Critique Sainte Jeanne des Abbatoirs de Marie Lamarchère

Sainte Jeanne des Abattoirs: 86 ans plus tard, les luttes restent les mêmes

Au théâtre de la Vignette, se jouait jeudi dernier la mise en scène de Marie Lamachère de la pièce de Brecht Sainte Jeanne des Abattoirs. Cette pièce à pour décor le monde de la boucherie industrielle dans les années 30: Pierpond Mauler, un riche industriel sent le vent tourner pour son usine de viande en conserve, il tente de refiler l'affaire à son associé Cridle mais celui-ci n'est pas dupe quant au pourquoi de la manœuvre et n'accepte le marché qu'à condition que Mauler l'aide à faire tomber la concurrence. En parallèle de ce jeu de pouvoir économique, nous suivons également les ouvriers mis au chômage par la fermeture des usines mais également Jeanne Dark lieutenante des Chapeaux Noirs (sorte d’organisation religieuse proche de l'Armée du Salut) qui essaie de défendre comme elle peut la cause ouvrière. Naïve et idéaliste, Jeanne ira de désillusions en désillusions et sa foi en l'humanité ainsi que ses certitudes seront mises à l'épreuve face à la cruauté des industriels qui finissent toujours par gagner et face à la violence de la pauvreté, qui pousse les hommes à renoncer à leur honneur ou à leurs convictions pour survivre.

La scénographie nous plonge dans le milieu ouvrier en créant sur scène un pan d'usine à taille réelle. Une toile de projection se lève parfois devant le décor où sont projetées entre autres des images d'archive de ces boucheries industrielles et l'on voit ainsi le quotidien tel qu'il l'était de ces ouvriers qui travaillent dans les carcasses d'animaux toute la journée. Cette pièce a été écrite en 1930 (dans un contexte de crise économique et de montée des extrêmes en Europe), pourtant ses thématiques sont toujours d'actualité: la lutte des classes, la crise économique, l'oppression des salariés. Marie Lamachère accentue cet aspect de la pièce ancré dans notre réel en incluant dans la pièce des scènes de distanciations où les comédiens vont expliquer et commenter les mouvements de grèves de masse des ouvriers en Pologne en 1980 ou encore lorsque Jeanne fait référence à des événements actuels comme la jungle de Calais.  

Outre ce choix de mettre l'accent sur l'aspect intemporel de la pièce, un autre point fort de cette mise en scène sont les musiques qui rythment le spectacle. La metteuse en scène  a en effet choisi de faire des Chapeaux Noirs une sorte de fanfare qui intervient régulièrement dans la pièce et fait office de «contrepoids» en arrivant après des scènes particulièrement sombres.

La pièce de Marie Lamachère, bien qu'un peu longue (trois heures et demie), réussi avec efficacité à nous faire comprendre que les thématiques abordées dans une pièce écrite presque un siècle plus tôt sont malheureusement toujours d'actualité et que «seuls les humains peuvent aider les humains dans un monde humain.

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