Interview maire de clichy sous bois

Interview d'Olivier Klein, maire de Clichy-sous-bois (26/01/2019)

Selon vous pourquoi le taux de chômage est autant élevé à Clichy-sous-bois ?

-  Il est aux environs de 19 %. Les derniers chiffres étaient 17,8 % donc effectivement c'est élevé, c'est presque le double de la moyenne nationale, c'est aussi parce qu'il y a des pics très importants dans certains quartiers en particuliers dans les quartiers des copropriétés dégradés où là on peut flirter, notamment chez les jeunes, autour des 35 % de chômage donc c'est des taux absolument insupportables. Si ces taux sont aussi élevés c'est d'abord parce qu'un certain nombre de clichois n'ont pas toutes les formations suffisantes pour avoir un emploi et ça pose la question de quelle politique on met en place pour les aider à obtenir ces formations quand on a par exemple quitter le système scolaire trop tôt pour tout un tas de raisons et puis il y a aussi probablement les effets d'une forme de discrimination et de fracture territoriale. Les habitants de Clichy-sous-bois se retrouvent en concurrence avec ceux d'Aulnay-sous-Bois ou d'autres villes qui se trouvent être mieux désservies en transports en commun, quand un chef d'entreprise hésite entre deux CV il choisit de toute évidence celui qui aura le moins de chance d'arriver en retard le matin. Donc c'est vrai que l'enclavement de Clichy-sous-bois est aussi un frein à l'embauche, ce qui peut aussi expliquer cet écart. En prenant comme exemple le pole de l'aéroport de Roissy, il y a plus de gens venant de Picardie qui peuvent venir y travailler grâce au RER que des habitants de Seine-Saint-Denis. Ce qui montre que la question des transports est extrêmement importante, c'est pour cela que nous avons une politique de désenclavement, qui verra le jour bientôt avec la mise en place du tramway.

Quels sont les moyens mis en place pour éviter la fracture territoriale ?

- Beaucoup de choses,  ce qui  crée la fracture territoriale c'est le logement et l'état du logement dans une ville à Clichy-sous-bois on a un problème majeur ce sont les copropriétés dégradées, nous avons très peu de HLM mais beaucoup de grandes copropriétés très dégradées, ce sont des logements qu'il faut réhabiliter, démolir, reconstruire. Concrètement les gens ne veulent pas habiter ici, ils habitent ici par contrainte et non par choix parce que c'est presque des bidonvilles horizontaux.

Ensuite il y a la question des transports et il faut relier les villes périphériques avec des transports en commun rapides et efficaces, à Clichy-sous-bois ça fait 20 ans qu'on dit qu'il faut un tramway et ça aura pris plus de 20 ans pour y arriver en novembre 2019 et en 2024 on devrait bénéficier du métro automatique du grand Paris (la ligne 16). Ce sont des politiques qui prennent beaucoup de temps, j'aime bien l'expression qui dit que « les pouvoirs publics arrosent là où c'est déjà mouillé » et en faisant ça on oublie là ou il y a le plus de manques. Si on regarde froidement les chiffres c'est vrai que le flux de voyageurs en transport en commun est faible à Clichy-sous-bois car comme on le disait il y a beaucoup de chômage, donc forcément les pouvoirs publics pensent qu'ils n'y a pas besoin de transports comme les habitants ne travaillent mais tant qu'il n'y aura pas de transports il  n'iront pas travailler, donc c'est un cercle vicieux.

Ensuite pour lutter contre la fracture territoriale je pense qu'il faut faire très attention aux équipements publics, en particulier à l'école, dans une ville comme Clichy-sous-bois il nous faut des écoles belles, ouvertes sur la ville, avec des enseignants formés et de qualités, qui ne sont pas absents ou remplacés rapidement. Il faut que les collèges rassurent les parents, qui sont souvent inquiets à l'entrée au collège de leurs enfants, ils ont peur de l'insécurité, etc.

Puis il faut aussi que le lycée permettent aux élèves de Clichy-sous-bois de réussir leur Baccalauréat et ça notre lycée y arrive très bien mais il faut aussi qu'il les prépare aux études supérieures et ça c'est plus difficile.

Pour lutter contre la fracture territoriale il faut aussi de la sécurité, même s'il y a parfois des baisses d'effectifs, il faut une présence policière efficace, visible. En tant que maire et président du association qui s'appelle l'ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) je pense que pour lutter contre la fracture territoriale il faut être capable d'agir sur tout ce qui fait la ville, il suffit pas de faire uniquement du logement de démolir, reconstruire.. si on fait que ça c'est pas suffisant, donc il faut faire en même temps du logement, de l'école, de la sécurité, des transports, ect… c'est le seul moyen d'y arriver.

Comment les entreprises peuvent-elles se développer malgré les difficultés économiques de votre ville ?

- Alors ça c'est difficile, c'est difficile d'abord parce que la ville a été conçu dans les années 60 comme une ville résidentielle, donc on a peu de terrain pour accueillir des entreprises car la majorité de l'espace a été dédiée au logement et quand une entreprise se développe souvent elle a besoin de plus de terrain alors la plupart du temps ils partent ailleurs. Elles ont aussi besoin de transports pour leur employés, elles ont alors tendance à se rapprocher de la francilienne, du RER ou autres. On a donc bien du mal à garder les entreprises, on arrive à les faire naître, à accompagner la création d'une entreprise mais on a du mal à faire en sorte qu'elle reste sur le territoire. Malgré ça il existe les intercommunalités, et les taxes payées par les entreprises ne tombent pas dans la caisse d'une ville ou d'une autre mais dans ce territoire donc à la limite si une entreprise grandit à Clichy-sous-bois et qu'elle change de localisation par la suite pour une ville de notre intercommunalité, ça n'aura pas d'effet négatif sur les recettes de la ville puisque les taxes tombent dans un pot commun. Il faut donc continuer le développement des intercommunalités afin de ne pas avoir à garder les entreprises dans la ville mais simplement dans le territoire de l'intercommunalité.

Quelles conséquences ont eu les émeutes de 2005 sur votre ville ?

- D'abord on ne peut pas parler des émeutes de 2005 sans en évoquer la raison car il s'agit d'un drame, c'est deux enfants qui sont morts dans des conditions insupportables et un troisième qui a été gravement blessé et psychologiquement blessé à vie. Ça a donc eu des conséquences extrêmement négatives,  parce que les émeutes ont, à tort, donner une mauvaise image de cette ville qui ne le méritait pas mais la colère était telle devant la mort de ces deux enfants et la compassion des pouvoirs publics tellement insuffisante que la colère a explosé et comme la situation était déjà très difficile, c'était une poudrière et la mort de ces deux enfants fut une étincelle insupportable.

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