L'impact de la scénographie sur le corps du visiteur d'après l'étude du musée juif de Berlin
Étude de cas : L'impact de la scénographie sur le corps du visiteur d'après l'étude du musée juif de Berlin. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Jeanne.ARTOUS • 13 Janvier 2017 • Étude de cas • 2 877 Mots (12 Pages) • 1 131 Vues
L'impact de la scénographie sur le corps du visiteur selon l'étude du Musée juif de Berlin.
Véritable médiation proposant une réflexion autour des questions muséographiques et technologiques cherchant à répondre aux attentes du public et des institutions culturelles, la scénographie est plus que jamais au cœur du débat contemporain. Pouvant être théâtrale, d'opéra mais également temporaire, notre étude portera sur la scénographie d'exposition. Œuvre de l'esprit, la scénographie d'exposition propose une vision résultant de quatre notions : la temporalité, l'espace, les contenus et l'enveloppe financière. « Chef d'Orchestre d'une équipe pluridisciplinaire », le scénographe s'affirme comme étant l'auteur de propositions novatrices et plastiques. A partir de ce postulat, quel est l'impact de la scénographie sur le corps du visiteur ? Nous tenterons de répondre à cette problématique en prenant pour exemple le Musée juif de Berlin de Daniel LIBESKIND.
Selon la définition usitée au musée du Louvre, la scénographie est un « terme emprunté aux arts du spectacle qui regroupe les aspects proprement formels et matériels de l’exposition : couleurs, lumières, mobiliers, vitrines… Cette discipline vise à trouver, par des moyens matériels, la meilleure façon de transmettre au visiteur le contenu scientifique d’une exposition, de mettre en scène son discours pour le communiquer efficacement et agréablement.» Aujourd'hui nous observons l'émergence de mouvements, la scénographie plasticienne et la scénographie d'auteur. La scénographie plasticienne[1] tend à exister par elle-même et reflète, selon nous, à la fois un épanouissement créateur et une volonté du scénographe de se détacher de la scénographie "académique" jugée trop conventionnelle. Ce désir grandissant est d'autant plus perceptible qu'aujourd'hui l'exposition présente une sorte de mise en abyme des œuvres d'art au sein d'une œuvre : la scénographie. En somme, la scénographie deviendrait aujourd'hui une scénographie d'auteur qui révélerait la touche propre à un scénographe. En ce sens, le Musée juif de Berlin de Daniel LIBESKIND en est une illustration.
Depuis son inauguration en 2001, le Musée juif de Berlin compte parmi les musées les plus visités d'Allemagne. Son extension résulte de la volonté du Sénat de Berlin de construire un nouveau musée juif, rattaché au Palais baroque nommé Kollegienhaus[2], afin de succéder à celui que la Gestapo fit fermer en 1938. Pour ce faire, un concours fut organisé et son gagnant, Daniel LIBESKIND, a pu proposer et réaliser un édifice en rupture avec les canons traditionnels auxquels sont soumises les formes. Bien qu'ils semblent exister indépendamment l'un de l'autre, le bâtiment de LIBESKIND et le Kollegienhaus se veulent comme « une métaphore rappelant l'ambivalence de la relation germano-juive.[3]» Le visiteur aborde donc initialement les bâtiments sous leur aspect extérieur. A peine visible de la rue, le bâtiment de l'architecte se veut discret, caché par les arbres. Pour autant, il s'impose de part sa conception spectaculaire qui génère « une désharmonie irritante et une dynamique indisciplinée.[4]» La structure de LIBESKIND semble incarner toute la violence et la persécution subies par les juifs. A contrario de l'enveloppe corporelle humaine, l'enveloppe du musée, en zinc, s'impose comme indestructible. Pour autant, telle la chair, la couleur du zinc évolue au fur et à mesure que le bâtiment vieillit. De même, les plaies de l'édifice, représentées par les meurtrières, paraissent comme des entailles à jamais ouvertes.
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Ci-dessus, façade du Musée juif de Berlin
A gauche, vue du ciel du Musée juif de Berlin
Hermétiquement fermé, l'entrée ne peut se faire qu'à travers le Palais baroque. De façon visible, les deux bâtiments ne semblent pas reliés. Pour autant, le travail de LIBESKIND est le résultat «d'un dialogue constant entre continuité et discontinuité, entre présence et absence.[5]» L'accès au musée s'effectue donc par une entrée bétonnée, s'enfonçant à douze mètre dans le sol, annonçant le commencement d'un parcours à l'image de l'histoire juive. A contrario, imperceptible à l'échelle de l'Homme, la forme générale du musée qui peut être associée à la déstructuration de l'étoile de David ou à un éclair (d'où son surnom le Blitz), représente le plan des adresses historiques célèbres et d'anciens domiciles de citoyens juifs de la ville de Berlin. Le Musée juif, de part son plan, prend racine dans une mémoire collective propre à la ville de Berlin. [pic 3][pic 4]
Dès son entrée, le corps du visiteur est soumis au lieu. Afin d'avancer dans la découverte de l'Histoire juive, le public se retrouve seul devant faire face à ses propres choix de parcours. Le corps ainsi conditionné selon la volonté de LIBERSKIND, est tout d'abord confronté au vide. Un vide omniprésent, pouvant être perçu comme un rappel constant à la mémoire. Le rez-de-chaussée devient un espace de recueillement où les corps des visiteurs peuvent être assimilés aux âmes errantes du peuple juif. Hasardeux, le choix du public, dirigeant leur corps vers telle ou telle direction, intervient comme une méditation et un ressenti sur les expériences vécues du peuple juif pendant l'Exil ou l'Holocauste. L'architecte Daniel LIBESKIND impose donc une réflexion forte aux visiteurs sur l'histoire juive avant toute découverte de l'exposition. Tel un face à face avec sa propre conscience résonnant comme néanmoins collective, le corps du public se trouve guidé par trois axes représentant trois expériences marquantes du judaïsme allemand : "l'axe de l'Holocauste", "l'axe de l'exil" et "l'axe de la continuité". Représentés par une lumière zénithale artificielle, les axes proviendraient, telles des forces extérieures au bâtiment, de la ville de Berlin elle-même. « Le musée juif est fondé sur des figures invisibles dont les tracés constituent la géométrie du bâtiment. Le sol sur lequel les musée est bâti n'est pas seulement celui qui est visible dans le quartier de Kreuzberg, mais également celui qui est à la fois au dessus et en dessous.[6]» Comme une présence pesant sur le corps du public, les intersections lumineuses creusent l'espace, en accentuent les profondeurs, interviennent à l'encontre de l'édifice. Situées sur des plafonds bas, les lumières semblent oppresser, écraser le corps des visiteurs déjà sollicité par un sol pentu. Un sol provoquant à la fois un malaise, et, du fait de la pente, oblige les corps à avancer.[pic 5][pic 6]
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