Danse macabre
Étude de cas : Danse macabre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Andréa Rodrigues • 22 Mars 2017 • Étude de cas • 3 562 Mots (15 Pages) • 1 265 Vues
Introduction
La mort terrasse brutalement ses victimes en les arrachant à leurs activités. De plus, elle est parfaitement insensible aux inégalités sociales : elle rend les hommes quelconques en les transformant en squelette si bien que le roi ne se distingue plus de l’humble laboureur. Ces deux idées sont celles qui donnent naissance à un thème typique de la fin du Moyen Age : La Danse macabre. Ce thème iconographique, fréquemment accompagné d’un dialogue entre le mort et le vivant, se présente le plus souvent sous forme de gravures ou de peintures. Il représente de façon symbolique une danse dans laquelle un squelette entraîne des vivants de toutes conditions sociales dans la mort. Ces nombreuses images insérées dans les manuscrits, dans les livres ou sur les murs veulent se poser devant les regards comme un memento mori, une évocation du moment suprême, un rappel de l’incertitude dans laquelle nous sommes condamnés à vivre.
Ces Danses macabres font l’objet de nombreuses études. Probablement est-ce parce que, comme l’affirme Jacques Le Goff, « la mort est à la mode ». Il est vrai qu’essentiellement, dans les trente dernières années du XXe siècle, l’attitude des hommes devant la mort constitue un sujet de recherche qui stimule les historiens et, plus particulièrement, les français. Philippe Ariès, Michel Vovelle, Danièle Alexandre-Bidon ou encore Wolfgang Stammler ne sont que quelque nom dans la longue liste d’historiens qui contribuent à réveiller les connaissances sur la perception de la mort. D’après Alexandre-Bidon, ces recherches nombreuses sur la mort « tiennent beaucoup de notre sensibilité contemporaine : l’explosion de l’espérance de vie entraîne à l’heure actuelle, chez les historiens comme chez les sociologues, les philosophes et les médecins, bien des interrogations sur la mort, ou les morts.». Parmi les travaux parus depuis le début du XXe siècle traitant des Danses macabre signalons ceux d’Emile Mâle, de Johan Huizinga, d’Alexandre Masseron et plus récemment d’Hellmut Rosenfeld, d’Alberto Tenenti et d’André Corvisier. Ajoutons qu’à l’initiative d’Hélène et Bertrand Utzinger se créer, en 1986, l’association « Danses macabres d’Europe » qui met en place un inventaire général rigoureux de l’art macabre. L’association, active encore aujourd’hui, organise chaque année des rencontres et des colloques qui permettent de nombreuses avancés dans la connaissance de l’art et de l’esprit macabre.
Le thème semble commun à une grande partie de l’Europe du XVe et XVIe siècle sans différence marquante d’un pays à l’autre. L’important succès rencontré par la Danse macabre en fait une source iconographique massive et difficile à appréhender dans son ensemble. Ceci me contraint à limiter l’aire géographique de ma recherche. Je me pencherais donc essentiellement sur la France qui est, sans doute, le pays d’origine du thème.
La danse macabre apparaît au XIVe siècle dans une Europe qui connait de nombreux troubles : la Grande Famine de 1315-1316, mais surtout la Peste Noire, apparue en 1348 et qui décime un tiers de la population par vagues successives. La France est particulièrement agitée notamment à cause de la guerre de Cent Ans. Tous ces évènements, qui renvoient à une vision apocalyptique du monde se répercutent sur les mentalités de l’époque. C’est ainsi que l’aspect effrayant et macabre de la mort, longtemps absent dans le domaine artistique, envahit à la fin du XIVe et au XVe siècle, le théâtre, la poésie, la musique et les arts plastiques. « La sérénité relative de la période classique du Moyen Age, après les grandes épreuves et le désarroi du XIVe siècle, se brouille, se ternit ; on voit se répandre peu à peu et faire tache une sorte de frénésie macabre, une curiosité inquiète, mais avide, pour les spectacles de mort et de cadavre, un véritable goût, un sourd plaisir même peut-être, qui s’accroche à tout ce qui touche à la fin de l’homme et à la destruction de son être terrestre. »
Mais que représentent ces danses macabres ? Quels éléments sont à l’origine des danses ? En quoi, illustrent-elles un changement des mentalités vis-à-vis de la mort à la fin du Moyen Age? Sont-elles un témoignage d’une sensibilité nouvelle à propos de la vie et de la mort ?
Pour répondre à ces questions, nous allons, dans un premier temps, approcher la sensibilité qui fait naître les danses. Nous aborderons donc les multiples facteurs qui amorcent une évolution dans la perception de la mort. Il s’agira de mettre en lumière les aspects sociaux, économiques, moraux et culturels qui contribuent à permettre l’éclosion des danses macabres. Les divers éléments que je vais aborder pourront en définitive se grouper et se synthétiser de façon à mettre en évidence la grande quantité de morts dans des conditions souvent brutales et dramatiques.
La danse macabre ne saurait être observée ou analysée toute seule. C’est pourquoi je parlerais dans un deuxième temps de la maturation intellectuelle et artistique du genre macabre. Car la danse macabre est, certes, l’un des éléments les plus achevés de l’art macabre du XIVe, mais le genre existe depuis des siècles. En outre, l’étude de quelques textes, auteurs et sujets macabres antérieurs me permettra de placer les jalons de cette conception de la mort.
Dans un troisième temps, je parlerais plus précisément du sujet qui nous intéresse en expliquant comment le thème de la Danse Macabre apparait en Europe. Ensuite, je mettrais en lumière les différents messages, sociaux et religieux, que nous transmettent les Danses des morts. Pour ce faire, j’ai surtout choisi de m’appuyer sur les Danses éditées par Guyot Marchant (les éditions de 1485 et 1486). Elles nous intéressent, car il s’agit des premières danses macabres imprimées. Elles connaissent, de plus, un énorme succès à leurs parutions et sont diffusées dans une grande partie de l’Europe. Nous verrons que le thème de la Danse macabre traduit une nouvelle vision de la mort et du salut. Je montrerais également que cette œuvre est une façon de dédramatiser le moment de la mort et qu’elle est une satire de la société à la fin du Moyen Âge.
L’éclosion du macabre – contexte historique, psychologique et sociale
Les danses macabres participent à l’atmosphère d’une époque. Elles sont profondément influencées par les visions d’horreur et les multiples calamités qui s’offrent à la fin du Moyen Âge. En effet, cette période est marquée par des phénomènes qui choquent les populations : crise économique, guerre, peste, famine, crise de l’Eglise.
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