Quelles relations la scénographie entretient-elle avec ce qu'elle met en scène?
Dissertation : Quelles relations la scénographie entretient-elle avec ce qu'elle met en scène?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Karen Mancini • 2 Février 2022 • Dissertation • 2 300 Mots (10 Pages) • 496 Vues
Quelle(s) relation(s) la scénographie entretient avec ce qu’elle met en scène ?
Dans le langage courant, une confusion est souvent faite entre les termes de scénographie et de mise en scène. La mise en scène a pour fonction d’articuler la dramaturgie et la scénographie qui, quant à elle, organise le rapport entre ce qui est mis en scène et son environnement. Elle sert à “construire pour le temps d’un regard” selon l’expression de Guy-Claude François, scénographe du Théâtre du Soleil.
Nous nous intéresserons dans un premier temps aux liens entre la scénographie et ce qu’elle met en scène à travers le théâtre. Nous verrons ensuite que depuis les années 70, la scénographie s’est ouverte vers de nouveaux horizons créant ainsi de nouveaux enjeux et de nouveaux liens avec les éléments qu’elle met en valeur. Nous finirons par nous poser la question de la place de la scénographie aujourd’hui, notamment dans l’urbanisme et dans l’espace public, de ses enjeux et de sa relation au public, aux usagers.
Il est important pour comprendre les liens entre la scénographie et ce qu’elle met en scène de connaître son étymologie et son origine. D’un point de vue étymologique, esthétique et technique, la scénographie prend ses origines dans le domaine du théâtre. Le mot scénographie vient du grec skènègraphia qui signifie “l’art de peindre (graphia) la scène (skènè)”. Le théâtre grec était un lieu ouvert, qui favorisait le mélange des classes sociales. Dans l’Antiquité, la scénographie prend la forme de panneaux peints (avec des représentations différentes selon qu’ils s’agissent de tragédies ou de comédies) et ayant pour vocation de susciter des expressions, des émotions, spécifiques. Elle contribue à côté des textes, de la musique et des costumes à la notion du spectacle total. Le théâtre romain remplace la skènè grecque par le mur de scène (frons scenae), décoré de toiles peintes (trompe l'œil et images naturalistes), puis les constructions scéniques vont intégrer des éléments architecturaux (frontons, colonnes...). Le théâtre du Moyen-Age n’établit pas de lieux spécifiques pour ses représentations, il investit des lieux existants : églises, palais, espaces publics, les machineries et les décors prennent beaucoup d’importance...
L’apparition de la perspective à la Renaissance va entamer un changement majeur dans le théâtre et la scène va devenir un lieu permanent, à la fois cadre, support et instrument. La scénographie pré-Renaissance servait la dramaturgie, elle servait de décor à ce qui était mis en scène, la scénographie post-Renaissance va relever de la combinaison entre technique (machinerie, coulisses, châssis...) et esthétique, s’articulant par rapport à la place du spectateur, son point de vue, le théâtre à l’italienne posant une réelle frontière entre l’action et le spectateur. Le XVIè siècle verra naître le théâtre Olimpico de Vicence par Palladio qui représente des morceaux de quartiers par le biais de trois rues transversales et de maisons qui semblent fuir vers l’arrière-plan. Avec Sebastiano Serlio, les bases de la perspective scénique voient le jour. S’appuyant sur les notions de l’homme de Vitruve, il fait renaître la scénographie. Le XVIIè siècle est l’époque de la scénographie baroque, “toute la recherche théâtrale semble centrée sur l’invention de mécanismes assurant la mise en scène de prodiges sans autre vitalité que celle de leur étonnante puissante”, Michel Corvin, Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre à travers le monde. Jusqu’au XXè siècle, la scène à l’italienne va intégrer des technologies de plus en plus développées. Le XVIIIè siècle va marquer une rupture avec le décor symétrique à point de fuite central, Giovanni Servandoni, va supprimer l'architecture symétrique et déplacer les spectateurs en variant les points de vue et en modifiant les châssis, ce qui va donner plus d’espace aux acteurs sur la scène. Au XIXè siècle, les accessoires mobiles font leur apparition sur la scène, ils ne servent plus uniquement les besoins de l’action mais ont également un rôle décoratif. Le XIXè siècle est
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un siècle de réalisme artistique et le terme de scénographie disparaît peu à peu pour laisser place à celui de “décoration de théâtre”.
Le début du XXè siècle marque un tournant pour la scénographie. Elle devient un “dispositif propre à éclairer (et non plus à illustrer) le texte et l’action humaine, à figurer une situation d’énonciation (et non plus un lieu fixe), et à situer le sens de la mise en scène dans l’échange entre un espace et un texte” Patrice pavis, Dictionnaire du théâtre. Quelques grands noms du théâtre ont proposé de nouvelles conceptions de l’espace au théâtre et développé une vision novatrice de la mise en scène. Nous pouvons ainsi citer Adolphe Appia qui au travers de son œuvre scénographique et de ses deux ouvrages La mise en scène du drame Wagnérien et La musique et la mise en scène va critiquer l’illusion, réagir contre les décors saturés d’éléments. Il place l’acteur comme centre d’intérêt premier autour duquel se créent les décors, il conçoit des espaces rythmiques. Il n’est plus question de décors ou de peintures mais d’un “univers de sens qui, loin d’illustrer et de redire le texte, le donne à voir et à entendre, comme de l’intérieur” Adolphe Appia, Oeuvres complètes. Gordon Craig conçoit également l’espace scénographique à partir de l’acteur, il suggère une spatialité créée par les personnages. Il a également inventé les paravents à panneaux articulés et mobiles. Au XXè siècle, les scénographes les plus importants sont autant des architectes que des hommes de théâtre partageant un objectif commun : intensifier et prolonger la communication entre la scène et la salle, entre l’acteur et le spectateur. Dans les années 60 naît une volonté de rendre le spectacle accessible à tous et en découle une recherche de nouveaux espaces scéniques : la rue, les lieux publics...L’aménagement de la cartoucherie de Vincennes par le théâtre du Soleil en est un bon exemple.
La scénographie qui était jusque lors “enfermée” au sein du théâtre, est désormais présente dans notre quotidien, elle sert d’écrin à tout élément qui a besoin d’être mis en valeur ou d’être remarqué. Elle a été “l’art d’orner la scène chez les Grecs, de dessiner et de planter le décor en perspective chez les artistes de la Renaissance, de concevoir les plans du théâtre chez les décorateurs du XIXè siècle,(...) [elle] désigne enfin aujourd’hui l’invention
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