte l’amendement Mirguet, du député gaulliste du même nom, qui classe l’homosexualité parmi les “fléaux sociaux à combattre”, au même rang que l’alcoolisme ou la tuberculose. La décennie des Global Sixties s’ouvre donc sur cette perspective aussi légale que symbolique de discrimination instituée. Vingt ans plus tard, l’homosexualité est dépénalisée en France et les États-Unis interdisent à l'échelle fédérale toutes les discriminations à l’emploi contre les personnes homosexuelles ou non-binaires. Que s’est-il passé entre temps ? Comment s’est organisée la lutte pour les droits des minorités sexuelles ? Quels sont les événements marquants en Europe Occidentale et en Amérique du Nord ?
Les Global Sixties marquent l’émergence de revendications d’émancipation collective de différents groupes sociaux contre l’ordre établi des générations précédentes avec des mobilisations organisées autour de mouvements aussi variés que les droits civiques, le refus de la guerre coloniale et la liberté sexuelle avec mai 68. Ces mobilisations prennent un caractère international d’ampleur face à l’interconnectivité toujours plus grande des sociétés et c’est donc une période d’ébullition autant en Amérique du Nord qu’en Europe occidentale. Dans des contextes historiques et sociaux pourtant différents, on retrouve une similitude de modes d’action, de revendications et de contestations politiques et sociales et particulièrement en ce qui concerne le mouvement homosexuel.
L’histoire de la lutte homosexuelle ne peut être étudiée aujourd’hui que dans une perspective intersectionnelle, qui prenne en compte les spécificités de chaque identité sexuelle et de genre. C’est pourquoi nous tenterons de nous intéresser à l’émancipation de toutes les minorités LGBTQ+ (Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre et Queer) bien que le terme soit anachronique dans la plupart des cas que nous étudierons.
Nous allons donc nous demander en quoi les Global Sixties ont-elles permis de mondialiser les luttes d’émancipation homosexuelles à travers la politisation des identités sexuelles et de genre entre 1960 et 1970 ?
Nous reviendrons dans un premier temps sur une histoire rapide du statut de l’homosexualité et des formes d’organisations qui précèdent la période qui nous intéresse. Nous verrons ensuite quelles formes ont pris les mouvements d’émancipation homosexuels en France et aux États-Unis particulièrement en tentant de dresser les liens et les divergences entre les deux contextes
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sociohistoriques. Nous aborderons finalement la question de la postérité de ces événements dans la continuité d’un mouvement d’émancipation LGBTQ+ global.
I- Des revendications qui émergent dans un contexte de dépolitisation d’une identité homosexuelle réprimée.
A. Discours légal et social sur l’homosexualité : entre criminalisation et médicalisation
Le sujet de l’homosexualité porte d’abord le stigmate de la sexualité, un sujet qui ne devait pas être abordée dans les sociétés occidentales jusqu’à la libéralisation des années 60. La prévalence de l’institution religieuse, que ce soit en Europe ou dans la tradition puritaine américaine, a contribué à forger une norme selon laquelle la sexualité n’est compréhensible que dans le cadre de l’intimité d’un couple hétérosexuel marié et certainement pas comme une question politique.
Pendant longtemps, l’homosexualité n’était même pas nommée. Les premiers à en faire un sujet à part entière sont des scientifiques européens comme Carl von Westphal, Richard von Krafft-Ebing ou encore Havelock Ellis à la fin du XIXe siècle qui la classe comme maladie mentale et perversion sexuelle et parlent d’un « troisième sexe anormal” pour la non-binarité de genre. Sigmund Freud ensuite aborde l’homosexualité sous un angle nouveau, puisque pour lui la bisexualité était un aspect inné de chacun à la naissance mais serait une forme d’immaturité si elle persiste, surtout chez les femmes. L'écrivaine anglaise homosexuelle Radclyffe Hall, dira alors qu’elle accepte volontiers l'idée d'être une « invertie congénitale ».
Au XXème siècle l’homosexualité reste une déviance. Durant la Seconde Guerre Mondiale, entre 5000 et 15 000 personnes sont enfermées dans des camps de concentrations par les nazis pour leur homosexualité et au moins 3000 sont mortes. L’homosexualité est punie dans la plupart des pays du monde pour “atteinte à la morale” ou “sodomie”. En 1968, l’Organisation Mondiale de la Santé la classe comme maladie mentale.
Le contexte semble donc loin d’être favorable à une libération donc mais surtout à une politisation de la question homosexuelle qui est occupée par le terrain médicale et moral. Pourtant selon Didier Eribon, le terme “homosexuel” serait apparu avant la psychiatrisation avec le premier mouvement gay fondé en Allemagne en 1897 par Magnus Hirschfeld et porterait donc pour lui une identité avant tout militante, non une catégorie scientifique mais plutôt un terme indissociable de la lutte pour l’émancipation.
B. Généalogie des mouvements d’émancipation homosexuels avant 1960
Les premières formes d’organisations militantes homosexuelles émergent en Allemagne dans la première moitié du XXe siècle. La plus célèbre étant celle fondée par Magnus Hirschfeld qui créa aussi “l”Institut für Sexualwissenschaft” ou l’Institut de Berlin pour les sciences sexuelles », un lieu d’archivage de l’histoire homosexuelle européenne qui fut entièrement pillé dans le cadre des autodafés nazis de 1933. L’Allemagne de l’entre-deux guerres voit pourtant fleurir les bars gays et lesbiens et les identités de genre se mélangent dans un contexte artistique d’expérimentation.
Aux États-Unis, certains quartiers de New York comme Harlem ou Greenwich Village se font dans les années 20 un lieu de rencontre pour les minorités sexuelles. Durant la prohibition, les clubs “underground” donnent à voir une variété de performances notamment de drag queen/king et de chanteuses de blues afro-américaines qui exposent des questionnements raciaux et sexuels nouveaux. En 1947, les rapports Kinsey offrent une remise en question de la sexualité hétérocentrée en laissant entendre qu’une grande partie de la population ne serait pas hétérosexuelle à partir d’une enquête d’ampleur. La thèse de Kinsey fait polémique, mais ouvre la possibilité d’une reconnaissance plus
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